Loin de concurrencer les médias traditionnels, les médias d’entreprise offrent une expérience différente. À la fois outil de veille et d’inspiration, ils participent à la création de valeur ajoutée autour d’une expertise. C’est un outil pensé avant tout pour son utilité, reléguant en deuxième position les objectifs purement « business » d’acquisition clients ou de talents. Une assertion à laquelle adhère Émilie Robin, comptable mémorialiste chez le cabinet Belle & Dhaine (19 salariés), créateur du podcast pédagogique “T’as vu avec ton comptable ?”. « Notre dirigeant Olivier Dhaine a eu l’idée de ce podcast il y a deux ans. La profession comptable souffrant d’un déficit d’image, il voulait trouver un moyen de casser les codes et de communiquer autrement. On a vite compris que le podcast faisait partie intégrante du quotidien de plus en plus de Français. Son gros avantage, c’est qu’on peut l’écouter d’où l’on veut, quand on veut. De mon côté, je cherchais un sujet de mémoire pour mon diplôme d’expertise comptable. Nous nous sommes donc constitués en un comité éditorial de trois personnes, Olivier, Pauline Pourteigt, notre chargée de communication et moi. »
Bien cibler son audience
« Dès le départ, on était portés par l’envie de créer notre propre plateforme de diffusion de l’information, précise Pauline Pourteigt. Un média “natif”, indépendant des réseaux sociaux. Nos auditeurs ne vont pas voir directement que le podcast est lié à Belle & Dhaine. On ne mentionne pas le cabinet. En fin de compte, chaque épisode revient à un rendez-vous client enregistré. L’invité explique sa relation avec son comptable : pourquoi il l’a choisi, sur quels sujets il intervient, les meilleurs conseils qu’il a pu lui donner… ». « On est dans le concret, renchérit Émilie Robin. L’objectif est d’apporter des réponses par le transfert d’expérience. Cibler l’audience de son podcast reste le gage crucial de sa réussite. Il faut être concerné pour avoir envie d’écouter. »
Une stratégie gagnante, puisque le podcast enregistre 150 à 250 écoutes par épisode et commence à générer des appels entrants de prospects. Depuis sa création en 2021, “T’as vu avec ton comptable ?” a reçu 36 invités soit 24 épisodes sur deux saisons. « Pour la troisième saison, on veut continuer à professionnaliser le format, explique la chargée de communication. Nous avons fait appel à une agence de podcasts pour créer un nouveau jingle et trouvé un sponsor (Classe 7 communication), ce qui nous a permis de financer du matériel et les dépenses liées à l’abonnement chez l’hébergeur. » Et de conclure : « On se voit régulièrement pour tenir le rythme de deux épisodes par mois. Le contenu se définit à trois avec parfois de belles surprises. Cet été, l’un de nos collaborateurs avait des amis de passage aux Sables d’Olonne qui faisaient des box handi-responsables. Il nous a soumis leur participation. Le Codir a dit oui immédiatement. Nous avons été plus loin en le mettant à l’animation de l’épisode. En termes d’implication, on est allés au bout de la démarche ce jour-là ! »
Une aventure collective
Ainsi, la création d’un média d’entreprise constitue une aventure humaine qui s’écrit à plusieurs. C’est le cas aussi pour l’entreprise Colibri 85, à la tête de 85 le mag, un magazine papier lancé avec quatre autres entrepreneurs de son réseau. « Historiquement, nous vendons ce que j’appelle de l’événementiel commercial, explique Alain Bouron, dirigeant de Colibri 85, spécialiste des goodies, cadeaux d’entreprise et objets publicitaires en Vendée. Nous travaillons essentiellement sur le milieu associatif de centre-ville ou de galerie marchande en proposant des jeux de trafic : des jeux à gratter, ou de tombolas principalement. Toute la partie “papier” de l’animation, précise-t-il, ainsi que la PLV, les goodies et cadeaux qui vont avec. » Une activité qui s’est arrêtée nette pendant la crise Covid. « Nous devions trouver une solution pour maintenir nos sept salariés, raconte l’entrepreneur. On a regardé ce qu’on avait dans nos produits et où l’on était compétents. Les goodies et le textile d’image se sont avérés une offre locale de développement viable. On a commencé à se faire connaître sur ce créneau qui est devenu notre activité principale en 24 mois. En véritables passionnés du papier, nous avions l’habitude de produire plusieurs catalogues par an. C’est là que l’idée de 85, le Mag a germé. Nous l’avons imaginé comme un outil permettant de se faire connaître auprès des entreprises du territoire, mais aussi de dialogue entre confrères de la communication. Un vrai média où l’on pourrait présenter nos activités et élargir à des articles de fond sur le secteur. On a monté le premier numéro fin septembre 2022, sur un bout de table. En l’espace de trois jours, on était déjà quatre entreprises participantes, chacune avec sa spécialité : les goodies (nous), le digital (Strat Engine), l’impression numérique publicitaire (Pop XL) et le cadeau d’affaires gourmand (Le Marché aux vins) … Nous l’avons diffusé à 3 000 exemplaires avec des retours plutôt encourageants. Nous travaillons déjà au deuxième numéro qui sortira au printemps. L’objectif pour ce numéro 2 est de professionnaliser le contenu, la mise en page et surtout d’installer le magazine dans le temps », précise-t-il. Il faudra attendre le quatrième ou le cinquième numéro pour mesurer son impact en termes d’acquisition, mais ce n’est pas l’idée principale. On n’attend pas un ROI immédiat, le papier est un média de séduction, porteur de valeurs et de dialogue qui a encore sa place en 2023 ! » Et de préciser : « Le Covid a changé le regard sur la proximité. Les gens se sont rendu compte qu’à 300 mètres de chez eux, il y avait des entreprises performantes avec des clients à l’autre bout de la France pouvant leur vendre aussi bien, voire mieux, les mêmes produits que des acteurs parisiens ou nantais. Ce magazine est l’occasion de les découvrir. »
Élargir son territoire d’expression : le cas Atlantic
Historiquement, “Bien chez soi” était un blog, lancé en 2012, explique Olivier Douard, responsable digital chez Atlantic, leader européen du confort thermique (11 600 collaborateurs). Nous l’avons revisité l’année dernière dans l’idée d’en faire un média indépendant en diversifiant ses formats : articles écrits, infographies, mais aussi vidéos et podcasts ! » Il ajoute : « L’un des prérequis du média de marque, c’est la qualité du contenu. L’exigence était forte, c’est pourquoi nous l’avons confié à des rédacteurs externes. D’autant plus que nous avons élargi notre champ lexical : on attaque désormais des thématiques « art de vivre » sur lesquelles l’entreprise est moins experte. Par ailleurs, le multi-format est un savoir-faire qui demande de la compétence et du matériel que nous n’avions pas en interne. Concrètement, un chef de projet Atlantic pilote le comité éditorial et nous faisons des réunions hebdomadaires avec les trois rédacteurs impliqués, au point d’entretenir une relation quasi internalisée. »
L’outil répond à bien des attentes stratégiques de la marque. « Nous étions déjà performants sur nos familles de métiers – les produits de chauffage, chauffe-eau, ventilation, climatisation -, insiste Olivier Douard. L’un de nos objectifs était d’élargir notre territoire de parole et d’identifier, à travers nos lecteurs, de potentiels prospects de nos produits. C’est aussi une façon de s’asseoir en tant qu’expert, d’avoir une vision plus globale de l’intégration de nos produits tout en travaillant notre notoriété. » Il précise : « Le trafic d’un média est plus diversifié que celui d‘un site web. Il est non seulement lié aux moteurs de recherche, mais également aux fils d’actualité. Il permet d’être présent sur les réseaux sociaux avec des contenus plus faciles à partager. Enfin, c’est une façon de garder le lien avec les clients et de favoriser l’interaction avec la marque. » Aujourd’hui, “Bien chez soi” dépasse les 400 000 visites annuelles. Les équipes digitales sont en mesure de suivre le parcours des lecteurs et de faire des liens directs entre le contenu et les consultations des pages produits sur le site de la marque. « Si je devais donner un conseil, conclut-il, ce serait d’adosser le média à la marque mais de lui donner sa propre identité : sa charte graphique, sa tonalité, etc. Trop lourdement sponsorisé, il perdrait en crédibilité. Même si parfois les thématiques traitées semblent éloignées, il y a toujours un lien discret mais présent : le bien chez soi ! »