Couverture du journal du 16/05/2024 Le nouveau magazine

Reprise d’entreprise : l’autre façon d’entreprendre

Derrière chaque créateur ou repreneur, il y a un chef d’entreprise avant tout ! Il ne suffit pas d’avoir une idée pour entreprendre, mais bien d’être capable de transformer cette idée en projet. Un défi auquel les deux profils sont confrontés à égalité. Reprendre une entreprise fait-il de l’entrepreneur un entrepreneur favorisé ? Éléments de réponse à travers des témoignages en Vendée.

S’ar Motos

© S’ar Motos

Maxime Gendre, dirigeant de Froid Cemi ©Froid Cemi

À 34 ans, Maxime Gendre a d’abord été salarié pendant 13 ans de l’entreprise qu’il dirige seul depuis deux mois maintenant. « Froid Cemi a été créé il y a 23 ans au Poiré-sur-Vie par un couple d’entrepreneurs vendéens, explique-t-il. C’est une structure familiale spécialisée dans la réfrigération industrielle. Nos clients sont des professionnels de l’agroalimentaire et de ce que l’on appelle le froid commercial (commerce alimentaire et grande distribution). Concrètement, nous installons et assurons la maintenance de nos équipements (chambres froides/meubles frigorifiques/groupes d’eau glacée…). »

Si la reprise d’entreprise paraît plus simple que la création, l’ascension du jeune entrepreneur jusqu’à la fonction suprême a connu de multiples rebondissements. « L’envie d’entreprendre doit être tout aussi forte, insiste-t-il. En tant que repreneur, on peut certes s’appuyer sur un existant, mais on doit assumer les responsabilités immédiatement pour assurer la continuité. On sous-estime aussi souvent la dimension humaine. Il ne suffit pas de composer avec les cédants. Il faut aussi gagner la confiance des salariés et des intermédiaires (avocat, banquier, comptable…). Mes 13 années dans l’entreprise ainsi que ma connaissance des clients n’étaient pas de trop pour effectuer la transition ! »

Le changement de posture

Il raconte encore : « Mes anciens patrons approchant l’âge de la retraite ont commencé à réfléchir à la revente de leur business il y a six ans. À l’époque, une multinationale s’était rapprochée d’eux avec une proposition de rachat. Je suis parti l’année suivante avec l’idée de m’installer à mon compte, mais au final la vente avec le grand groupe ne s’est pas concrétisée et j’ai été rappelé au bout de six mois. Mes patrons m’ont alors proposé de prendre des parts dans la structure pour, à terme, la leur racheter. C’était il y a quatre ans. » Il poursuit : « Rétrospectivement, le rachat en tant que tel n’est qu’une affaire comptable. C’est assez facile de se mettre d’accord sur un chiffre, résume-t-il. En revanche, l’humain est un aspect hautement plus sensible de la reprise d’activité. Il y a tout un pan psychologique qu’il faut savoir entendre et accompagner. À partir du moment où nous sommes passés associés, la relation avec les anciens dirigeants a changé. Il y a des choses qu’on ne pouvait plus partager. Nous n’avions pas toujours le même rythme ni les mêmes ambitions liées à la gérance et au développement. De la même manière, c’est compliqué de passer de la position de collègue à chef ! J’ai repris une entreprise avec un salarié de 51 ans qui a passé 19 ans dans nos murs ! À certains moments, il a fallu accepter de se remettre en question ! »

Entretemps, sa conjointe a rallié l’aventure et Maxime Gendre a embauché un troisième salarié pour le remplacer sur le terrain. Un apprenti doit également rejoindre l’entreprise en début d’année prochaine. Et de conclure : « Être entrepreneur est difficile, mais je suis fier du chemin parcouru. En quatre ans, nous n’avons pas perdu un seul client ! » Prochaine étape pour le nouveau dirigeant : la structuration. « Je passe encore un tiers de mon temps sur le terrain ! Mon ambition n’est pas de devenir un groupe », confie celui qui vise un chiffre d’affaires 2023 de 800 k€. Il envisage néanmoins de doubler ses effectifs d’ici cinq à six ans.

L’entrepreneuriat chevillé au corps

Elodie Vannier Dirigeante de S’ar Motos ©S’ar Motos

Une histoire qui fait écho à celle de S’ar Motos, une entreprise de vente de motos et de services après-vente (réparation, etc.) basée aux Essarts et rachetée par Élodie Vannier en novembre 2020.

Cette ancienne conseillère bancaire a toujours voulu entreprendre. L’opportunité s’est incarnée véritablement à la naissance de son deuxième enfant. « J’ai pris un congé de deux ans en sachant que je ne reviendrais pas au salariat. J’ai alors réalisé un bilan de compétences qui m’a aidé à formuler mes envies. Après 15 ans de carrière et des perspectives d’évolution limitées, il m’a fallu reprendre confiance en moi pour savoir où me positionner. » Elle ajoute : « Avoir des responsabilités ne me fait pas peur ! J’ai commencé à travailler dès l’âge de 15 ans, en apprentissage. C’est encore ce que je sais faire de mieux », explique l’entrepreneure. Autre critère important pour la suite : le besoin de relationnel et du travail en équipe. « Étant passionnée de deux-roues, quand j’ai eu l’opportunité de reprendre un garage moto, mon choix s’est posé naturellement », indique-t-elle. Une reprise qui s’inscrit toutefois en plein Covid, chahutée par le confinement, un congé paternité et la blessure d’un collaborateur. « De mémoire d’entreprise, c’est l’année qui a demandé le plus de réorganisation », assure-t-elle. Alors âgée de 37 ans, la jeune femme a également dû imposer son style dans un monde relativement masculin. « Par le passé, j’ai fait pas mal de spectacles d’acrobaties moto. Le fait que je sois passionnée et que l’univers ne me soit pas inconnu a rassuré. Sur les cinq salariés déjà en place, deux d’entre eux avaient monté la boutique avec mon prédécesseur, explique-t-elle. Ce n’est pas facile de s’imposer en guide quand on a le même âge, voire que l’on est plus jeune. » Et de poursuivre : « Ceci dit, je n’avais pas la prétention de tout chambouler. J’ai passé un an quasiment à observer les choses. On a beaucoup discuté avec l’équipe, instauré des réunions, apporté un nouvel outil informatique… Au final, j’ai choisi de me faire confiance. »

Reprendre une entreprise, c’est comme sauter dans un train à grande vitesse déjà en marche !

Un choix éclairé puisque l’entreprise n’a jamais autant progressé. « Après un premier bilan positif, on a fait +20 % l’année dernière, ce qui nous a permis de recruter un apprenti en mécanique. Cette année, je table sur +5 voire +6 %, annonce-t-elle. J’ai recruté un deuxième apprenti et une secrétaire à temps partiel. Si je devais faire un bilan personnel, je dirais que la reprise d’entreprise, c’est comme sauter dans un train à grande vitesse déjà en marche ! Avec une création, on vient implanter son décor au fur et à mesure, on est quand même moins bousculé il me semble. Encore heureux que je travaille dans un milieu que j’aime et que j’embauche à moto car je n’ai plus beaucoup le temps de pratiquer ma passion ! », plaisante-t-elle.