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Profession business angel

Ils jouent un rôle clé dans le soutien au démarrage des jeunes entreprises. Qui sont ces “anges“ du business qui financent les start-up et dont la plus-value réside dans l’accompagnement et les conseils apportés ? Rencontre avec trois investisseurs vendéens ayant décidé de mettre leur expérience au service des idées innovantes.

business angel

© Shutterstock

« Le financement de l’amorçage n’existe pas en France », s’insurge Alain Foltzer vice-président d’Abab, un réseau de business angels (BA) né à Nantes il y a 11 ans. Depuis, l’association a essaimé jusqu’en Vendée, avec la création d’une délégation territoriale en 2017, dont ce multi-entrepreneur du secteur de l’hospitalisation privée a pris la tête.

« La vérité, reprend-il, c’est que les banquiers ne savent pas financer les entreprises qui n’ont pas de bilan. La seule alternative pour se développer c’est soit la love money (le financement par les proches), soit les business angels, des investisseurs privés qui acceptent de prendre un risque en misant essentiellement sur la confiance que leur inspire le porteur de projet et l’idée qu’il défend ! » Pour autant, insiste Alain Foltzer, « le rôle d’un BA n’est pas que financier.

LA VÉRITÉ, C’EST QUE LES BANQUIERS NE SAVENT PAS FINANCER LES ENTREPRISES QUI N’ONT PAS DE BILAN.

Il réside avant toute chose dans l’accompagnement des entrepreneurs. » Et d’ajouter : « si l’on devait dresser un portrait-robot, ce sont souvent des entrepreneurs masculins à la retraite qui ont cédé leurs entreprises et disposent d’un peu de capitaux devant eux. Ceci dit, le profil type commence à s’étoffer. Des femmes, des profils plus jeunes commencent à nous rejoindre! Cela permet de taquiner les visions traditionnelles en remettant en cause certains modèles établis. Il faut savoir aussi que c’est un choix soumis au risque, l’objectif n’est pas vraiment de faire des profits. Les start-up reposent sur des modèles fragiles, par conséquent il y a autant de réussites que d’échecs dans les investissements réalisés. Les Licornes, ces super start-up évaluées à plus d’un milliard de dollars restent extrêmement rares. Bien souvent, un business angel se contente de retrouver sa mise de départ. »

CONFIANCE ET TRANSPARENCE

Côté qualités, un business angel se doit d’avoir l’esprit d’analyse et d’être à l’écoute de son environnement. «On ne peut pas pratiquer la langue de bois, prévient Sylviane Raynaud, business angel chez Abab. Il faut creuser un dossier avant de le valider, comprendre les motivations du porteur de projet. La relation qui s’établit dès le premier contact doit se baser sur la transparence des informations. C’est la condition pour créer la confiance et avancer ensemble.» Elle précise : « je fonctionne à l’affect, je choisis mes dossiers en fonction de la personnalité du porteur, même si je suis davantage sensible aux initiatives écoresponsables, liées à la protection de l’environnement par exemple. Venant d’un milieu économique traditionnel, cela peut être perturbant parfois de se trouver face à des projets immatériels avec une incertitude forte. C’est la capacité de l’entrepreneur à inspirer confiance qui va me décider d’investir ou pas. Sur les huit dossiers du portefeuille Abab il n’y en a qu’un sur lequel je n’ai pas misé. Ceci dit, je trouve cela fabuleux de s’ouvrir au changement et de participer à l’émergence de nouveaux modèles. J’ai pris goût à vivre toutes ces aventures entrepreneuriales. C’est là que réside mon plaisir principal.» La jeune retraitée a porté une entreprise pendant 16 ans avant de la céder à un groupe en 2018. « Nous étions façonniers sur-mesure pour l’industrie pharmaceutique, indique Sylviane Raynaud. Rétrospectivement, j’ai eu une vie active dense, sans jamais toutefois faire partie d’aucun club, hormis mon syndicat professionnel. J’estimais que je prenais déjà suffisamment de temps à ma famille pour ne pas aller courir les réseaux le soir et le week-end.» Un choix qui conduit malgré tout à une forme de solitude assumée dont elle s’extirpe aujourd’hui avec cette nouvelle activité. «Pour la première fois, j’ai un sentiment d’appartenance à un groupe de pairs et cela me plaît beaucoup !»

Le fait d’être une femme dans un milieu masculin n’est pas un frein selon elle. « Sur les 21 membres d’Abab Vendée, nous sommes deux femmes seulement. Cela peut s’expliquer assez facilement. Premièrement, pour être BA, il faut disposer de fonds personnellement. Force est de constater que les femmes entrepreneures restent encore minoritaires même si les jeunes générations sont davantage promptes à sauter le pas! Deuxièmement, il faut disposer d’un régime matrimonial laissant une totale liberté. Je pense que c’est un argument qui travaille davantage les femmes que les hommes. Il y a une forme de prudence plus marquée chez nous, une responsabilité à ne pas dépenser l’argent du foyer. Quand j’investis, j’engage mon propre argent en prenant soin de mettre ma famille à l’abri du risque.» Selon Catherine Abonnenc, vice-présidente de Femmes business angels, sur les 5 000 à 6 000 personnes physiques qui investissent en France, il n’y aurait pas plus de 9 à 10 % de femmes.

LES DONNÉES CLÉS D’ABAB VENDÉE

Date de création : fin 2017.

Premier dossier : début 2018.

Principe fondateur : chaque business angel se positionne individuellement en investissant le montant qu’il souhaite dans la start-up qu’il veut.

Nombre de dossiers instruits : huit dossiers ont été et sont toujours accompagnés par Abab Vendée. Une sortie de financement a été réalisée cette année à la suite du rachat de 100 % des parts d’une start-up accompagnée par le réseau.

Ticket moyen d’investissement par BA : 10 000 €

Montant des opérations : L’association vendéenne compte 21 membres individuels ayant investi au global près de 2 M€ depuis sa création. Plus d’une dizaine de financements complémentaires ont été réalisés pour accompagner la croissance des start-up en portefeuille.

LA VOLONTÉ D’AVOIR ENVIE

Pour Frédéric Mandin, ex-entrepreneur du secteur agroalimentaire, la motivation réside encore ailleurs. « Mon expérience professionnelle nationale puis internationale m’a fait perdre le lien direct avec la richesse du tissu industriel vendéen que j’appréciais beaucoup. Je me suis promis, le jour où je vendrai, de faire partager mon expérience avec des gens issus du territoire. Aujourd’hui, je suis business angel tout en assurant des fonctions salariées chez l’entreprise dont j’étais actionnaire et qui a été rachetée par un leader mondial. Si je devais dresser le bilan de cette expérience, je suis partagé entre l’envie d’aider et la frustration de ne pas pouvoir y consacrer plus de temps. Être business angel reste une activité énergivore. Mon objectif principal c’est de transmettre de l’envie, de la volonté, du savoir et de l’ambition à ceux qui en ont besoin. Je suis convaincu qu’il y a une part mentale assez puissante dans la réussite professionnelle. À l’école, on te donne des outils et des moyens pour réussir, mais on ne te dit pas à quel point cela peut être difficile parfois. Mon rôle, au-delà de l’aspect financier et la perspective de profits immédiats, c’est vraiment d’insuffler à tous ces néo-entrepreneurs plus de combativité et la volonté d’avoir envie » conclut-il.

MON OBJECTIF PRINCIPAL C’EST DE TRANSMETTRE DE L’ENVIE, DE LA VOLONTÉ, DU SAVOIR ET DE L’AMBITION À CEUX QUI EN ONT BESOIN.

Depuis sa création, Abab Vendée instruit entre deux à trois dossiers malgré un “creux“ liée à la période Covid. « Il s’agit essentiellement de start-up en phase de démarrage, les structures plus avancées ne nous concernent pas», déclare Alain Foltzer. Le sourcing se fait en étroite collaboration avec la Chambre de commerce et d’industrie de la Vendée. Un délégué de la CCI assure le suivi administratif des dossiers tandis que deux instructeurs désignés parmi les membres de l’association se chargent d’accompagner personnellement les porteurs de projets. « Il y a assez peu de sourcing direct, déplore Alain Foltzer, mais nous travaillons notre notoriété jusqu’à devenir un réflexe pour chaque entrepreneur du territoire souhaitant faire émerger des idées nouvelles! À cet égard, nous organiserons une réunion d’information, en Vendée, d’ici la fin de l’année ».

QUELLES ÉTAPES POUR L’INSTRUCTION D’UN DOSSIER ABAB ?

La pré-sélection des dossiers se fait en étroite collaboration avec la CCI Vendée et Abab. Une fois un potentiel décelé, le porteur de projet est invité à pitcher devant un comité de sélection. Il s’agit de l’ensemble des business angels membres qui décident, ensemble, de poursuivre ou non l’instruction. Deux instructeurs BA sont alors désignés pour étudier, avec l’entrepreneur, le dossier en profondeur. À l’issue, les instructeurs rédigent un rapport donnant leur avis sur la présentation du dossier à l’étape décisive suivante : le comité d’investissement. En cas d’avis favorable, c’est là que chaque business angel se positionne individuellement comme futur actionnaire de la société à la hauteur qu’il souhaite. Le porteur de projet est alors suivi régulièrement par ses instructeurs qui l’accompagnent tout au long de son aventure entrepreneuriale.

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