Couverture du journal du 01/10/2025 Le nouveau magazine

Loïc Belleil : « les entreprises sont toujours sous perfusion »

Le tribunal de commerce de Nantes est en première ligne pour prendre le pouls de la vie économique sur le territoire. Président de cette juridiction depuis janvier, Loïc Belleil dresse pour nous un premier bilan des difficultés des entreprises en cette rentrée.

Loïc Belleil

Loïc Belleil

Quel est l’état des lieux à l’instant T en matière de faillites ?

Pour vous répondre, je vais vous donner un chiffre de référence. En période normale, le tribunal de commerce de Nantes enregistre à peu près une quarantaine de dépôts de bilan par semaine. Pendant la période du confinement, nous en avons eu entre 2 et 4 par semaine. Et en ce moment, nous en avons entre 10 et 15. Les entreprises sont toujours sous perfusion, ce qui nous fait dire que la vague des faillites est à venir. Au départ, je la voyais en septembre/octobre, mais comme les mesures gouvernementales ont été prorogées, du moins pour une part d’entre elles, je la vois désormais plutôt au printemps prochain, c’est-à-dire au moment où les PGE vont devoir être remboursés. Ce qui commence à poindre, en revanche, ce sont les dépôts de bilan à cause du Covid. Auparavant, il s’agissait d’entreprises qui seraient tombées de toute façon. Pour l’instant, ce sont toujours les secteurs ‘‘classiques’’ qui sont les plus touchés par ces ‘‘dépôts de bilan Covid’’ : cafés, hôtels, restaurants, restauration rapide, services. Pour les secteurs les plus touchés par la crise sanitaire, les voyants ont beau être au rouge, on n’enregistre pas de faillite pour le moment.

Dans vos échanges avec vos pairs, ce constat est-il partagé ?

Le tribunal de commerce de Nantes fait partie de la 11e délégation qui rassemble les tribunaux de l’ouest de la France. On fait ensemble des constats un peu différents dû à la spécificité économique de chaque territoire. Il est évident que si, à Saint-Nazaire, la navale bat de l’aile, tout s’écroule. Alors qu’à Nantes, si c’est le cas, ça pose problème, mais tout ne s’écroule pas. Chaque tribunal va régler ses curseurs en fonction des observations qu’il fait sur son secteur économique.

Notre budget d’activité est insignifiant, de l’ordre de 10 000 € par an. (…) Ce que nous demandons, c’est d’avoir les moyens de travailler.

Êtes-vous prêts à supporter une montée en charge qui semble inéluctable ?

À l’heure actuelle, au tribunal de commerce, nous avons deux chambres de procédures collectives, chaque chambre réunissant trois juges. Et nous avons quatre juges commissaires, qui gèrent sur le plan juridique les entreprises qui ont déposé leur bilan. Ce à quoi je m’attends, c’est à une recrudescence des dépôts de bilan qui m’amènerait à ouvrir une chambre supplémentaire de procédures collectives ou alors à statuer plus fréquemment en tenant deux audiences par semaine. Le problème, c’est que les juges sont élus tous les ans. En principe, l’élection a lieu en septembre/octobre. Avec le Covid, l’élection a été reportée à novembre/décembre, ce qui veut dire qu’avec le temps de formation, je n’aurai pas de juges efficaces avant juin. Étant précisé que le tribunal de commerce a deux grands pans d’activité : le contentieux et les procédures collectives. Tout juge nouvellement élu doit faire deux ans en contentieux avant de passer en procédure collective. On considère en effet que les procédures collectives on…