Couverture du journal du 19/04/2024 Le nouveau magazine

L’Hydroptère retrouve ses ailes à Nantes

Grâce au soutien de plusieurs entreprises du territoire (Airbus, Idea, Seco Marine), le voilier le plus rapide au monde vient d’arriver à Nantes en pièces détachées, où il va être réassemblé. Passionné par ce navire capable de voler à plus de 100 km/h grâce à ses foils, Gabriel Terrasse l’a racheté aux enchères et vient de le rapatrier d’Hawaï, où il était à l’abandon. Objectif : lui permettre de voler à nouveau et en faire un bateau laboratoire à la pointe de l’innovation.

Depuis qu’il a racheté l’Hydroptère en 2019 avec l’Américain Chris Welsh, Gabriel Terrasse a réussi le tour de force de le rapatrier d’Hawaï à Nantes, grâce au soutien de plusieurs entreprises. © IJ

Trimaran volant imaginé dans les années 1990 par Éric Tabarly et Alain Thébault puis construit par la DCNS (devenu Naval Group) dès 1993 à Lorient, l’Hydroptère s’apprête à reprendre vie du côté de la Cité des Ducs.

À l’abandon depuis 2015 à Hawaï après l’échec de la tentative de record sur la Transpacific (traversée entre Los Angeles et Honolulu), le navire a été racheté aux enchères 8 500 $ en 2019 par le Lyonnais Gabriel Terrasse et l’Américain Chris Welsh, décédé depuis. Objectif : « Le rapatrier en France pour le rénover et le refaire voler. »

Alors que les deux foils, le safran et les bras de liaison du navire avaient été rapatriés en mars 2021 et sont stockés depuis sur le Technocampus composites d’Airbus à Bouguenais, les dernières pièces détachées sont arrivées le 21 février au port de Montoir-de-Bretagne, près de Saint-Nazaire.

Long de 18 mètres pour 24 de large, l’Hydroptère

Long de 18 mètres pour 24 de large, l’Hydroptère ne pèse que 7,5 tonnes. ©DR

« La coque centrale de 18 mètres de long ainsi que le mât de 28 mètres, les deux flotteurs et un container de 40 pieds rempli de matériel et de pièces du trimaran étaient embarqués à bord du Ville de Bordeaux, précise Gabriel Terrasse. Il s’agit du cargo d’Airbus équipé d’une voile de kite Airseas qui transporte habituellement les grosses pièces d’avions entre les usines de Mobile, aux États-Unis, et de Saint-Nazaire. »

Un rapatriement rendu possible grâce aux moyens logistiques de l’avionneur européen, qui avait d’ailleurs participé il y a 30 ans à la R&D de l’hydroptère. « Nous avons en quelque sorte retrouvé l’esprit dans lequel est né le projet d’Éric Tabarly et d’Alain Thébault, associant les innovations aéronautiques et navales », se félicite le propriétaire.

Le soutien de plusieurs entreprises du territoire

Le projet, baptisé Hydroptère 2.0 et porté par la société éponyme, a également bénéficié du soutien de plusieurs autres entreprises du territoire, dont Idea et le groupe Fétis. Ainsi, le 1er mars, les dernières pièces de l’hydroptère ont rejoint un entrepôt du Bas-Chantenay, à Nantes. « Elles ont fait l’objet d’un transport exceptionnel assuré par notre partenaire Idea depuis le port de Montoir jusqu’au hangar que nous met à disposition Seco Marine, une marque du groupe Fétis, au pied du pont de Cheviré. »

Pour Gabriel Terrasse, la prochaine étape consiste à rénover les pièces aéronautiques, « à commencer par les bras de liaison qui sont des assemblages de poutres ventrales d’Airbus A340-500 et A340-600, mais aussi les deux écrêteurs, ces amortisseurs dérivés du train avant des Rafales marine, permettant d’encaisser les chocs à la jonction foils/bras de liaison et de fiabiliser le navire à haute vitesse. Les nombreuses rotules aéronautiques, qui assurent les points de jonction du navire, doivent également être changées. »

L’Hydroptère a battu le record du monde de vitesse absolu d’un voilier en 2009 (103 km/h), à Hyères. ©Thomas Lesage

Il a battu le record du monde de vitesse d’un voilier en 2009 (103 km/h), à Hyères. ©Thomas Lesage

« Réassembler ce mécano géant, fabriqué à 60 % à partir de pièces d’avion »

Concernant les pièces marines de l’Hydroptère (coque, flotteurs, mât) : « Peu de rénovation à prévoir, elles sont en bon état et seulement un peu de cosmétique sera à réaliser. Restera ensuite à racheter des pièces d’accastillage, l’électronique, et reconstruire le système hydraulique qui gère la barre et les voiles. Tout cela a été volé pendant la période d’abandon à Hawaï. »

L’Hydroptère sera rénové aux côtés de son petit frère, l’Hydroptère.ch (lire l’encadré). Le chantier, qui devrait durer une année, s’organisera en mode participatif et Gabriel Terrasse ne semble pas peiner à trouver des volontaires. « Vu la popularité de l’Hydroptère, les bénévoles sont nombreux à se manifester. Viendra bricoler qui veut, mais il faut bien garder à l’esprit que c’est un navire ultra pointu qui réclame des compétences bien particulières. » La dernière étape consistera « à réassembler ce mécano géant, fabriqué à 60 % à partir de pièces d’avion ».

 

Réduire l’empreinte carbone du transport maritime

Au-delà de le refaire voler, Gabriel Terrasse souhaite aussi en faire un véritable bateau laboratoire, « ouvert à la fois aux entreprises, à la recherche et aux écoles pour développer des solutions innovantes. L’idée est d’en faire une plateforme de recherche, développement et d’innovation pour les matériaux composites, l’hydro et l’aérodynamisme, les systèmes de commandes, le contrôle de stabilité en vol, les systèmes de navigation, l’évitement d’objet flottant non identifié… Nous misons également beaucoup sur les retombées du projet pour l’industrie, mais aussi sur le plan environnemental, notamment pour réduire l’empreinte carbone et acoustique du transport maritime. Et pourquoi pas aussi impacter la course au large de demain… »

Pour passer du rêve à la réalité, le propriétaire de l’Hydroptère a obtenu un prêt bancaire du Crédit Maritime et table sur un budget total de 600 000 €. « Un chiffre qui pourrait grimper à 2 M€ si l’on veut retrouver la haute performance et aller chercher des records de vitesse. C’est pour cette raison que nous cherchons de nouveaux partenaires financiers souhaitant bénéficier de notre potentiel de communication mondial. L’idée étant de monter un pool d’entreprises pour permettre au trimaran de retrouver son niveau d’antan et pourquoi pas d’aller plus loin. Cela pourrait aussi être une entreprise unique, qui souhaiterait mettre en avant sa marque sur l’Hydroptère pour communiquer en interne et en externe », conclut Gabriel Terrasse, qui prévoit la remise à l’eau du trimaran volant courant 2024 du côté de Saint-Nazaire. L’occasion de lui faire reprendre son envol près de 30 ans après sa fabrication.

 

Le petit frère du trimaran volant vise la course

L’Hydroptère.ch est le voilier le plus rapide du lac Léman en Suisse. Il appartient également à la société Hydroptère 2.0 de Gabriel Terrasse. À la différence de son aîné, il est prêt à naviguer et capable d’atteindre 2,7 fois la vitesse du vent. « Il est en parfait état et nous comptons le mettre à l’eau dès ce printemps, à Nantes, assure l’intéressé. Étant donné qu’il a une vocation beaucoup plus sportive, on envisage de l’inscrire à des courses côtières comme le Spi Ouest-France ou le Tour de Belle-Île. Donc si des équipes ou des sponsors sont intéressés par ce projet, qu’ils n’hésitent pas à nous solliciter. »