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« Les indépendants ont une vraie valeur ajoutée »

Le réseau res-source compte 226 indépendants exclusivement Btob en Pays de la Loire et Bretagne. Consultants, managers de transition, opérationnels à temps partagé… on fait le point sur leur situation avec Delphine Trioux, fondatrice du réseau.

Delphine Trioux @Guillaume_chueca

Delphine Trioux @Guillaume_chueca

Comment se portent les indépendants du réseau ?

Aujourd’hui, je dirais qu’après une phase de grande interrogation, cette période de mars à mai a fait prendre conscience à la majorité des membres du réseau de l’importance de la structuration de leur activité. Avant, ils avaient tendance à proposer des offres adaptables aux clients, surtout pour le conseil. On a une certaine capacité d’adaptation, on pouvait rencontrer facilement les dirigeants, échanger sur les projets et ajuster en fonction. Cette phase de turbulence conduit à réfléchir à l’adéquation de son offre avec le contexte, pour que les entreprises comprennent mieux la valeur ajoutée de recourir à un indépendant. Beaucoup ont donc revu leurs offres. Par exemple, en proposant du conseil orienté sur la résilience, qui touche les entreprises. Pour certains consultants, tout tourne autour du Covid : digitalisation, réorganisation… Mais, bien sûr, je parle pour ceux qui sont membres du réseau…

 

Est-ce qu’ils parviennent à travailler ?

Cela dépend des métiers. Ceux du numérique n’ont pas chômé ainsi que ceux des secteurs de la sécurité et de la santé. En conseil, l’activité revient en ce moment : les entreprises rencontrent un besoin urgent d’atteindre leurs objectifs. Elles sont plus dans l’opérationnel que dans la réflexion. Je vois donc des membres du réseau assez occupés, avec des formations, des demandes de conseil… Au niveau de RES-SOURCE, j’ai reçu plusieurs sollicitations, pendant et après le confinement, de différentes entreprises. Certaines n’avaient pas encore fait la démarche de se tourner vers le réseau et cherchaient à mieux comprendre ce qu’on pouvait faire ensemble, d’autres se sont adressées à nous pour des demandes de sourcing sur des compétences très spécifiques.

Dans le réseau, il y a des entrepreneurs qui n’avaient démarré leur activité qu’en janvier 2020. Ils ne ressentent donc pas forcément tous d’urgence car les indépendants estiment qu’il est normal de ne pas travailler quand ils se lancent. On sait qu’il faut deux, trois, quatre ans pour récupérer les fruits de son investissement.

 

Quelle est l’activité la plus touchée ?

Le coaching, et cela n’a rien à voir avec le Covid : c’est lié à la maturité du marché. C’est encore un peu compliqué malgré l’engouement de certaines entreprises. Elles restent frileuses vis-à-vis de ces démarches. Est-ce que le Covid va influer positivement ? Des réseaux nantais et régionaux se questionnent pour être accompagnés dans la gestion de projets puisque le Covid nous pousse à nous demander comment produire, travailler, s’organiser autrement.

 

Est-ce que la crise a modifié leur motivation à rester indépendants ?

Pendant le confinement, j’ai lancé un sondage pour évaluer le moral des troupes. Les réactions ont été très diverses. Pour certains, c’est une confirmation de leur souhait de travailler en indépendant. Ils ont vu l’avantage de travailler sans pression, de faire le choix de rester à la maison… D’autres, au contraire, ont pris peur et veulent retourner vers le salariat (9%). Ceux qui démarraient juste, avec de belles ambitions, continuent mais se retrouvent déstabilisés.

Certains ne font plus partie du réseau, en partie parce qu’ils ont décidé de réorienter leur offre vers du BtoC (17,5%). 10% ont mis en arrêt leur activité et 30% se recentrent et ont décidé d’arrêter ou de limiter leur implication dans le réseau. J’observe d’ailleurs un certain repli des uns et des autres pour se concentrer sur leurs activités, mettre toute l’énergie qu’il faut pour leur offre. Il y a moins d’interactions, mais de meilleure qualité. Avant, nos membres ne prenaient pas forcément conscience que le temps passe vite et qu’il faut trouver des missions. Aujourd’hui, ils sont plus dans l’efficacité et le concret, ils prennent plus d’initiatives pour démarcher. Et aussi pour prioriser leurs actions. C’est un peu le sens de ma démarche depuis la création du réseau : leur faire comprendre qu’on ne fait pas quelque chose juste parce qu’on a le temps. Chaque initiative doit être convergente avec sa cible.

 

Où en est le réseau aujourd’hui ?

Il s’est recomposé. Nous avons démarré en 2018 avec 11 partenaires et 150 membres, en septembre 2019 nous étions 287 membres, avec 70% de nouveaux adhérents car, déjà, certains étaient partis pour diverses raisons (retour au salariat, leur activité a grossi et ils ne font plus partie des structures indépendantes…). En septembre 2020, RES- SOURCE comprend 226 membres et 18 partenaires*. Nous nous sommes davantage structurés pour une meilleure compréhension des besoins de chacun, membres et cibles. Nous avons deux objectifs dans l’accompagnement de nos membres : mieux structurer leur activité (qu’est-ce qu’une cible ? un modèle économique ?) et apporter des notions sur des expertises particulières dont nous disposons dans le réseau et qui peuvent servir pour travailler en complémentarité. Nous organisons des maillages pour permettre à n’importe quelle entreprise d’atteindre ses objectifs et leur dire : « Nous sommes au service de vos projets et de vos besoins. Nous avons une vraie valeur ajoutée. »

 

Quel est le rôle de RES-SOURCE dans ce contexte de crise ?

Des groupes de travail ont été créés pendant le confinement, notamment sur l’industrie puisque nous sommes plusieurs à intervenir dans ce domaine. Cela avait commencé dès janvier, avec un stand au Salon de l’industrie. Nous étions 18. Individuellement, c’est compliqué de cibler ce secteur d’activité, mais à plusieurs, cela permet aux entreprises d’avoir une vision à 360 degrés de ce qu’on pourrait leur apporter.

Nous avons aussi lancé un agenda. Avec une double visée. Au niveau interne, afin d’avoir une vue globale de ce qu’il se passe pour s’informer et se rencontrer : qui fait quoi et propose quoi ? Comment peut-on se rencontrer ? L’agenda est par ailleurs ouvert sur le site pour donner la possibilité aux entreprises de rencontrer les indépendants. En général, ces derniers ont peu de visibilité. Le réseau veut leur en donner plus. Nous aussi, nous sommes utiles à l’entreprise, avec souvent une grande connaissance de son écosystème. Si nous sommes indépendants, ce n’est pas par défaut.

 

Quelle est la proportion d’indépendants par choix dans votre réseau ?

Ils représentent 90% des membres. Par exemple, j’ai pris cette décision après vingt-cinq ans en entreprise pour m’enrichir et enrichir les autres. Peut-être qu’avec la crise il y aura plus d’indépendants, mais je pense que ce sera par opportunité, parce que l’idée était présente et que c’est l’occasion… Quand on change de statut, logiquement il y a un questionnement… Dire que faire travailler un indépendant c’est maintenir une certaine précarité professionnelle est une idée reçue. C’est vrai qu’il y a un problème avec certains indépendants qui n’ont aucune idée des tarifs à demander, donc ils sont sous-payés. C’est aussi à cela que sert le réseau : apprendre à évaluer combien coûte réellement son travail en prenant en compte le temps passé à se vendre, à gérer ses comptes…

Et, par ailleurs, des dirigeants aujourd’hui sont contre donner du travail aux indépendants car ils considèrent qu’ils ne sont pas fiables dans la solvabilité ou dans l’exécution. Or, il y aurait une réflexion à mener au niveau des entreprises : « J’ai besoin de quelqu’un mais est-ce pour passer un cap ou est-ce pour la durée ? » Le contrat de travail est plus complexe et plus rigide alors qu’avec un indépendant, c’est beaucoup plus simple… D’autant qu’en général les indépendants sont à 200% sur leur mission. C’est leur carte de visite. La motivation est souvent meilleure que chez un salarié qui peut s’installer dans une certaine routine, surtout en CDI. D’ailleurs est-ce que le CDI a toujours sa place dans la société actuelle ? Est-ce qu’il protège vraiment, au regard des plans sociaux annoncés ? Je pose la question…

 

Comment envisagez-vous l’avenir ?

Nous espérons pouvoir organiser des rencontres, entre nous et aussi avec nos cibles. Nous proposons des ateliers en présentiel et en ligne. Les présentiels se font en petits groupes. Nous ne pouvons plus nous rencontrer comme avant avec des journées à 40 personnes le matin et 40 l’après-midi…

 

* Sept sociétés de portage, un expert-comptable, un avocat en droit social, un avocat fiscaliste, un cabinet de recrutement, un centre de formation, un média, un assureur, une entreprise de recouvrement, un conseil en transition numérique pour les professions réglementées, un Esat et des espaces de coworking.

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