Nantes détient-elle le record de la dégringolade du marché de bureaux ?
Je n’apporte pas de bonne nouvelle… La moyenne de la chute des transactions enregistrées par BNP Paribas Real Estate concernant l’immobilier de bureaux au premier trimestre pour les sept grandes villes, Lille, Lyon, Montpellier, Aix Marseille, Toulouse, Bordeaux et Nantes, est de 21 %. Toulouse chute de 26 %, Bordeaux de 41 %, et avec une baisse de 45 %, c’est un triste record pour Nantes !
Nous avons un marché en net recul. De plus, à la différence de certains marchés, comme Bordeaux, Nantes n’a plus de stock en neuf. C’est donc difficile d’attirer des entreprises. Celles-ci sont volatiles : si elles n’arrivent pas à se développer sur Nantes, elles s’installent ailleurs. Quand le cercle vertueux est rompu, c’est difficile de relancer la machine. Actuellement tout se paralyse. Il faut redonner un coup de collier, il faut relancer la production, quelle que soit la taille de l’opération. Il faut permettre aux gens de se loger et aux entreprises aussi. Si on ne propose pas de bureaux dans la métropole, l’entreprise ira ailleurs. Il faut avoir de l’offre. Bordeaux dispose d’un stock de 236 000 m2 disponible à un an, contre 145 000 m2 à Nantes. Le marché est dépendant de ce que l’on a, et de ce que l’on produit. Cela fait des années que nous sommes sur un stock assez mince. On a eu jusqu’à 70 000 m2 neufs disponibles à un an, actuellement nous sommes à 50 000. On commercialisait 20 000 m2 de neuf en centre ville, on n’a plus que 7 000 m2 dont 3 000 m2 sur l’île de Nantes avec l’opération Fusion de Giboire et 1 000 m2 encore disponibles avec Austral. Nous n’avons plus les grands immeubles que nous avons connus sur EuroNantes.
Il n’y a plus d’offre en neuf à Nantes ?
Certes, l’année ne s’analyse pas sur un trimestre, mais quand on regarde les chiffres, on constate que l’on a aucune grande transaction supérieure à 2 000 m2 et seulement quatre entre 1 000 et 2 000 m2. Il n’y a pas de compte propre ou clés en main. Cela explique en grande partie cette dégringolade. Et si on se projette, le deuxième trimestre ne sera pas meilleur. Nous espérons que lors du second semestre 2024, de grandes transactions redorent ces chiffres moroses. En neuf, on a seulement 1 000 m2 disponibles en centre-ville actuellement. Cela limite logiquement les transactions. On a de l’offre en seconde main avec les locaux laissés libres par la CCI, soit 7 000 m2 à commercialiser et un immeuble voisin, Salorges 3, avec 3 700 m2 laissés par la BNP fin avril. Ce sont donc 10 000 m2 disponibles qui viennent de se libérer. Une première location a été réalisée par une école, L’Intelligence Apprentie, pour 1 700 m2. Les demandes d’écoles enregistrent de nombreuses rectifications de surface à la baisse. C’est à géométrie très variable et très volatile en ce moment.
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Les entreprises privilégient-elles le neuf ?
On constate que les entreprises, pour des soucis de RSE, d’économie d’énergie, de labélisation, quand elles cherchent des grandes surfaces, veulent du neuf. 50 % des transactions se font en neuf et en centre-ville. C’est même plus que cela. Les entreprises sont soucieuses d’installer leurs collaborateurs dans de bonnes conditions, avec des immeubles possédant un bon confort thermique et une consommation réduite, correspondant aux nouvelles attentes, et dotés de douches, espaces communs et terrasses extérieures. Ce n’est pas ce que proposent les immeubles construits il y a dix ou vingt ans. Il faut remplir les obligations du décret tertiaire, il faut avoir un immeuble efficient, ce qui demande des travaux coûteux.
Il y a donc un souci pour accueillir des entreprises souhaitant de grandes surfaces neuves ?
Les grandes transactions ne sont pas aussi régulières que celles concernant les surfaces de 250 à 1 500 m2. On aura du mal à poser quelque part les transactions de plus de 2 000 m2. Le problème est que nous sommes totalement liés au logement dans les opérations. Comme dans le quartier République sur l’île de Nantes. Ces opérations sont mixtes, avec bureaux, logements et parking mutualisés. Si le logement ne sort pas, comme actuellement, le bureau ne sortira pas non plus. Et vice-versa. Cela bloque tout. Et il n’y a pas d’embellie prévue. Cela ne va pas nous aider à sortir des opérations en centre-ville. Cela veut dire qu’il faut repenser ces opérations, les rendre indépendantes. Mais c’est très compliqué. La politique de la métropole est de construire du logement, c’est bien, mais il faut que les promoteurs puissent vendre alors qu’il n’y a plus d’investisseurs privés et que les particuliers ont des difficultés de financement pour acheter afin de se loger. Ce qui est exceptionnel, c’est que l’on n’a jamais eu en même temps, comme aujourd’hui, une crise du logement et une crise tertiaire.
Quelles entreprises sont en demande ?
Principalement dans le service. Nous avons toujours des demandes de SSII, mais celles-ci ont fait leur révolution avec le télétravail. Cela modifie leur façon d’appréhender leurs mètres carrés. Nous avons toujours le secteur banque-assurance. De nombreuses entreprises sont impactées par la crise de l’immobilier : les bureaux d’études, les notaires, les agences d’architecture. Ce ralentissement est lié à celui du bâtiment et à l’incertitude géopolitique. Les entreprises ont du mal à avoir de la visibilité en ce moment. Le climat n’est pas très porteur d’affaires.
Quel est votre message à ceux qui ont les cartes en main ?
Il faut aider à sortir toutes les opérations possibles. Nous n’avons pas la problématique parisienne, nous ne sommes pas en suroffre. C’est pour cela que nous n’allons pas transformer nos bureaux en logements. Mais le vrai sujet est la réhabilitation de nos immeubles de bureaux. Il y a beaucoup d’attente. Il faut les rénover fortement, les labéliser, en BREEAM (BRE Environmental Assessment Method), en Bâtiment basse consommation rénovation (BBC). Et nous ne sommes pas au niveau des loyers parisiens en région, donc l’équilibre financier est compliqué.