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Le Projet de loi de finances 2025 menace les BSPCE

Le projet de loi de finances 2025 prévoit de revoir le régime fiscal des bons de souscription de parts de créateur d’entreprise (BSPCE). Derrière une apparente volonté de sécurisation, ces nouvelles mesures risquent de pénaliser salariés et dirigeants, remettant en cause l’attractivité d’un dispositif essentiel pour les start-ups et leurs investisseurs.

Antoine Thiébaut.

Antoine Thiébaut. BENJAMIN LACHENAL - IJ

Les bons de souscription de parts de créateur d’entreprise (BSPCE) sont un outil précieux d’intéressement des fondateurs / managers (salariés et dirigeants soumis au régime fiscal des salariés) dans de nombreuses sociétés, principalement les start-ups. Mis en œuvre le plus souvent au moment d’une levée de fonds, les BSPCE permettent aux acteurs clés de la société de bénéficier des fruits de la croissance en permettant un deal gagnant-gagnant avec les investisseurs qui intègrent le capital de la société.


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Sur le plan juridique, les BSPCE sont des bons de souscription d’actions permettant à leurs bénéficiaires de souscrire des actions de la société. Chaque BSPCE donne droit à son titulaire de souscrire des actions de la société à un prix fixé au moment de l’attribution des bons. L’attributaire (le salarié ou le dirigeant) acquitte le prix fixé le jour où il exerce le BSPCE et souscrit concomitamment aux actions auxquelles le BSPCE lui donne droit.

L’intérêt est grand pour le titulaire du BSPCE : si la valorisation de la société augmente pendant la période d’exercice, il pourra acheter les actions de la société à un prix largement inférieur à sa valeur et ainsi générer une belle plus-value ! Le régime des BSPCE est fixé de manière détaillée dans le Code général des impôts, à l’article 163 bis G du Code général des Impôts. Pour peu que les conditions posées par le texte soient réunies (société par actions de moins de quinze ans, soumise à l’impôt sur les sociétés…), ce régime présente l’avantage d’une relative simplicité par rapport à celui que connaissent les attributions gratuites d’actions et les stock-options.

Surtout, les BSPCE permettent, notamment, de s’affranchir des contraintes liées à la détention du capital social des sociétés, notamment celle excluant de ces dispositifs les salariés / mandataires détenant plus de 10 % du capital social de la société émettrice. En outre, à date, les BSPCE présentent un traitement fiscal et social avantageux par rapport aux actions gratuites et autres stock-options. Ainsi, pour les bons émis depuis le 1er janvier 2018, le gain total réalisé par le bénéficiaire est soumis au prélèvement forfaitaire unique (PFU) au taux de 12,8 % (outre les prélèvements sociaux qui s’élèvent à 17,2 %) ou, sur option, au barème de droit commun de l’impôt sur le revenu au moment de la cession des actions souscrites sur exercice de ces BSPCE. Le taux de 12,8 % est porté à 30 % si le salarié exerce son activité depuis moins de trois ans dans la société à la date de la cession, sans possibilité d’option pour le barème progressif. Parallèlement, ils échappent aux cotisations et contributions sociales sur les salaires.

Le projet de loi de finances 2025 ne présage rien de bon en la matière

Sous prétexte de sécurisation (dixit l’intitulé de l’article 25 du projet de loi), il faudrait distinguer entre (i) un « avantage salarial » qui correspondrait à la différence entre la valeur des actions souscrites au jour de l’exercice et le prix d’exercice et (ii) un « gain net » (de nature patrimoniale) qui lui correspondrait à la différence entre le prix de cession des actions issues de l’exercice des BSPCE et la valeur desdites actions au jour de l’exercice du BSPCE. En cas d’apport des titres issus des BSPCE, le sursis (art. 150-0-B du CGI) ou le report (art. 150 0 B ter) d’imposition ne seraient applicables qu’au seul gain net, le gain salarial étant quant à lui imposable immédiatement.

Ce distinguo revient à potentiellement mettre en difficulté le salarié qui souhaiterait réinvestir ses titres dans le cadre d’un LBO en le rendant redevable immédiatement de l’imposition de la plus-value liée à cet « avantage salarial » alors qu’il n’aura pourtant perçu aucune liquidité. Le procédé n’est pas surprenant en cette période de recherche continue de recettes fiscales, mais il est agaçant, car il revient à remettre sur la table ce que le Conseil d’État avait écarté au début de l’année 2024.