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Les open badges, une solution pour révéler un vivier caché de compétences

Sur un marché de l’emploi tendu et faute de logements disponibles pour accueillir les salariés en mobilité, il existe pourtant un vivier local de compétences ignoré des recruteurs. Initié par l’État, le dispositif des open badges permet la reconnaissance ouverte et informelle des compétences. Il est actuellement expérimenté aux Herbiers, dans le nord de la Vendée.

Mathias Hincourt, Pierrick le Gallou, Activateur de potentiels

Mathias Hincourt et Pierrick Le Gallou, animateurs de l'Activateur de potentiels © D. R.

Lors des sentiers battus et du sempiternel CV qui formalise expériences professionnelles et diplômes, il existe une nouvelle voie pour reconnaître les compétences informelles : les open badges. Ce sésame numérique permet à n’importe quelle personne, souvent démunie face à une offre d’emploi faute de diplômes, de faire reconnaître par ses pairs, un maître de stage, un employeur ou une association, des talents ou des aptitudes assimilées lors de son parcours, ses activités ou ses hobbies. Ces compétences informelles, acquises hors des cursus officiels, difficiles à faire valoir sur un CV, sont encapsulées sous forme de témoignages émis par différentes entreprises, communautés, institutions. Elles peuvent être partagées sur un CV numérique, un blog ou un réseau social. Elles valorisent des aptitudes, des capacités ou des qualités qui peuvent matcher avec celles nécessaires dans un poste proposé par un employeur.

LA VENDÉE, TERRITOIRE PILOTE

Le nord-est Vendée où le chômage affiche un taux de 4,1 % à la fin 2021, le plus bas jamais atteint, est l’un des deux territoires pilotes à expérimenter le dispositif, en réponse à un appel d’offres lancé par l’État. Selon Pôle emploi, le vivier serait d’environ 1 500 personnes sur le territoire : des jeunes en décrochage scolaire ou sans projet professionnel, des personnes en situation de handicap, des salariés ou des chômeurs sans diplôme et des personnes éloignées de l’emploi.

Sous l’égide du Centre interinstitutionnel de bilans de compétence des Pays de la Loire (CIBC), basé à la Roche-sur-Yon, une cellule baptisée Activateur de potentiels Vendée a été ouverte en septembre aux Herbiers pour expérimenter avec les employeurs et les habitants du territoire la mise en place de cet éco-système favorisant la (re)valorisation et l’accès à l’emploi. Deux permanents y reçoivent les entreprises et institutions du Pays des Herbiers pour faire connaître le dispositif et ceux des habitants qui veulent se faire (re)connaître de potentiels employeurs. « Nous souhaitons aider les personnes qui pensent être peu ou pas qualifiées à valoriser des savoir-faire ou des savoir-être, essentiels dans certains postes, indique Mathias Hincourt, l’un des deux animateurs. L’idée est de les remobiliser et qu’ils reprennent confiance en eux en partant de leur expérience quotidienne et des opportunités présentes ici et maintenant sur le territoire. »

Avec des intitulés libres, les open badges valorisent des compétences informelles pouvant aider à la recherche d’emploi.

FORMER LES PROFESSIONNELS À L’EXISTENCE ET À LA DÉLIVRANCE DES OPEN BADGES

Pour que le badge ait une valeur, il faut que les éléments de reconnaissance soit partagés par les professionnels du territoire au-delà des structures d’accompagnement traditionnelles comme les missions locales ou Pôle emploi. L’idée est de former et de mobiliser un maximum de partenaires pour valoriser ces compétences informelles, non sanctionnées par un diplôme. « Ces passeurs reconnaissent non pas des référentiels métiers, mais des capacités éprouvées et qui peuvent être déterminantes dans l’accomplissement de tel ou tel métier », indique Mathias Hincourt.

L’intitulé des badges est libre. Ainsi l’ADMR a reconnu à un salarié un badge « zénitude au travail », autrement dit sa capacité à maîtriser son stress auprès des personnes avec lesquelles il intervient. Un féru de jardinage a pu valider auprès de son entourage un badge de « technicien espace vert ». Un jeune déscolarisé, capitaine d’équipe dans un jeu vidéo, a validé un badge « pilotage de drone » auprès du Ludylab (1) et intéressé l’Armée où il a été recruté comme pilote de drone. Lancée pour trois ans, l’expérimentation a déjà permis de toucher une cinquantaine de bénéficiaires et de former une trentaine d’acteurs économiques et de professionnels à la délivrance des open badges.

  1. Tiers-lieu dédié aux nouvelles technologies qui accueille, au cœur du Bocage vendéen, un grand espace réservé au pilotage de drone indoor.

Du chômage au CDI en trois mois

Habitant du Bocage vendéen, Benjamin, 36 ans, est plutôt timide, réservé et souriant. Titulaire d’un bac génie électronique et d’un brevet professionnel agricole (BPA travaux paysagers), il est sans emploi depuis plusieurs mois.

Reconnu travailleur handicapé, il ne trouve pas de travail sur son bassin de vie et essuie plusieurs échecs à l’occasion d’entretiens avec des agences de travail temporaires « conventionnelles ». Il rencontre alors Amélie, chargée d’insertion chez A2i (agence d’insertion du groupe Actual), l’un des partenaires de l’Activateur de potentiels Vendée. Benjamin avoue avoir des difficultés à (se) faire confiance, à se remobiliser pour passer un entretien professionnel, à évoquer ses problèmes de mémorisation ou même à valoriser ses compétences…

À force d’écoute, les animateurs de l’Activateur de potentiels et Amélie, le « passeur », lui ont permis de se reconnaître et d’être reconnu comme un actif potentiel du territoire. Ils l’ont aidé à comprendre le vaste champ des possibles de la reconnaissance ouverte des compétences et ce que sont les open badges. Benjamin a d’abord créé un premier « selfie badge » autour de l’une de ses passions, le montage vidéo. Puis il a reçu plusieurs reconnaissances et badges professionnels via A2i, sur le respect des règles, l’écoute, la ponctualité, l’adaptation au travail, obtenues auprès d’entreprises locales après plusieurs expériences professionnelles réussies et sa participation aux tâches quotidiennes dans le logement qu’il partage avec sa mère. En trois mois, Benjamin, remobilisé, obtient ainsi un badge-clé pour l’ensemble de sa « Mission accomplie » auprès d’A2i. Et vient de décrocher un poste d’agent d’entretien en CDI dans l’entreprise SB2C après une mission test en intérim.

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