Les entreprises ont été interrogées sur leurs recrutements passés et à venir en début d’année 2021, c’est cela ?
En effet. D’habitude, on interroge les entreprises entre octobre et décembre et on présente les résultats en début d’année. Exceptionnellement, parce que l’on voulait avoir un peu de recul sur cette année 2020 inédite et parce qu’en octobre on redémarrait un confinement, on a choisi de décaler l’enquête en janvier-février pour une publication des résultats début mai.
Que dit cette enquête sur la dynamique de l’emploi des cadres ?
Au niveau national, on a eu bien sûr une chute brutale du recrutement des cadres, mais pas vertigineuse. Si on était resté sur nos impressions de juin, à la sortie du premier confinement, on était sur des baisses de 30 à 40% et en fin de compte on est à -19%. Ce n’est donc pas aussi catastrophique qu’on aurait pu le penser en milieu d’année dernière. On a 50 000 recrutements de cadres en moins et ce que l’on constate, c’est un renforcement des inégalités. Par exemple, toutes les régions n’ont pas été touchées de la même façon. Avec un grand écart entre l’Occitanie, habituellement portée par l’aéronautique, qui enregistre une baisse de 29% des recrutements et la Bretagne qui est à -4,5%. Dans cette région, la baisse de certains secteurs a été compensée par la dynamique d’autres, telle la cybersécurité.
Néanmoins, l’emploi des cadres n’a pas été si impacté que ça, aussi parce que les secteurs les plus touchés que sont l’événementiel ou la restauration ne sont pas ceux qui emploient le plus de cadres.
Les différents confinements n’ont pas du tout eu le même impact. Avec le premier, on a enregistré un fort recul des recrutements. Il a été suivi d’une belle reprise à l’été et puis, étonnamment, le confinement d’octobre a eu beaucoup moins d’impact sur l’emploi des cadres, avec plutôt une stagnation qu’une baisse.
Depuis début 2021, on constate un redémarrage net de l’emploi. Il est porté par les moteurs traditionnels de l’emploi cadre, c’est-à-dire les secteurs informatique, ingénierie et conseil.
Pour autant, on reste encore en retrait par rapport au niveau d’avant-crise. Même si 2021 s’annonce bien, on ne compensera pas la chute importante de 2020.
Par ailleurs, là encore, on constate une inégalité avec une situation bien plus compliquée pour les jeunes diplômés. Ainsi, lorsque l’on constate une baisse des offres de l’ordre de -6%, celle-ci est de -20% pour les jeunes diplômés. Or, on sait que lorsque l’insertion au premier emploi cadre est difficile, cela a un impact tout au long du parcours professionnel. C’est aussi pour cela d’ailleurs qu’on s’est engagé dans le plan « 1 Jeune 1 solution » depuis l’été dernier pour éviter que les jeunes de la promo 2021 viennent se cumuler avec ceux sortis il y a quelques mois.
Et au niveau régional ?
En Pays de la Loire 1, en 2020, on est à -13% en nombre de recrutements. En 2019, il y en avait eu 12 530, en 2020, 10 950 et on en prévoit 11 690 en 2021, soit +6%. On n’est donc pas si loin de 2019. La chute, moindre qu’au niveau national, s’explique par notre côté multisectoriel. Par ailleurs, l’agroalimentaire, par exemple, qui représente un poids important dans l’Ouest, a été très touché pour ce qui concerne les produits utilisés par les restaurateurs ou les collectivités. En revanche, tout ce qui est lié à la consommation des ménages a augmenté. Donc la chute a été un peu freinée.
Parallèlement, là où on avait déjà des difficultés à recruter avant-crise, ça n’a pas changé. Et s’agissant des jeunes diplômés, comme on est une région dynamique, il y a quand même des opportunités pour eux.
Au final, malgré la situation, en 2020, on a quand même créé des emplois cadres en Pays de la Loire, de l’ordre de 3 700 postes. Un phénomène qui est surtout dû au fait que le niveau de recrutement est resté assez haut et à un nombre de départs en retraite et de démissions plutôt moins importants, avec -10% de sorties.
Ce que l’on constate aussi, c’est que plus de la moitié des opportunités (56%) concernent la zone d’emploi de Nantes. Ce n’est pas nouveau, l’emploi cadre étant très concentré en Pays de la Loire. En revanche, ce qui l’est, c’est qu’Angers se détache désormais du Mans avec plus d’opportunités.
Au regard de l’expérience des crises précédentes, notamment celle de 2008, quel est votre constat ?
Ça n’a rien à voir. En Pays de la Loire on ne peut pas parler de rebond à proprement parler, mais on a déjà redémarré.
Cette crise n’a pas une cause financière ou économique. Elle est due à un arrêt brutal de l’activité mondiale. Pour autant, les pouvoirs publics ayant injecté de l’argent pour soutenir les entreprises et maintenir les salariés en poste, on sent déjà que ça redémarre. Avec des inégalités là aussi puisque selon le produit que l’entreprise vend et son client final, son activité peut être impactée ou pas. On en saura plus le jour où l’État arrêtera ces aides, pour le moment il est trop tôt pour se réjouir. Il y a aussi beaucoup plus de cadres qui ont des activités télétravaillables, donc en fait il y a eu moins de chômage partiel chez les cadres que chez les non-cadres.
Est-ce que l’on peut encore avoir des surprises ?
Bien sûr ! On n’a jamais fait de prévisions avec autant d’élément d’incertitudes que cette année ! Un ixième reconfinement, des activités qui ne repartent pas et ça va impacter les recrutements à la baisse. Et l’inverse est également vrai : si on n’est pas reconfinés et si tous les secteurs redémarrent, 2021 peut réserver de belles surprises !
Quels sont les enjeux actuels de l’emploi cadre ?
Il y a évidemment le télétravail. Tout le monde l’a testé et même si on a aussi vu ses limites, on ne reviendra pas pour autant totalement en arrière. Avec un impact sur le management et peut-être aussi la nécessité d’adapter l’organisation de l’entreprise pour animer une équipe à distance. Il peut y avoir des changements radicaux, par exemple, sur les postes de commerciaux car il est certain qu’on se déplacera moins qu’avant.
- En Pays de la Loire, l’Apec a interrogé 457 entreprises du secteur privé sur une période allant de fin décembre 2020 à février 2021.