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Ces entreprises qui cofinancent des places de crèche

Leurs salariés galèrent à faire garder leurs jeunes enfants et cela impacte leur vie professionnelle. Conscientes de cette problématique, certaines entreprises ont fait le choix de cofinancer des places au sein de crèches privées. Outil de fidélisation et d’attractivité, ce partenariat gagnant-gagnant reste un investissement raisonnable grâce à plusieurs avantages fiscaux. Témoignages en Vendée.

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Katell Pacory, gérante de neuf micro-crèches dans le Bocage vendéen. ©IJ

En 2022, Mathieu Guérin, gérant de l’Hyper U de Saint-Hilaire-de-Riez (Vendée), cherche une place en crèche pour son jeune fils et galère. Il prend alors conscience de la difficulté rencontrée par certains de ses salariés à trouver un système de garde adapté à leurs horaires décalés de matinée et de soirée, et se demande comment, à son échelle, il peut résoudre cette problématique et ainsi fidéliser ses équipes.

Un besoin partagé

« Je savais que l’Hyper U de Challans avait noué depuis 2014 un partenariat avec une société privée pour ouvrir une micro-crèche[1] destinée prioritairement à ses salariés via un système de cofinancement, explique-t-il. Cette aide, qui complète celle de la Caf, permet de faire baisser le coût de garde. De son côté, la crèche avait adapté son ouverture aux besoins de son partenaire. En parallèle, j’avais eu l’opportunité de racheter une maison à côté de mon magasin. J’ai donc contacté Kathleen Fauret, gérante de la micro-crèche challandaise, pour savoir si elle était intéressée pour exploiter une nouvelle structure sur le même principe. »

Kathleen Fauret dirige alors quatre micro-crèches vendéennes, toutes sous la franchise Les P’tits Babadins, et a déjà répondu aux demandes de plusieurs entreprises locales. Ainsi, sur l’établissement de Saint-Jean-de-Monts ouvert en 2021, elle a collaboré avec le magasin Super U et La Mie Câline. Après avoir mené une étude en lien avec la Caf, elle constate effectivement une carence en matière d’offres de garde à Saint-Hilaire-de-Riez, notamment sur les horaires atypiques[2], et accepte de relever le défi.

Mathieu Guérin investit dans le projet immobilier et cofinance pour ses salariés quatre des 12 berceaux, les autres places étant ouvertes aux gens de l’extérieur. « Je voulais faciliter le quotidien de mes salariés et améliorer l’insertion de mes futurs collaborateurs, mais je souhaitais aussi que ce service puisse profiter plus largement aux habitants du territoire », explique le patron de l’hypermarché. Ouverte fin avril 2023, du lundi au vendredi de 7h30 à 19h, la nouvelle micro-crèche affiche rapidement complet.

À l’autre bout du département, dans le Bocage vendéen, Katell Pacory est quant à elle à la tête de neuf micro-crèches, toutes créées par ses soins. Ex-enseignante de sciences économiques et sociales, elle a ouvert la première micro-crèche privée de Vendée, à Chanverrie, à côté des Herbiers, il y a près de 15 ans. Aujourd’hui, le département en compte 107 selon la PMI (Protection maternelle infantile).

« À l’époque, en 2009, j’ai commencé à proposer mes services à plusieurs entreprises dans l’optique de consolider mon modèle économique. Cofinancer des places en crèche ne fait pas partie de leurs obligations et beaucoup de dirigeants ne voyaient pas l’utilité de cet investissement. Les débuts ont été difficiles, se souvient-elle. Les entreprises réservaient une place ou deux, pour tester. C’est avec le groupe Liébot, basé aux Herbiers, que tout s’est accéléré en 2012, lorsque j’ai ouvert une première micro-crèche au sein de cette commune. » Onze ans plus tard, la clientèle entreprise (six partenaires) représente 20 % du chiffre d’affaires des neuf micro-crèches des Galopins[3] avec 35 berceaux cofinancés sur 104.

« Un avantage comme le restaurant ou la mutuelle d’entreprise »

« Quand nous nous sommes engagés dans cette démarche, témoigne Pierric Postic, DRH du groupe Liébot, cela répondait évidemment à un besoin des salariés mais aussi à une sensibilité des dirigeants de veiller au bien-être de leurs équipes en facilitant l’articulation entre vie personnelle et professionnelle. La crèche, ce n’est pas notre métier. C’est pour cela que l’on s’appuie sur des sachants comme Katell. Pour nous, ce service est un avantage comme le restaurant ou la mutuelle d’entreprise. L’information est présente dans notre livret d’accueil, nous en parlons éventuellement en entretien mais nous n’en faisons pas de promotion particulière. Il n’y a pas de stratégie “marque employeur” derrière. Nous proposons ce service par conviction et parce que nous avons les moyens financiers de la faire. »

À quelques exceptions, le fait de cofinancer des places en crèche pour ses salariés est un atout RH majeur pour nombre des employeurs engagés dans cette démarche. « Une des entreprises avec qui je travaille s’appuie à fond sur ce service pour recruter ses cadres, confirme Kathleen Fauret, la gérante des micro-crèches Les P’tits Babadins. Lorsqu’elle trouve un profil qui l’intéresse et qu’il y a une problématique de garde d’enfant à la clé, elle m’appelle avant de finaliser le process d’embauche pour savoir si nous avons bien une place disponible. Elle veut assurer à ce potentiel salarié une place en crèche pour le faire venir. »

Un investissement « raisonnable »

Grâce au partenariat avec les micro-crèches des Galopins, 123 enfants de salariés herbretais du groupe ont bénéficié depuis 2012 d’une place. Rien que pour 2023, Liébot a cofinancé 21 berceaux, utilisés par 35 enfants. Un berceau correspond ici à 180 heures par mois (soit un équivalent temps plein)[4] et peut donc être occupé par plusieurs enfants. « Chaque berceau coûte 10 000 € par an, soit un budget annuel de 210 000 €, détaille Pierric Postic. Après déductions fiscales – un crédit d’impôt famille (CIF) de 50 % et des charges déductibles de l’impôt sur les sociétés-, cela nous revient à 3 000 € par an et par berceau. Un coût tout à fait raisonnable. »

« Selon le nombre d’heures du contrat, l’économie pour les familles est de 100 à 250 € par mois et par enfant, complète Katell Pacory. Cofinancer des places en crèche pour ses salariés est par ailleurs moins coûteux et plus simple pour l’employeur que de construire sa propre crèche. » Kathleen Fauret précise : « L’option “crèche d’entreprise” est généralement privilégiée par de grandes structures qui ont la capacité de financer ce service et de le maintenir dans le temps. »

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La micro-crèche Les P’tits Babadins de Saint-Hilaire-de-Riez se trouve à proximité de l’Hyper U, son partenaire. ©Kathleen Fauret

« Externaliser ce service offre plus de souplesse à l’entreprise, poursuit Katell Pacory : elle ne gère pas le fonctionnement de la structure, est prioritaire sur les places disponibles et ne paie que les places réellement utilisées. En janvier, on fait un point ensemble sur le prévisionnel des 12 mois à venir. S’il y a eu des départs en cours d’année, on régule sur la facture suivante. »

Pour Mathieu Guérin, le gérant de l’Hyper U de Saint-Hilaire-de-Riez, l’avantage fiscal n’a en revanche pas constitué l’élément décisif : « Cofinancer des places en crèche est surtout une corde supplémentaire que j’ajoute à mon arc pour apporter du confort à mes collaborateurs. S’il le faut, je suis prêt à financer davantage de berceaux dans la mesure où cela permet de maintenir dans l’emploi et recruter. »

Un service sur-mesure

C’est toujours dans cette optique de soulager le quotidien des salariés de son usine herbretaise que le groupe Liébot a sollicité de nouveau Katell Pacory pour ouvrir une micro-crèche avec des horaires atypiques. « Sur 1 800 employés, 1 300 sont en 2X8, et s’ils n’avaient pas de solution dans leur entourage, ils ne pouvaient pas bénéficier de ce service de garde, indique Pierric Postic. Avoir une crèche avec des horaires atypiques est un vrai plus pour les industries. »

Deux unités[5] ont ainsi ouvert en 2019 au sein de la zone industrielle du Bois Joly (Les Herbiers), une troisième en 2023, toutes avec des horaires atypiques. « Nous avons apporté un service supplémentaire à notre partenaire et au territoire puisque ces trois unités du Nid des Galopins sont ouvertes du lundi au vendredi de 4h30 à 21h15 et le samedi de 4h30 à 20h30, 52 semaines par an, détaille Katell Pacory. Nous sommes la seule structure sur le bassin herbretais à le proposer. Ce service nous a permis de nouer de nouveaux partenariats : l’Hyper U et le Leclerc des Herbiers (six places) et le Puy du Fou (10 places). Néanmoins, si ce besoin de garde spécifique est réel, il reste à la marge car utilisé par 20 % des familles au maximum. Généralement, elles s’arrangent avec leur entourage. »

[1] Une micro-crèche est une crèche pouvant accueillir 12 enfants maximum en même temps.

[2] Les horaires atypiques, c’est avant 7h et au-delà de 19h30. Les horaires élargis sont ceux entre 7h et 8h et entre 18h et 19h30.

[3] Six aux Herbiers, deux à Chanverrie et une aux Épesses.

[4] Dans les micro-crèches Les P’tits Babadins, un berceau équivaut à 195 heures par mois.

[5] Une unité = Une micro-crèche de 12 berceaux.