Créer seul ou s’associer : avantages et limites
La première question à se poser concerne la pertinence de lancer son projet entrepreneurial. La décision de créer une entreprise ne doit pas être prise à la légère. Elle dépend de votre trajectoire professionnelle, des opportunités du marché ou encore de votre niveau de préparation. Si l’un de ces éléments soulève des doutes, il peut être judicieux de reporter le projet pour gagner en expérience ou en confiance. En revanche, si tous les signaux sont au vert, une nouvelle question apparaît : souhaitez-vous entreprendre seul ou vous associer avec d’autres personnes ?
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Créer en solo offre des avantages indéniables. Vous gardez un contrôle total des décisions et des capitaux, ce qui simplifie au plus haut point la gouvernance. De plus, l’absence d’associés évite les risques de désaccord ou de conflits internes. Toutefois, ce choix n’est pas exempt de défis. En vous lançant seul vous dépendez exclusivement de vos propres compétences, ce qui peut freiner la progression de l’entreprise, surtout lorsque des capitaux humains ou financiers font défaut. Le danger d’isolement est également réel, car vous devez assumer les décisions stratégiques et surmonter les périodes difficiles sans soutien.
À l’inverse, choisir de s’associer permet de relever de nombreux défis. Mais comment s’y prendre ? Comment concilier ambition et réussite personnelle, gain financier et liberté avec les notions de partage, d’équilibre ou encore de compromis ?
Une équipe bien structurée comble les lacunes en capitaux humains, relationnels et financiers, tout en accélérant la collecte d’informations et en améliorant la réactivité face aux opportunités du marché. De plus, l’entrepreneuriat en groupe est souvent perçu comme une aventure plus enrichissante, car elle repose sur le soutien mutuel et la collaboration. Pourtant, ce modèle a aussi ses revers. Partager les capitaux avec les cofondateurs signifie sacrifier une partie de votre contrôle décisionnel, de votre liberté. À cela s’ajoutent des risques accrus de conflits liés à la répartition des rôles, à la communication et à la distribution des bénéfices.
Pour éviter ces pièges, il est primordial de sélectionner avec soin les cofondateurs. Une évaluation rigoureuse des compétences, des motivations et des contributions potentielles minimise les tensions ultérieures. La mise en place de processus de prise de décision structurés favorise également une gouvernance claire et efficace. Enfin, il est crucial de bien connaître les futurs membres de l’équipe avant de formaliser l’association. Cette étape permet d’instaurer une relation de confiance durable et de prévenir les malentendus.
Homogénéité ou diversité dans l’équipe fondatrice ?
Un autre dilemme concerne la constitution d’équipes homogènes ou hétérogènes. Naturellement, les entrepreneurs ont tendance à s’associer avec des personnes qui leur ressemblent. Une équipe homogène présente plusieurs avantages. Elle favorise une communication fluide et rapide, car les cofondateurs partagent des compétences et des styles de prise de décision compatibles. Lorsque les niveaux de tolérance au risque ou d’engagement sont similaires, la stabilité de l’équipe s’en trouve renforcée. De plus, des valeurs communes permettent d’aligner les priorités et les préférences, ce qui facilite la cohésion au sein du groupe.
Cependant, l’homogénéité comporte aussi des risques. Lorsque tous les membres d’une équipe partagent les mêmes parcours et compétences, il devient difficile de couvrir l’ensemble des besoins de l’entreprise. Cette uniformité peut entraîner des lacunes importantes dans des domaines critiques et freiner l’innovation. Par ailleurs, une équipe homogène a tendance à manquer de contrepoids dans la prise de décision. Si tous les membres sont prudents ou, au contraire, optimistes, il n’existe aucun équilibre pour tempérer ces tendances naturelles. Les conséquences peuvent être désastreuses, qu’il s’agisse d’une inertie totale ou d’un excès de risques sans réflexion approfondie.
Il est donc primordial d’instaurer un équilibre au sein de l’équipe fondatrice. Constituer une équipe diversifiée, tant au niveau des compétences que des personnalités, renforce l’entreprise et anticipe les défis. Les cofondateurs doivent être choisis non seulement pour leurs aptitudes, mais aussi pour leur capacité à apporter un regard complémentaire.
S’associer peut devenir un exercice schizophrène. Pourtant, derrière la complexité des enjeux et de son fonctionnement, l’association demeure un acte fort et noble. Ce choix illustrant l’engagement individuel d’un dirigeant pour contribuer à la pérennité de son entreprise et pour bâtir collectivement un projet plus grand que s’il le réalisait seul.
Formaliser et sécuriser l’aventure entrepreneuriale
En définitive, entreprendre seul ou en équipe s’appuie sur des choix stratégiques qui façonnent l’avenir de la société. S’associer est une démarche excitante, mais qui requiert une préparation minutieuse pour éviter les écueils. Une association réussie repose sur quatre piliers fondamentaux :
- Un projet commun et une feuille de route partagée ;
- Une connaissance approfondie de soi et entre les associés ;
- Une répartition claire des rôles qui stimule la cohésion ;
- Un pacte d’associés détaillant les motivations, les valeurs et les responsabilités de chacun.
Prendre le temps de construire une base solide permet non seulement de prévenir les conflits, mais aussi de créer une dynamique collective propice à la réussite du projet entrepreneurial.
Un projet commun et une stratégie partagée (le « Où »)
Avant de se concentrer sur le « Qui », à savoir le ou les futurs associés et leur degré de compatibilité, il convient de déterminer quelle est la trajectoire commune qu’il veut ou qu’ils veulent donner à l’entreprise. Le « Où » veut-on aller. Une gouvernance se définit et évolue selon un objectif cible à atteindre et non l’inverse. Savoir où aller pour ensuite adapter le « qui » et le « comment ».
Pour cela il s’agit de s’aligner autour de trois points :
- La vision que chacun a de ce projet : quel défi relever ? Comment faire grandir l’entreprise autrement ? Comment impacter de manière singulière et compétitive son marché ?
- L’ambition du projet commun. Entre faire 3 % de croissance par an et doubler la taille de l’entreprise en trois ans, les écarts d’ambition entre associés pour une même vision peuvent être réels. Il convient donc de s’aligner sur cet aspect : comment exploiter le potentiel de l’entreprise ? Quel niveau de chiffre d’affaires, de rentabilité ou de diversification atteindre ?
- La stratégie à employer pour y parvenir. Il s’agit là de définir les axes prioritaires, les grandes étapes qui jalonneront le parcours qui donnera progressivement corps à la vision et l’ambition des associés.
Ainsi, savoir ce que l’on veut faire de l’entreprise et comment constituent le point de départ d’une association, car elle conditionnera les moyens, les ressources et l’organisation à mettre en œuvre afin que cette trajectoire soit synonyme de succès collectif.
Une connaissance approfondie de soi et entre les associés (le « Qui »)
« Connais-toi toi-même » est un précepte célèbre des penseurs grecs qui a toute sa place dans la construction d’un projet entrepreneurial, seul ou à plusieurs. Prendre du recul sur soi pour mieux appréhender ce qui nous anime comme être humain et comme dirigeant à travers ce projet. Il s’agit de se poser deux questions :
- « Pourquoi » entreprendre seul ou avec un ou des associés. Quelle est la cause de cette démarche ? Qu’est-ce qui m’anime profondément ? Qu’est-ce que je recherche à travers ce projet ? Pourquoi seul ou à plusieurs ? Cette question de la motivation profonde permet de rationaliser sa démarche et d’éviter les biais. Car entre chercher à gagner de l’argent, se réaliser en tant qu’individu ou prendre une revanche sur la vie, les facteurs conduisant à entreprendre peuvent être très différents et ainsi avoir des impacts significatifs sur la suite (choix du projet, manière de s’entourer…).
- « Pour-Quoi ». Quelle finalité donner à ce projet en solo ou à cette association ? Quel sens y met-on ? Que veut-on générer à travers ce binôme que l’on ne peut pas faire seul ? Comment assurer le 1 + 1 = 3 ?
- Pour aller plus loin, il convient de réaliser un « auto-diagnostic croisé » visant à éviter les non-dits qui se nichent souvent dans des aspects du quotidien : mode de communication, relation à l’argent, au pouvoir, à la transmission, type de management, manière de gérer un conflit, ses émotions. Chacun prend le temps de répondre à ces questions de son côté, puis les associés se retrouvent pour partager les résultats afin d’identifier les éventuels points divergents pour ensuite les traiter.
Cette démarche permet de mieux se connaître et de maîtriser qui l’on est. Mieux appréhender ses points forts, ses points de fragilités, l’image que l’on renvoie, notre capacité d’adaptation, à bien fonctionner à deux.
Dans le cadre d’une association, cet exercice vise à ce que chacun explicite qui il est et ses attentes afin d’éviter les évidences et certitudes. Les tensions entre associés naissent souvent dans des croyances partagées (le fameux « on se connaît donc pas besoin de formaliser ! ») qui, dès le départ, bâtissent un socle de non-dits et/ou de manque de formalisme qui peuvent s’avérer très dommageables.
Ainsi, apprendre à se connaître, à prendre du recul sur soi et sur ses associés est vital pour sa pérennité. C’est une étape introspective qui doit être renouvelée régulièrement, car nos aspérités, notre situation personnelle ou familiale constituent des facteurs évolutifs à même de remettre en cause l’équilibre de l’association. Commencer par bien se connaître va par conséquent permettre à chacun de mieux appréhender qui est l’autre et ses attentes. C’est un moyen de prolonger le précepte mentionné : « Connais-toi toi-même… pour prétendre connaître les autres ».
Une répartition claire des rôles qui stimule la cohésion (le « Comment »)
Au-delà de partager une aventure entrepreneuriale, un principe structurant de l’association est de s’assurer que chaque associé et la gouvernance progressent. Le réflexe consiste à spontanément se répartir les thèmes régissant le pilotage (finance, RH, commercial, achats, marketing…) selon les compétences et appétences de chacun. Toutefois, la gouvernance tient dans la durée quand chacun progresse et lorsque les thèmes sont divisés de manière équitable. Voici quelques principes :
- Se répartir de manière équilibrée les quatre thèmes « régaliens » (finance, commercial, RH, production/opérations) ;
- Se répartir les thèmes selon la charge de travail et l’aspect critique qu’ils représentent pour l’entreprise ;
- Établir une règle claire de prise de décision et en particulier en cas de blocage (identifier un tiers de confiance externe à la gouvernance, par exemple) ;
- Instaurer des rituels : hebdomadaire (affaires courantes), mensuel (points stratégiques) et semestriel (fonctionnement et efficacité de l’association) qui doivent être dûment préparés pour une meilleure efficacité décisionnelle durant les réunions ;
- S’organiser pour s’assurer qu’en cas d’incapacité d’un des associés de piloter, l’entreprise poursuive sa route sereinement ;
- Impliquer les équipes dans la construction des projets, des initiatives ;
- Assurer une communication interne régulière sur l’évolution de l’entreprise.
Ainsi, ces équilibres vont contribuer à structurer et faire grandir cette gouvernance. Plus de clarté dans les missions et process pour une meilleure efficacité. Enfin, des principes vont mettre au cœur de l’association l’exigence et alors éviter de tomber dans un rythme quotidien qui tend à nous éloigner de notre associé. Rester rigoureux dans le mode de fonctionnement pour se challenger davantage et donc mieux faire progresser chaque associé, la gouvernance et l’entreprise.
Dans cette optique, l’intervention conjointe de l’avocat spécialiste du capital humain et d’un expert en stratégie et en gouvernance permet de cadrer la vision entrepreneuriale, d’aligner les énergies vers sa réalisation et de fédérer les équipes pour plus d’efficacité. Il ne reste plus qu’à formaliser les actes juridiques et l’aventure peut commencer, en toute sécurité !