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Un nouveau décret sur la procédure de contrôle Urssaf

Un décret (n° 2023-262) du 12 avril 2023 modifie sur certains points la procédure des contrôles réalisés par les organismes de recouvrement des cotisations et contributions sociales du régime général et du régime agricole. Selon la notice du texte, il « apporte des garanties supplémentaires aux cotisants » dans le déroulement de ces opérations. Est-ce si sûr ? Un état des lieux s’impose.

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Les mesures techniques ne font que préciser des dispositions déjà existantes

Disons-le d’emblée, la majeure partie des dispositions contenues dans ce décret n’apportent aucune « garantie » supplémentaire en faveur du cotisant. Elles se contentent soit de préciser des points techniques préexistants, soit de reprendre des règles déjà prévues par la Charte du cotisant contrôlé (et donc opposables aux Urssaf – art. R243-59 du Code de la sécurité sociale). Ainsi en est-il :

– de l’entretien de fin de contrôle ;

– du délai de prévenance de 30 jours avant le contrôle ;

– de la durée du contrôle pour les entreprises de moins de 20 salariés ;

– du point de départ du délai de la majoration pour absence de mise en conformité (CSS. art. R243-18)

– du remboursement d’un solde créditeur (un mois désormais)

– et de l’appréciation de la réitération d’une erreur.

D’autres accroissent les pouvoirs des Urssaf

Certaines mesures, loin d’améliorer le sort du cotisant, renforcent les pouvoirs des Urssaf.

Contrôle d’une entreprise appartenant à un groupe. Dans le but de faciliter le travail des Urssaf, la loi de Financement de la sécurité sociale pour 2023 a introduit dans le Code de la sécurité sociale un nouvel article L243-7-4 donnant la possibilité aux inspecteurs d’utiliser, lors du contrôle d’une société appartenant à un groupe, les informations et documents obtenus au cours de la vérification d’une autre entité du même groupe (CSS art. R243-59-10), le groupe étant constitué par l’ensemble des personnes entre lesquelles il existe un lien de dépendance ou de contrôle au sens des articles L233-1 et L233-3 du Code de commerce.

Ce nouveau droit des agents de contrôle est toutefois assorti de quelques garanties pour le cotisant contrôlé : il doit être informé de la teneur et de l’origine des documents ou informations obtenus sur lesquels se fonde l’agent ; il peut obtenir une copie de ces documents sur simple demande, après avoir été préalablement informé de cette faculté.

Le décret du 12 avril 2023, précise ce texte. Il prévoit que lorsque l’agent de contrôle utilise des documents ou informations dans ces conditions, il doit indiquer dans la lettre d’observations :

– la nature de ces documents ou informations ;

– leur contenu ou les éléments d’information sur lesquels il s’appuie pour fonder son redressement ;

– la référence au contrôle et l’identité de la ou des personnes du même groupe d’où proviennent ces documents ou informations.

La lettre d’observations doit également mentionner la possibilité, pour le cotisant contrôlé, de demander une copie de ces documents. Lorsque celui-ci l’a réclamée dans le délai imparti pour répondre à la lettre d’observations (30 ou 60 jours, à compter de sa réception), la période contradictoire ne prend fin qu’à la date d’envoi de la copie, sauf si cette date est antérieure à celle de la réponse de l’agent de contrôle au cotisant.

Contrôle de données dématérialisées. On rappellera que selon le Code de la sécurité sociale (art. R243-59 II), « la personne contrôlée est tenue de mettre à disposition des agents chargés du contrôle mentionnés à l’article L243-7 tout document et de permettre l’accès à tout support d’information qui leur sont demandés par ces agents comme nécessaires à l’exercice du contrôle ». Désormais, lorsque les documents et données nécessaires à l’agent chargé du contrôle sont disponibles sous formes dématérialisées, les opérations de contrôle peuvent être réalisées par traitements automatisés sur le matériel professionnel de l’agent. Dans cette hypothèse, la personne contrôlée doit mettre à la disposition de celui-ci, les copies numériques des documents, des données et des traitements nécessaires à l’exercice du contrôle, sous formes de fichiers. Ces fichiers doivent répondre aux formats informatiques indiqués par l’agent.

S’il opte pour cette méthode, l’agent Urssaf doit en informer le cotisant. En cas de refus écrit dans les 15 jours à compter de cette information ou d’impossibilité technique avérée de cette mise en œuvre de traitement automatisé sur le matériel de l’agent, la personne contrôlée devra :

– soit réaliser elle-même les traitements sur son propre matériel et produire les résultats au format et dans les délais indiqués par l’agent de contrôle ;

– soit l’autoriser à procéder lui-même, ou par l’intermédiaire d’un utilisateur qu’elle aura habilité, sur le matériel de la personne contrôlée, aux opérations de contrôle, par la mise en place de traitements automatisés.

Dans tous les cas, les copies des fichiers transmis devront être détruites au plus tard à la date, soit de l’envoi de la mise en demeure, soit de la communication des observations ne conduisant pas à redressement ou de la notification d’un solde créditeur.

Une avancée pour les cotisants

Une seule mesure pourrait constituer une avancée pour les cotisants : l’arrêt du décompte des majorations de retard complémentaires, en cas d’envoi tardif de la mise en demeure (CSS. art. R243-17). Ce point est, en effet, souvent mentionné par la doctrine, suivant lequel les dispositions du Code de la sécurité sociale ne fixent aucune durée maximum entre la fin du contrôle et l’envoi de la lettre d’observations ; et entre la fin de la procédure contradictoire et l’envoi de la mise en demeure. Cette situation est regrettable, cette absence de précision pouvant tourner au désavantage du cotisant pour le calcul des majorations de retard.

Rappelons que le chef d’entreprise qui ne s’acquitte pas de ses cotisations à la date d’exigibilité encourt l’application de majorations de retard. Soit 5 % du montant des cotisations non versées à la date d’exigibilité, auquel s’ajoute une majoration complémentaire égale à 0,20 % des cotisations dues, par mois ou fraction de mois écoulé, à compter de la date d’exigibilité des cotisations (CSS art R 243-16).

Désormais, cette majoration complémentaire ne sera pas due pour la période comprise entre la date de la fin de la période contradictoire et celle de l’envoi de la mise en demeure, dès lors que cet envoi est réalisé plus de deux mois après la fin de la période contradictoire. Toutefois, tout principe connaît des exceptions. Cet arrêt du décompte ne sera ainsi pas accordé si la personne contrôlée fait l’objet d’une pénalité ou d’une majoration prévue en cas d’absence de mise en conformité, de travail dissimulé, d’abus de droit ou d’obstacle à contrôle.

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