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Allo Voisins : « Notre modèle social n’est pas adapté à l’économie collaborative »

Le Nantais Édouard Dumortier, fondateur et dirigeant d’Allo Voisins, plateforme de location de matériel et services entre particuliers, a publié un ouvrage Le futur de l’économie collaborative. Tour d’horizon de ses principaux sujets.

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Édouard Dumortier, fondateur et dirigeant d’Allo Voisins © D.R.

Comment définissez-vous l’économie collaborative ?

Édouard Dumortier : Pour moi, c’est avant tout un modèle économique. C’est important de le souligner car souvent les gens pensent que le fonctionnement est désintéressé, que ça n’est que de la solidarité. C’est un système dans lequel l’usage prédomine tel que prêt, troc… Cela dépend des organisations. Blablacar en est un bon exemple : on satisfait un besoin mais au lieu d’utiliser un véhicule possédé, on privilégie son usage.

Vous parlez de transformation du monde. Pouvez-vous expliquer en quoi ?

Édouard Dumortier : Nous sommes face à une tendance de fonds, même si des gens pensent que c’est une mode, que ce ne sera  pas pérenne. Mon analyse est que nous sommes en train de vivre une mutation, d’une société de consommation axée sur le prix à une société qui va privilégier la notion de rapport prix/niveau ou qualité attendu. Parfois acheter neuf sera plus pertinent mais, souvent, on peut se dire que la propriété n’est pas une fin en soi. Ces questions vont s’installer dans le temps et transformer notre rapport à la consommation.

La motivation première des consommateurs reste quand même de faire des économies non?

Édouard Dumortier : Oui, souvent les gens utilisent ces services d’économie collaborative pour des questions financières et la motivation reste le prix. Mais ce qu’on constate c’est que quand ils reviennent c’est surtout pour l’expérience consommateur. Ça leur a plu. Par exemple, Airbnb ne met jamais en avant l’avantage prix. Surtout que ça n’est pas forcément moins cher. Ce n’est pas l’argument pour utiliser ce service.

L’économie collaborative ça n’est pas Deliveroo ou Uber n’est-ce pas ?

Édouard Dumortier : Non mais il y a un rapprochement sur les formes de travail que ces entreprises engendrent, non basés sur le salariat mais sur le statut d’autoentrepreneur. Parce qu’on constate une tendance de fond aussi : le salariat n’est plus une réponse universelle. D’abord parce que les employeurs font face à nombre de contraintes et qu’ils vont privilégier les CDI sur des postes stratégiques, sur la base des compétences, de l’expérience… Et donc ils vont choyer ces salariés pour les fidéliser. Mais pour les postes considérés non-stratégiques, ils vont plutôt privilégier la flexibilité avec des CDD, des gens en free-lance… Par ailleurs, une partie de la population n’aspire plus à un CDI car ils se sentent pieds et poings liés. Il faut en prendre note. C’est à la société de s’adapter à cette nouvelle donne.

Le futur de l’économie collaborative, Édouard Dumortier

Le futur de l’économie collaborative, Édouard Dumortier, éditions Hermann, 2020, 140 pages, 16 €.

En quoi ?

Édouard Dumortier : Certes, la protection est moindre, on l’a vu avec les mouvements sociaux de livreurs. C’est aux dirigeants d’adapter nos modèles en allant dans le sens de l’histoire. Par exemple, chaque Français pourrait avoir un numéro de Siret dès ses 18 ans et travailler dans son domaine en parallèle de ses études : un étudiant en informatique donner des cours ou réparer des ordinateurs, un jardinier intervenir chez des particuliers… Et puis il faut adapter la protection sociale aux autoentrepreneurs. Aujourd’hui, ils ne bénéficient pas de la même couverture et on voit bien que ça ne fonctionne pas.

Pourquoi est-ce que ce modèle a explosé ?

Édouard Dumortier : On n’a rien inventé quelque part. Le troc existe depuis longtemps. Mais aujourd’hui il y a une conjonction entre l’explosion des technologies numériques et mobiles qui rendent ces échanges faciles et modernes. Aujourd’hui, avec un smartphone, on peut créer une entreprise, vendre, acheter…

Est-ce que l’entreprise traditionnelle est dépassée ?

Édouard Dumortier : Elle ne l’est pas mais elle doit se remettre en question. Si elle est exclusivement basée sur le prix, elle fait fausse route. Parce que la guerre du prix provoque une baisse de la qualité et une standardisation. Sauf que cela va aux antipodes de ce que cherchent les consommateurs. Ils veulent consommer un produit unique, qui leur ressemble. Mais ça ne veut pas dire plus cher pour autant…

Quelles sont les failles de l’économie collaborative ?

Édouard Dumortier : Nous avons encore beaucoup de choses à apprendre, des plâtres à essuyer. Comment est-ce que ça va vivre dans le temps? Quels modèles vont le mieux marcher? Nous sommes à l’aube du mouvement. Aujourd’hui la problématique principale est d’ordre administrative et fiscale. Vouloir réglementer le nouveau monde avec les règles d’avant ça ne marche pas.

Comment se porte Allo Voisins, créée en 2012 ?

Édouard Dumortier : L’entreprise compte une trentaine de salariés avec cinq postes vacants en ce moment. Nous restons prudents du fait de la crise sanitaire. Nous étions très centrés sur une économie collaborative entre particuliers. Mais on se rend compte que nos membres ont de plus en plus de besoins, qu’ils demandent de plus en plus des prestations professionnelles comme de la plomberie ou de la peinture. Et, en face, on a des salariés qui décident de se mettre à leur compte. Donc l’objectif maintenant c’est d’accueillir les particuliers qui veulent arrondir leur fin de mois et veulent se mettre à leur compte. Nous développons un logiciel pour piloter 100% de leur activité. Leur profil sur le site servira de site web, c’est plus simple et moins cher d’autant que nous nous occupons du référencement. Ces prestations sont comprises dans l’abonnement. Le logiciel sera déployé fin septembre-début octobre.

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