« Les directions immobilières se recentrent principalement sur la stratégie d’occupation, et sous-traitent l’exploitation. Le métier de directeur immobilier a énormément changé ces dernières années. Il y a dix ans, il se contentait de signer des baux, aujourd’hui il a systématiquement en charge l’exploitation, ce qui lui prend 90 % de son temps », note Damien Sanouillet. Le directeur du développement chez JLL France (Jones Lang LaSalle, spécialiste international du conseil en immobilier d’entreprise), était invité à Nantes par Tourny Meyer, et a évoqué l’étude prospective Future of Work1, visant à imaginer les bureaux de demain, entre flexibilité et nouvelles pratiques.
Lire aussi
Nantes Saint-Nazaire : des fondamentaux forts pour engager les transitions
Élu au conseil d’administration de l’association des directeurs immobiliers (ADI) qui regroupe les directeurs immobiliers des grandes entreprises françaises, Damien Sanouillet est au cœur de la réflexion pour optimiser le deuxième poste de coûts après celui des salaires. « Deux éléments font changer les choses dans les modes de travail, la technologie et les phénomènes sociétaux. Dans les dernières décennies, la crise du Covid, mondiale et sociétale a profondément changé les modes de travail », rappelle-t-il, soulignant combien le travail hybride, combinaison du travail en présentiel et du télétravail, est au cœur de la mutation.
Le ministère du Travail indique que 26 % des salariés en France bénéficient du télétravail. Cela passe à 42 % dans les banques, et 44 % dans les compagnies d’assurances. Les entreprises se retrouvant face au casse-tête des bureaux vides désertés le vendredi. « La courbe ressemble aux bosses du chameau. Le vendredi, le taux de fréquentation est partout nettement inférieur à 50 % et tombe même à 10 % dans certains sièges », note Frédéric Goupil de Bouillé, président de l’ADI. « On a un problème de taux d’occupation. C’est la principale préoccupation des directeurs immobiliers des entreprises, l’élément le plus important de leur travail aujourd’hui. Comment optimiser ce taux ? En incitant les gens à revenir au bureau, tout en ayant un plan d’action de réduction globale de leur empreinte immobilière », résume Damien Sanouillet.
Stratégies immobilières novatrices
Selon l’étude Future of Work, en France, la moyenne est à trois jours de télétravail dans les grandes entreprises, et 33 % des décideurs aimeraient augmenter le nombre de jours de présence dans les bureaux. « Le directeur immobilier constate l’occupation de ses bureaux et il a son directeur général qui va lui demander pourquoi il n’y a personne ! D’une manière tactique, il revoit le réaménagement de son espace. On a beaucoup de projets de transformation de l’environnement de travail pour aller vers solutions qui donnent une meilleure expérience au salarié », constate Damien Sanouillet.
Alors on relooke, on donne plus d’espaces de rencontres, et l’on crée des services d’hospitality, terme utilisé dans l’hôtellerie. De grandes entreprises comme la Société Générale mettent en place dans leurs sites parisiens un service d’hospitality management, qui allie la gestion du bien-être des collaborateurs à des services de conciergerie d’entreprise par le biais de prestataires extérieurs.
« D’autres se déplacent vers le centre-ville, trouvent des locaux premium plus centraux. On le constate sur le centre de Nantes. Certains sont prêts à payer plus cher pour avoir des immeubles de meilleure qualité, des standards environnementaux plus élevés », explique Damien Sanouillet. « Il y a aussi des choix plus stratégiques, avec la semaine de quatre jours, qui n’est pas nécessairement une solution pour occuper moins les bureaux. On réfléchit à des bureaux satellites, certains le font notamment avec du coworking. »
Le directeur de développement de JLL note la tendance prégnante « à revoir complètement la finalité du bureau ». « Ce n’est plus l’endroit où l’on produit du travail tertiaire : on y vient échanger, travailler en mode projet avec ses collègues et toute la “production” se fait ailleurs. »
Dans le secteur bancaire, Natixis a transformé l’ensemble de son parc tertiaire en espace hybride avec 75 % de taux de satisfaction, mais toutefois avec « une petite détérioration de la cohésion et de la transmission d’informations ». « Ce sont deux points de vigilance sur lesquels il faut travailler. Il faut responsabiliser et soutenir les managers. Finalement, la clé du travail hybride se situe chez eux. Les entreprises qui n’ont pas réussi la transformation sont celles qui ont sous-estimé le rôle du management intermédiaire dans la mise en place du travail hybride. Et le lien est évident entre le travail hybride et la qualité des espaces de travail », conclut Damien Sanouillet.
1 Étude menée auprès de 560 directeurs immobiliers. Source JLL France
Future of Work : 5 recommandations pour répondre aux défis du bureau de demain
- Fédérer et impliquer toutes les parties prenantes clés de l’organisation dans la réflexion immobilière
- Collaborer étroitement avec la direction RH pour bâtir et faire évoluer son modèle d’organisation du travail
- Définir sa stratégie d’intégration de l’IA dans ses activités immobilières pour gagner en impact
- Déterminer les étapes clés de sa stratégie RSE pour transformer ses ambitons en actions
- Repenser le modèle opérationnel de sa fonction immobilière pour accroître sa capacité d’action.