Quelle est la vocation de Smala ?
Smala a vocation à simplifier la vie des parents en leur offrant un service qualitatif, économique et écologique pour habiller leurs enfants avec des vêtements de seconde main de qualité. Notre mission, c’est de pousser les parents à avoir le réflexe seconde main. Pour cela, nous avons développé une solution simple et rapide, qui s’appuie sur un e-shop où l’on offre une expérience client proche de celle que l’on peut avoir lorsqu’on achète du neuf.
Pouvez-vous me présenter votre parcours et votre formation ?
J’ai d’abord été à la Fac avant de suivre un parcours en école de commerce à Tours. J’ai commencé par travailler dans les ressources humaines pendant six ans à Paris pour un groupe agroalimentaire américain. Puis je suis arrivée à Nantes, d’où mon mari est originaire. À l’époque, j’avais deux jeunes enfants et l’envie d’entreprendre dans un domaine qui avait vraiment du sens.
À quand remonte la création de Smala et qui en est l’origine ?
C’est une idée de mon ancienne associée, Marie de Longvilliers (1). Je l’ai rencontrée lorsque j’ai déménagé à Nantes. Elle avait déjà l’idée de créer une entreprise dans la seconde main pour enfants et cherchait quelqu’un avec un profil assez complémentaire pour l’accompagner. Comme je venais de quitter mon boulot à Paris pour m’installer à Nantes, c’était le parfait moment pour débuter une nouvelle aventure et entreprendre. Nous avons donc cofondé “Il était plusieurs fois“ en 2016, entreprise rebaptisée cette année Smala. C’était pour moi une évidence. C’était à la fois un mouvement géographique et un nouveau challenge dans ma vie.
Quel constat vous a poussé à créer un e-shop de vêtements de seconde main pour les moins de 16 ans ?
Lorsque j’ai eu des enfants, j’ai eu envie de les habiller avec de la seconde main de qualité. Mais ça s’est avéré plus compliqué que prévu. Avec mon associée, on est parties du constat qu’en tant que parents, dans un quotidien déjà assez chargé, c’est très chronophage d’acheter et de vendre des vêtements d’occasion pour ses enfants. Ça représente également un budget conséquent puisque vu qu’ils grandissent très rapidement, on est en permanence contraints de leur racheter de nouveaux vêtements. Rien que pour la première année de vie d’un enfant, c’est une centaine de vêtements à acheter !
À l’époque, les sites de seconde main qui existaient ne vous convenaient pas ?
Non, l’expérience qu’ils proposaient aux parents était tout sauf efficace. J’ai testé les différents sites spécialisés et j’ai constaté que leur service était tout sauf simple à utiliser. Par exemple sur les plateformes de ventes entre particuliers, je tombais régulièrement sur des tas de fringues, dont je ne connaissais pas l’état, et qui donnaient tout sauf envie d’être achetés. C’était également compliqué d’un point de vue logistique : il fallait soit que le vendeur expédie les vêtements, soit aller directement chez lui pour les récupérer.
Quelle solution avez-vous envisagée pour révolutionner le marché des vêtements de seconde main pour enfants ?
Face à toutes ces difficultés, on s’est dit qu’il y avait quelque chose à faire pour simplifier le parcours des acheteurs. Notre projet consistait à donc revaloriser et dépoussiérer le secteur de la seconde main, tant sur la qualité intrinsèque du produit que sur la qualité de l’expérience client. Pour nous fournir en vêtements de qualité, on avait déjà notre petite idée : chez nos parents, on voyait des placards qui débordaient de fringues peu portées dans les caves ou les greniers. Nos parents avaient la flemme ou tout simplement pas le temps d’en faire quoi que ce soit… On s’est dit que ce serait ça notre première source d’approvisionnement.
Comment avez-vous choisi de vous démarquer ?
Comme les sites de vêtements d’occasion existaient déjà, on a mis sur pied un concept qui allait plus loin, avec trois particularités : la vente de vêtements quasiment neufs donc en excellent état, le fait d’assurer toute la partie logistique sur un seul site et la possibilité de faire appel à des ambassadrices, qui viennent directement chez vous vous débarrasser des vêtements dont vous n’avez plus besoin. Nous en avons une vingtaine dans toute la France, qui vont se déplacer chez les parents pour faire le tri à leur place.
Quel a été le rôle du start-up studio Imagination Machine, qui vous a accompagné peu de temps après votre création ?
Nous avons intégré Imagination Machine en 2018, soit quasiment deux ans après la création de notre start-up. On était alors dans une phase où l’on voyait qu’il y avait quelque chose qui commençait à prendre. On commençait à faire rentrer un peu de chiffre d’affaires mais on n’avait pas forcément d’expertise e-commerce. Imagination Machine nous a amené cette expertise-là, mais aussi son expertise financière. Le start-up studio nous a donc non seulement permis de prendre de la hauteur par rapport au marché que l’on visait, mais surtout de prendre des risques, d’oser investir, embaucher et mettre les moyens nécessaires à notre croissance.
Auprès de qui vous fournissez-vous en vêtements ?
Auprès des parents et des marques de vêtements. Il existe deux possibilités pour les parents. Ils se connectent sur notre site et vont prendre connaissance de notre charte qualité. Ensuite, ils ont le choix de télécharger un bordereau d’envoi à nos frais, pour expédier leurs vêtements, ou de faire appel à une de nos ambassadrices. Et à la différence des sites concurrents, nous ne sommes pas un dépôt-vente, nous achetons directement la marchandise aux parents avant de la revendre.
On se fournit également de plus en plus auprès des marques. On travaille par exemple depuis peu avec Verbaudet. Leurs clients vont directement nous renvoyer leurs articles déjà utilisés. En échange, les parents sont rémunérés sous forme de bons d’achat valables dans les magasins et sur le site de vente en ligne de la marque. Nous avons déjà monté cinq ou six partenariats de ce genre. C’est un moyen de nous appuyer sur la force de frappe des marques pour aller sourcer de nouveaux produits.
Avec ces marques, nous réalisons également de plus en plus d’opérations de destockage, car notre volonté, c’est d’offrir également à ces produits neufs “trop produits“ une seconde vie.
Quel est le parcours d’un vêtement de seconde main chez Smala, depuis son arrivée dans vos locaux jusqu’à son expédition ?
Une fois expédiés par les parents ou récupérés par nos ambassadrices, les cartons de vêtements arrivent dans nos locaux. Là, chaque colis est ouvert et chaque vêtement scrupuleusement inspecté pour vérifier qu’il n’y a pas de trou, de tâche ni de bouloche… Une fois qu’on s’est assurés que le vêtement coche bien tous nos critères de qualité, on va repasser l’article, le prendre en photo, le mettre en ligne et le stocker. Et une fois qu’il est vendu, il sera alors réexpédié à l’acheteur.
Smala a la particularité de permettre aux clients d’acheter autant d’articles qu’ils le souhaitent en ne leur facturant qu’une fois des frais de livraison. C’est complètement contraire aux autres sites de seconde main. L’autre avantage, c’est que ça évite aux parents d’avoir à courir dans cinq relais colis pour récupérer leurs différentes commandes !
Pour offrir une expérience client différenciante, on s’appuie sur la qualité irréprochable des articles que l’on vend. Mais également sur un site ergonomique, des photos de qualité, des produits bien présentés, des détails sur chaque produit et un parcours d’achat clair. Nous accordons également de l’importance à l’expérience offline : l’acheteur reçoit chez lui un colis soigné. Et il y a enfin chez nous un service après-vente réactif, ce qui n’existe pas ailleurs dans le secteur de la seconde main.
Comment améliorez-vous votre organisation interne au fil des années ?
La particularité de Smala, c’est qu’on travaille avec des produits uniques donc on ne peut pas beaucoup s’appuyer sur ce qui est fait dans le commerce traditionnel. On a donc créé notre propre chaîne logistique.
Au départ, nous ne sommes pourtant pas des logisticiennes. C’est donc le bon sens qui nous a poussées à poser les premières briques. On a notamment développé des outils matériels comme nos propres studios photos, nos propres systèmes pour aller chercher les vêtements dans notre stock. Tout notre système informatique est également fait maison.
Ensuite, nous avons embauché une personne, qui aujourd’hui est associée dans la société, Caroline Laycock. Elle a pris le volet des opérations logistiques. En observant et en écoutant le retour des équipes, elle nous a fait passer une marche, tant sur l’organisation matérielle qu’informatique et humaine de l’entrepôt. Mi-février, on compte aller plus loin sur cet aspect puisqu’un expert logistique arrivera chez nous pour nous aider à basculer sur une phase d’automatisation de la chaîne.
Ces améliorations vous ont-elles permis de faire progresser votre productivité ?
Au fil des années, on est passé de dix minutes pour traiter un produit à trois en moyenne aujourd’hui. Notre objectif à court terme, c’est de réussir, d’ici quelques mois, à mettre 10 000 produits en ligne quotidiennement sans augmenter de façon proportionnelle la masse salariale.
Aujourd’hui, on traite environ 3 500 articles quotidiennement. Et on reçoit en moyenne 300 commandes par jour, avec huit articles dans chaque colis. Cela signifie qu’on expédie quasiment 3 000 articles par jour.
Est-ce que vous sous-traitez une partie de votre activité ?
Non, nous assurons toutes les tâches de la chaîne en interne. Cela fait pleinement partie de notre ADN. Aujourd’hui, la seconde main est un marché très spécifique et cette internalisation nous permet d’être très performants sur le marché.
« C’est un commerce de volume, c’est grâce à celui-ci que nous générons des profits, nos produits étant vendus à très bas prix, 8€ en moyenne. Et notre rentabilité, on va justement aller la chercher au niveau de notre efficacité logistique. »
Quel modèle avez-vous mis en place pour assurer votre rentabilité ?
On achète aux parents ou aux marques les vêtements selon une grille tarifaire qui va être complètement différente en fonction de l’état du produit, du type de vêtement, de la marque…. Ensuite, il y a un algorithme qui va déterminer un prix de rachat et de revente, avec une marge différente en fonction de la marque, et de l’offre et de la demande. Après, c’est un commerce de volume, c’est grâce à celui-ci que nous générons des profits, nos produits étant vendus à très bas prix, 8€ en moyenne. Et notre rentabilité, on va justement aller la chercher au niveau de notre efficacité logistique.
Vous avez levé 4 M€ au printemps dernier. À quoi a servi cette somme ?
Il en reste une grosse partie. Cette somme nous sert en priorité à développer notre outil logistique. C’est pourquoi nous venons d’emménager en début d’année dans de nouveaux locaux, deux fois plus grands que les précédents (3 600 m2 contre 1900 auparavant). Cette levée de fonds sert aussi à asseoir notre notoriété. Par exemple, elle a permis de financer la première campagne publicitaire en janvier dans le métro parisien. Ça va également nous servir à aller chercher de nouveaux partenariats avec les marques. C’est un gros enjeu pour nous de pouvoir les démultiplier pour offrir aux marques ce qu’on estime être la meilleure solution pour gérer leur flux de seconde main. Évidemment, cela passe également par le recrutement de personnes un peu plus expertes dans chacun des domaines. Depuis la levée de fonds, nous avons ainsi recruté une vingtaine de personnes, en majorité à l’entrepôt, et une quinzaine de personnes supplémentaires seront embauchées dans l’année.
Vous avez effectué la refonte totale de votre plateforme de marque il y a quelques mois. Pour quels bénéfices ?
Avant ce changement de nom, on était dans une niche. Aujourd’hui, avec cette nouvelle identité, notre entreprise a gagné en notoriété. En améliorant notre image de marque, on a réussi à nouer beaucoup plus de partenariats, aussi bien avec des marques que des personnes influentes. Smala est un nom qui claque, et dont on se souvient plus facilement. Il donne beaucoup plus envie et ça a globalement renforcé la désirabilité de la marque.
Pourquoi selon vous votre start-up est-elle en pleine accélération actuellement ?
Nous avons connu différentes phases d’accélération dernièrement. La première, c’était durant le Covid, une période marquée par une prise de conscience écologique des Français, l’incertitude économique, et la possibilité de remplir sa garde-robe sans bouger de chez soi grâce à notre e-shop… Dans un deuxième temps, nous avons également bénéficié de la démocratisation de la seconde main, et là on peut clairement remercier Vinted.
La problématique du recrutement est-elle centrale pour une entreprise en plein développement, dans un contexte de tensions sur le marché du travail ?
Oui, elle est centrale. Ce sont nos équipes qui font le succès de Smala. Il est donc indispensable de recruter les bonnes personnes. Mais on a la chance d’embaucher assez facilement. Pour deux raisons : d’abord la quête de sens, et d’autre part l’image de marque. Ce sens est pleinement incarné par nos valeurs : la bienveillance, l’authenticité, la simplicité…
Nous employons actuellement 60 salariés. Les recrutements se font essentiellement côté entrepôt pour des chargées d’opérations qui vont assurer la mise en ligne des produits ainsi que la préparation de commandes. Pour leur recrutement, il y a un entretien où l’on va se focaliser sur le savoir-être des candidats. Puis un test à l’entrepôt en conditions réelles pour voir comment ils se débrouillent avec un fer à repasser, le tri des produits, la manipulation… Comme il n’y a pas d’expertise propre à avoir, on recrute des profils variés, mais tous ont en commun la volonté de travailler dans une entreprise qui a du sens.
Vous vous positionnez clairement en tant qu’entreprise à mission, quelles actions menez-vous auprès de vos salariés pour aller plus loin sur l’aspect RSE ?
Ici, le covoiturage, c’est quelque chose de naturel entre collègues. Pour le favoriser, nous avons mis en place une prime mobilité versée à tous ceux qui viennent travailler en covoiturage ou en mobilité douce.
On est également une entreprise qui a le réflexe seconde main : ici, c’est une façon de vivre pour tous. Quasiment tout notre mobilier est de seconde main. Et même quand on doit commander du matériel, y compris informatique, on regarde systématiquement d’abord vers ce marché pour limiter notre impact.
« On prévoit de lancer notre application mobile à la fin du premier semestre 2023. Côté chiffres, notre objectif est de continuer à doubler notre chiffre d’affaires d’année en année. »
Quels sont vos objectifs de développement ?
Notre volonté, c’est de nous imposer comme le référent de la seconde main sur l’enfant. On achète et on vend beaucoup plus d’articles depuis notre changement de nom. On compte également ouvrir un premier pop-up (magasin éphémère) fin mars à Paris, où l’on va présenter l’expérience à vivre et le concept Smala. Un deuxième test de magasin éphémère est également prévu au printemps dans un centre commercial de la région nantaise. On va voir comment ça réagit, et on adaptera notre stratégie en fonction des résultats. En revanche, on n’envisage pas de créer de corners en magasin.
On prévoit d’autre part de lancer notre application mobile à la fin du premier semestre 2023. Côté chiffres, notre objectif est de continuer à doubler notre chiffre d’affaires d’année en année (2,4 M€ en 2021, 5 M€ en 2022) avec 10 M€ de CA en 2023. Nous avons enfin des ambitions à l’international et le nouveau nom de la marque nous servira à y aller. C’est compliqué à l’heure actuelle de savoir précisément à quelle échéance et sur quels marchés, mais d’ici deux ou trois ans, j’espère qu’on aura semé les premières graines à l’international.
Quel sera le plus gros défi à relever demain pour Smala ?
Réussir à tenir le rythme en termes d’approvisionnement en vêtements, c’est l’enjeu numéro un pour notre développement. Car aujourd’hui tout ce qu’on achète, on le revend quasiment aussitôt. Heureusement, il y a encore un bon paquet de vêtements de qualité dans les caves ou les greniers des particuliers. Et les marques, avec leur force de frappe, produisent également un volume énorme de vêtements. Mais demain, cela deviendra un sujet de fond car les marques produisent de plus en plus de façon responsable et raisonnable. Et dans le même temps, la consommation de vêtements a également tendance à ralentir.
Quel est selon vous l’enjeu d’avenir pour le marché de la seconde main ?
L’enjeu principal est de structurer le marché tout en participant à la préservation des ressources et en œuvrant en faveur d’une consommation plus responsable. Aujourd’hui, tout le monde veut lancer son activité de seconde main, quelle que soit l’échelle. Sur le papier, ça peut paraître simple, car il n’y a pas de production… Mais en réalité, c’est tout sauf simple. D’un point de vue logistique, c’est très fastidieux donc il faut être sur performant en sourcing. Et ne pas perdre de vue que le business de la seconde main nécessite de faire beaucoup de volume pour être rentable.
(1) Marie de Longvilliers s’est retirée de Smala d’un point de vue opérationnel, mais elle reste actionnaire et engagée au sein du conseil d’administration.
Smala en chiffres
• 130 000 articles en ligne sur le e-shop Smala.
• 60 000 clients depuis la création du site
• 300 marques
• 8 € prix de vente moyen d’un vêtement
• 65 € de panier moyen