Le tableau du peintre nantais Jean-Émile Laboureur, baptisé « Le roulis transatlantique », présent dans l’exposition permanente, a toute sa place dans la nouvelle exposition temporaire, « associant une simplification méditée, moderniste, et un incroyable pouvoir évocateur » comme l’indique Sophie Lévy, directrice du Musée d’arts de Nantes.
Lire aussi
Entre amour de l’art et obligation de résultat… le Voyage à Nantes de Sophie Lévy
« L’objet paquebot était un objet moderniste incroyable qui a fasciné toutes les avant-gardes à cause de ses paradoxes. C’est un objet à la fois immense quand il est à quai, microscopique quand il est au milieu de l’océan, un vrai immeuble, même une ville flottante pour reprendre les termes de Jules Verne, et un microcosme social incroyable. C’est aussi un point de jonction entre deux continents. C’était même le seul point de jonction entre deux continents pendant l’entre-deux-guerres. Par conséquent, si on voulait vivre une expérience américaine, ou si en Amérique on voulait vivre une expérience européenne, il y avait un incontournable, le paquebot. C’est ça l’idée de départ de l’exposition », résume-t-elle.
L’expérience du voyage
Peintres, photographes, publicitaires, affichistes, ont fait preuve d’une créativité moderniste débordante. « C’est à la fois montrer comment l’objet est une source de fantasmes modernistes, également du fait de son esthétique magnifique, de cette proue fuselée, de ce caractère à la fois gigantesque et extrêmement fluide. Et d’autre part, de parler de cette expérience du voyage transatlantique pour les artistes d’avant-garde et de montrer comment, pendant les quelque six jours de traversée, ni tout à fait en Europe, ni tout à fait en Amérique, dans une sorte d’unité de lieu et de temps, cela permettait de faire toutes sortes d’expériences. Ce qui est extraordinaire, c’est de voir la cohérence incroyable de l’esthétique moderniste à travers les techniques », assure Sophie Lévy.

Le paquebot, comme un point de jonction entre deux continents pendant l’entre deux-guerre, a généré un élan créatif exceptionnel. EC – IJ
La première partie de l’exposition s’attache à l’objet paquebot, tandis que la seconde étudie « l’expérience du voyage, entre luxe feutré des décors intérieurs Art Déco, la vie de loisirs en plein air sur les ponts, et plus profondément, l’étrange expérience de la vie à bord d’un microcosme apatride, isolé et mouvant en plein océan », note le catalogue de l’exposition.
Faut-il voir dans la présentation de l’œuvre contemporaine de l’artiste Hans Op De Beeck, au sein de la Chapelle de l’Oratoire, la dangereuse monstruosité des paquebots du XXIe siècle ? Ses deux œuvres, présentées une première fois à l’occasion d’une exposition au Grand café de Saint-Nazaire intitulée « Sea of Tranquility », un court-métrage dystopique à l’esthétique exceptionnelle et la maquette d’un paquebot fictif, présenté tel un catafalque, donnent des éléments de réponse.
Coproduite par le Musée d’arts de Nantes et le Musée d’art moderne André Malraux-Le Havre (MuMa), cette exposition rassemble des œuvres issues de prêts exceptionnels, notamment par l’Écomusée de Saint-Nazaire, du J. Paul Getty Museum de Los Angeles, du Colombus Museum of Art, du Centre Pompidou, de French Lines & Compagnies.
« Paquebots 1913-1942. Une esthétique transatlantique »
Jusqu’au 23 février 2025
Musée d’arts de Nantes.