Quel a été votre parcours jusqu’ici ?
Originaire de région parisienne, je suis venue à Nantes après le bac pour y faire mes études. Après une école de commerce, j’ai enchaîné plusieurs expériences en traiteur dont une à Versailles comme chargée de clientèle BtoB grands comptes pendant quatre ans. Une expérience hyper challengeante mais, au bout d’un moment, j’ai eu le sentiment de me perdre en étant beaucoup moins sur le terrain. J’ai alors tout claqué et suis revenue à Nantes. J’ai monté une autoentreprise, What a nice day, début 2015, avec l’objectif d’accompagner les gens dans leur communication, mais sans idée précise. Et, à ce moment-là, j’ai redécouvert Nantes en me mettant en mode touriste dans ma propre ville. Le naturel revenant au galop, je suis allée instinctivement vers des métiers de bouche. Au fil des rencontres, j’ai remarqué que, soit il s’agissait de personnes très douées sur les réseaux sociaux mais peu ou pas connues dans les médias, soit qu’elles étaient très présentes sur le terrain, les marchés, mais n’existaient pas du tout en-dehors. En entrant dans les boutiques, j’ai donc relevé des problématiques de communication ex- terne, par manque de temps, de réseau, d’outils, voire de compétences. Et là je me suis dit qu’au lieu d’être une communicante à temps partagé entre plusieurs entreprises, je pourrais monter une marque, un groupe, un collectif, pour valoriser les producteurs et les artisans du bien manger sur un territoire qui va de Nantes à Saint-Nazaire, ce qui per- mettrait d’avoir un peu de Vignoble, un peu de côte… C’est comme ça qu’en avril 2015, j’ai déposé la marque Saveurs DétonNantes pondue « en deux deux » avec, pour axe, le développement commercial de cinq entreprises via les médias et réseaux sociaux.
L’aventure démarre plutôt bien ?
On a fait l’inauguration en juin avec 150 personnes. Au bout d’un an, j’ai monté le côté traiteur et je suis passée en entreprise. La famille a grandi : on a intégré des restaurateurs au côté des artisans et producteurs, ce qui fait une trentaine d’acteurs. Et, à cela, s’ajoutent des partenaires pour les salles, la location de matériel de réception… Les entreprises ont commencé à nous appeler, on a engrangé des partenariats plus récurrents, par exemple, avec le Radisson Blu, l’UGC, le Zénith. On compte alors fin 2019 des centaines d’entreprises clientes pour un chiffre d’affaires de 100 000 € rien que sur le volet traiteur. Il y a de la demande…
Parallèlement, What a nice day est toujours là. J’accompagne des porteurs de projet et des entreprises dans leur communication réseaux sociaux et je donne aussi des cours de retail et d’événementiel à des étudiants de l’Iseg et Ynov1.
Comment expliquez-vous le succès de ce réseau ?
Il y a une vraie volonté des entreprises du territoire à vouloir valoriser ce circuit-là. Sachant que pour intégrer les Saveurs DétonNantes, il faut répondre à un questionnaire qualité pointu de plusieurs pages et qu’après l’écrit, il y a un oral… C’est une sorte d’examen de passage et ce n’est pas parce qu’on travaille du local que ça passe ! Chaque candidature est validée par cinq membres du réseau. Et, pour tous les produits dont on ne dispose pas en local, du type chocolat ou café, il faut au moins qu’il soit importé en circuit court et transformé en local.
Et puis aussi, la grande force de Saveurs DétonNantes, c’est que l’on co-crée ensemble. Par exemple, un chocolatier tra- vaille avec un artisan qui fabrique des cookies. Ils font ainsi des collab’, des cobranding, ce qui permet de proposer des produits vraiment originaux… Il y a tellement de choses à faire ! Et moi dans tout cela, je fais l’animation du réseau, j’organise des événements, du type rencontres entre professionnels, marchés de Noël, salons… Je suis le lien connecteur, à la fois entre eux et vers l’extérieur.
Il faut une structure qui permette de garantir notre patrimoine culinaire, sinon il y a des produits qui vont s’éteindre ! Amélie SAILLET
Sauf qu’arrive alors la crise du Covid…
Dès février, tout se casse la figure. Je ne bosse plus en traiteur : toutes les demandes de devis sont annulées. Et à partir de là, on entre dans une période complexe et confuse. Je fais partie du club Mice2 donc je suis de près les échanges et j’entends tout et son contraire : on peut faire des prestations, mais pas debout et puis, après, il faut mettre le masque, ne plus proposer des produits en panières… Donc, au bout d’un moment, il y a des traiteurs qui disent stop.
Parallèlement, en mars, je reçois un appel d’Alexandre Sors, ancien directeur commercial d’Exponantes. Il a créé sa boîte et veut monter des événements. On enchaîne les visios avec lui et Romain Petit. Ils me disent qu’il y a un truc à monter. Sauf que je leur réponds que ça fait cinq ans que je suis à 15 000% et que pour moi le confinement tombe bien car je ne peux pas m’arrêter si la Terre ne s’arrête pas de tourner, si je vois les autres travailler, je dois travailler…
Au final, je ne me suis pas arrêtée très longtemps… et on a monté ensemble notre entreprise, SD Développement, en plein Covid. Alexandre maîtrise le montage événementiel, Romain est spécialisé dans la partie montage de projets et moi dans l’événementiel et la communication.
Quel est le positionnement de cette nouvelle société ?
On veut repartir sur la partie traiteur dès que la crise sera derrière nous. On a chacun une offre de conseil et nous allons aussi créer nos événements autour du culinaire. Mais notre première réalisation, c’est la création d’une boutique, avec une offre de box dans laquelle on retrouve des produits d’épicerie sucrée, salée et une boisson. À partir de là, banzaï ! On monte une première box locale qu’on lance sur une plateforme de crowdfunding en juillet et là on monte jusqu’à 400 box. Puis, on propose une box mensuelle avec sept produits. En septembre, on lance notre site Laboutiquedétonnantes et on continue. Aujourd’hui, on référence une quarantaine de producteurs et d’artisans, ce qui équivaut à plus de 200 produits. On a la chance d’avoir beaucoup de choses sur le territoire avec la mer, la terre… On propose aussi des box thématiques Noël, Dégustation et apéros et, depuis peu, des box Villes, en commençant par Nantes, La-Chapelle-sur-Erdre et Carquefou. On est sur plus de 1 000 box sur un mois avec des clients entreprises. Et ce site permet aussi d’être la vitrine de producteurs et artisans qui ne pourraient pas avoir le leur.
Quelles sont vos prochaines étapes ?
On prépare 2021 avec nos propres événements en imaginant ce que pourrait être l’événementiel culinaire. On veut qu’il y ait du show, que les gens puissent se balader, proposer quelque chose de convivial, familial, sur plusieurs jours, en extérieur. On a aussi un autre gros projet avec les Saveurs DétonNantes… On est conscients que le premier trimestre va encore être bancal, mais on est optimistes sur des déver- rouillages à venir qui nous permettrons de créer des petites bulles de bonheur.
Pourquoi créer une nouvelle entreprise ?
Avancer toute seule, sur tous les fronts, ce n’était pas possible. Un chef d’entreprise n’a pas toutes les compétences requises pour évoluer et je n’avais pas eu le temps de m’entourer. Mais maintenant je travaille avec deux associés qui ont la même vision long terme : valoriser le patrimoine culinaire de l’Atlantique à la Loire. Nantes est quand même une des villes qui n’a pas de plat emblématique. On a perdu Le petit Mouzillon qui a été racheté et maintenant fait des sablés vendéens. Et on n’a pas de conservatoire des arts culinaires qui permette de voir notre parcours gastronomique. Il faut une structure qui permette de garantir ce patrimoine, sinon il y a des produits qui vont s’éteindre !
Quelle est votre ambition ?
On veut être « the place to be de la food » du territoire Nantes Saint-Nazaire, avec des produits locaux non industriels. On a le petit brasseur, le vigneron, la biscuiterie…
On veut surtout continuer d’être passionnés, parce que quand on a la passion, on défonce tout ! Et puis, il faut toujours garder en tête que rien n’est figé. Il faut bouger, voir du monde. Ça apporte de la créativité, ça alimente la passion, ça provoque des choses qui ne pourraient pas naître si on se disait : « C’est trop dommage, je suis fermé. » Pour certains la vie s’arrête, mais il y en a beaucoup qui se réinventent. C’est le cas des vrais passionnés, qui ont ça dans leurs tripes !
- L’Iseg est une école de communication et Ynov, une école de formation aux métiers du numérique.
- Le Club Mice fédère les acteurs de l’événementiel du territoire : hôteliers, traiteurs, offices de tourisme, agences événementielles, lieux privatisables, prestataires de services…