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Tribunal de commerce de Nantes : défaillances d’entreprises en hausse

Ce n’est pas le raz de marée et l’on n’arrive pas aux niveaux d’avant la crise Covid, mais après la décrue de 2021, les faillites d’entreprises sont reparties à la hausse sur la juridiction du Tribunal de commerce de Nantes. L’inquiétude est de mise pour 2023.

TRIBUNAL COMMERCE NANTES

L’audience solennelle de rentrée du tribunal de commerce de Nantes s’est déroulée le 16 avril en présence de nombreuses personnalités. © Éric Cabanas

L’audience solennelle de rentrée du Tribunal de commerce de Nantes ce 16 janvier a été l’occasion pour son président Loïc Belleil d’évoquer « la grande détresse, morale, sociale et matérielle de nos chefs d’entreprise en situation de dépôt de bilan » et de souligner le rôle important des associations se dévouant « pour leur apporter soutien et assistance ».

Cette traditionnelle audience est l’occasion du non moins traditionnel bilan chiffré des procédures menées par cette juridiction commerciale.

376 liquidations judiciaires

La chambre des procédures collectives du Tribunal de commerce de Nantes a prononcé 483 ouvertures de procédures, 94 jugements de redressement judiciaire, 11 sauvegardes, 376 liquidations judiciaires et 2 de rétablissement personnel.

Des chiffres largement supérieurs à ceux de l’année 2021, qui avaient vu prononcer 342 ouvertures, concernant 676 salariés, contre 1 905 salariés en 2022. En termes de chiffre d’affaires, la progression est importante : 193 M€ en 2022 contre 79 M€ en 2021.

« Nous trouvons une explication à ces chiffres dans l’extinction progressive des procédures d’aide gouvernementale au soutien de l’économie suite à l’épidémie de Covid », souligne le représentant du ministère public après du Tribunal de commerce de Nantes.

Pour Gildas Le Berre, président de la chambre des procédures collectives, il faut toutefois relativiser : « Après deux années basses du nombre de défaillances d’entreprises pendant la période Covid avec les différentes mesures d’accompagnement mises en place par les pouvoirs publics, l’année 2022 a enregistré un nombre de défaillances en augmentation de 40 % par rapport à 2021. Au niveau national, cette augmentation est de 50 % sur la même période. Le nombre de défaillances reste néanmoins inférieur aux chiffres enregistrés avant la période Covid, d’environ 18 % ».

Le secteur du commerce est le plus touché avec 93 entreprises, les trois quarts étant des commerces de détail. Il se situe devant le secteur du bâtiment et des travaux publics avec 78 entreprises, suivi du secteur de la restauration avec 38 entreprises.

Outre les ouvertures de procédures, les juges des chambres de procédures collectives ont adopté 24 plans de continuation ou de cession, rendu 1 854 ordonnances relatives en cours et clôturés 339 dossiers.

Des immatriculations en baisse

Le président Loïc Belleil déplore toujours le faible nombre de conciliations et mandats ad hoc : « En 2022, 60 conciliations, 42 mandats ad hoc, soit 102 au total contre 109 en 2019. Ce chiffre est très insuffisant, les entreprises n’ont toujours pas le réflexe de saisir le tribunal en amont de leurs difficultés, nous le regrettons ».

À noter que 357 entreprises ont été convoquées pour le défaut de dépôt des comptes sociaux. 230 ont régularisé leur situation, pour la majorité avant l’audience et une centaine d’astreintes ont été liquidées.

En 2022, le nombre d’immatriculations d’entreprises (9 392) a baissé par rapport à 2021 (10 907).  Les sociétés commerciales arrivent en tête avec 5 043 immatriculations devant les sociétés civiles (2 171) et les commerçants (2 165) et les GIE (8).

Les couacs du guichet unique de l’Inpi

« Cette année 2023, j’espère que le guichet unique voulu par le gouvernement avec une porte d’entrée par l’Inpi fonctionnera, ce qui n’est pas le cas actuellement. »

La petite phrase du président du tribunal de commerce de Nantes, Loïc Belleil, révèle les difficultés de fonctionnement de la nouvelle procédure mise en place par la loi Pacte établissant un guichet électronique des formalités d’entreprises, portail e-Procédures, géré par l’Institut national de la propriété industrielle (Inpi). En effet, depuis le 1er janvier 2023, les entrepreneurs doivent utiliser cette plateforme, devenue obligatoire pour l’ensemble des formalités d’entreprises. Ce guichet unique connaît visiblement quelques dysfonctionnements. La plateforme a été victime dès le 3 janvier d’un piratage informatique paralysant le système, saturant par voie de conséquence la hotline téléphonique durant quelques jours, laissant les entrepreneurs dans l’incertitude.

Les professionnels dénoncent la complexité de l’utilisation de la plateforme, avec notamment un dépôt de comptes annuels nécessitant de répondre à 18 questions contre 3 par le passé. Cette plateforme s’avère particulièrement complexe pour les auto-entrepreneurs et micro-entreprises.

Loïc Belleil a pointé du doigt à l’occasion de l’audience solennelle de rentrée du Tribunal de commerce, « le fait que nos entreprises, soumises à l’obligation de dépôt des comptes et de leurs résultats, se trouvent, par rapport à leurs concurrents étrangers et notamment européens, dans une disparité de concurrence ». Il estime que « le législateur serait bien inspiré d’œuvrer pour permettre à nos entreprises de bénéficier d’une égalité de traitement par rapport à leurs concurrents étrangers ».

Même son de cloche au tribunal de commerce de Saint-Nazaire : Maître Benoît Gaborit, qui substituait le bâtonnier en exercice Erwan Le Moigne pour représenter le barreau lors de l’audience solennelle du 16 janvier, a en effet évoqué un « départ chaotique ». « Aujourd’hui, l’inquiétude règne sur sa mise en place » selon l’ancien bâtonnier nazairien (2014-2015).

Éric Cabanas et Karine Limouzin

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