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Comment Inmemori dépoussière le marché des pompes funèbres

Fondatrice de la société à mission Inmemori, Clémentine Piazza a pour objectif de casser les codes des pompes funèbres dans les métropoles, dont Nantes, en proposant un service plus humain et éthique, tout en pratiquant des prix « justes ». Autrement dit passer d'un service commercial « à un service à la personne ».

La fondatrice d’Inmemori a témoigné à Nantes, le 30 janvier dernier, dans le cadre de la deuxième édition de « Zero to One », événement dédié aux start-ups dans les locaux d’Icilundi. NICOLAS LE PORT - IJ

Avec Inmemori, fini les boutiques donnant sur la rue avec leurs vitrines froides remplies de stèles, plaques d’hommage et autres vases funéraires. La start-up a en effet choisi d’apporter un peu de chaleur au secteur des pompes funèbres à travers une approche qui se veut plus humaine et éthique. D’abord avec une touche de digitalisation, ensuite en proposant aux proches endeuillés une cérémonie à l’image du défunt.

Créée en 2016 puis incubée à San Francisco au sein de The Refiners, programme d’accélération et fonds d’investissement spécialisé dans l’accompagnement des jeunes pousses françaises dans leur implantation aux États-Unis, l’entreprise Inmemori propose au départ une plateforme en ligne pour faciliter la communication entre proches au moment d’un décès. Elle rassemble également les messages d’hommage et informations pratiques sur les obsèques ainsi que la possibilité d’organiser une collecte de dons. « Je me suis retrouvée à organiser des obsèques pour une de mes meilleures amies », rembobine la fondatrice de la start-up, Clémentine Piazza. « Dans ce monde très archaïque, j’ai été choquée par le manque de moyens de communication pour partager les informations sur les obsèques. Il n’y avait aucun service dédié alors que c’est tout sauf simple, d’appeler tout le monde quand on est endeuillé. J’ai également constaté qu’il y avait de nombreux messages incroyables qui étaient dispersés entre les téléphones des uns et des autres. Personne ne les rassemblait. C’est pourtant une matière immense pour la résilience et la mémoire. C’est comme ça que le service d’hommage est né. »


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Et il séduit rapidement. À tel point qu’il permet à cinq millions de Français de partager le souvenir d’un proche sur un espace digital déréférencé des moteurs de recherche et uniquement ouvert à ceux qui ont connu le défunt. « Un moyen de rendre un hommage collectif, digne, sobre et surtout qui ressemble à la vie vécue par le défunt », poursuit-elle. « En étant présents aux côtés des endeuillés pendant des années, nous avons compris qu’il y avait aussi un gros besoin au niveau des obsèques, qui étaient considérées comme trop chères, parfois trop rapides, et pas forcément à la hauteur des attentes des proches pour l’accomplissement des rites. »

Un marché dominé par deux acteurs historiques

La diplômée d’HEC qui avant de fonder Inmemori était directrice marketing d’Unibail-Rodamco-Westfield, le groupe leader mondial de l’immobilier commercial, souhaite alors franchir un nouveau cap et casser les codes d’un marché « qui n’a pas évolué depuis une centaine d’années en France » et est dominé par deux acteurs historiques : PFG (Pompes Funèbres Générales) et Roc’Eclerc. « Deux entreprises qui détiennent plus de 80 % de part de marché dans les vingt plus grandes villes de France », précise-t-elle.

Ce sera chose faite en 2020 : Inmemori devient une société de pompes funèbres en ouvrant sa première agence à Bordeaux. Elle prend ensuite « le parti de ne s’installer que dans les grandes villes où il y a besoin d’une alternative aux pompes funèbres traditionnelles. Nous sommes donc passés d’un service numérique à un service à la personne, où l’on accompagne les familles endeuillées de A à Z. »

« Quand vous recevez une personne triste, vous ne la mettez pas derrière une vitrine »

Contrairement à ses concurrents qui affichent jusqu’à cinquante références dans leur catalogue de cercueils, elle décide de n’en proposer que quatre « pour se consacrer à nos missions essentielles ». Parmi ces dernières : l’accueil des familles du défunt. « Quand vous recevez une personne triste, vous ne la mettez pas derrière une vitrine et vous ne l’entourez pas d’objets funérairesOn a donc pris le parti de ne pas recevoir les familles dans une boutique en rez-de-chaussée, mais dans des espaces intimes à l’étage de bâtiments historiques où l’environnement est au service de l’apaisement. On a créé des lieux baignés de lumière à mi-chemin entre un bureau et une maison. Des lieux qui invitent à la discussion, ce qui est essentiel dans notre métier. »

Côté tarifs, l’entreprise a décidé de jouer la carte de la transparence. Avec à la clé des obsèques qui coûtent environ 3 000 € chez Inmemori pour un enterrement, contre 5 000 € en moyenne en France. « Un respect du juste prix et un moyen de prendre le contre-pied des marges excessives parfois pratiquées par la concurrence », précise Clémentine Piazza.

« On recrute des responsables de l’événementiel ou RSE »

Au chapitre ressources humaines, la start-up mise sur des offres d’emploi décalées : « Plutôt que de parler de conseiller funéraire dans nos annonces, on recrute des responsables de l’événementiel ou RSE. » Et ça marche : « On reçoit cinq cents candidatures par mois pour un recrutement. » Une fois en poste, les heureux élus ont tous droit à une formation de trois mois dans l’académie interne d’Inmemori.


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Après avoir levé 20 M€ en 2023, « ce qui nous a permis d’ouvrir dix maisons, alors que nous n’avons que le bouche-à-oreille pour nous faire connaître », Inmemori est également devenue société à mission. Elle emploie désormais soixante-dix collaborateurs et est présente dans cinq villes : Paris, Bordeaux, Lyon, Rennes et Nantes. « Lorsque nous sommes présents depuis plus de dix-huit mois dans une ville, la start-up y gère plus de 15 % des obsèques », conclut Clémentine Piazza, toujours aussi déterminée à casser les codes d’un marché où les vieilles habitudes semblaient pourtant gravées à jamais dans le marbre.

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