Couverture du journal du 03/05/2024 Le nouveau magazine

« Le grand Ouest manque d’investisseurs dans la santé »

Le 4 juillet au siège de la Caisse d’Épargne Bretagne Pays de la Loire d’Orvault, le pôle de compétitivité santé du grand Ouest Atlanpole Biotherapies tenait son assemblée générale annuelle. L’occasion de dresser un état des lieux de la filière avec son président Franck Grimaud, également directeur général de la société Valneva[1].

Franck Grimaud Atlanpole Biotherapies

Franck Grimaud, président d’Atlanpole Biotherapies et directeur général de la biotech Valneva. ©CAP PHOTO.

Comment vont les entreprises de la santé du grand Ouest ?

Le pôle va globalement bien, avec toujours de nouvelles sociétés qui émergent chaque année. En 2022, 11 nouveaux membres ont rejoint Atlanpole Biotherapies, qui en revendique désormais près de 200. D’après le panorama France Biotech qui existe depuis 20 ans, le grand Ouest arrive deuxième sur le plan national derrière l’Île-de-France en nombre de sociétés biotech. C’est un résultat dont nous sommes fiers car il récompense une vingtaine d’années de travail.

Néanmoins, la situation est différente en fonction des typologies d’entreprise. Il y a d’un côté celles qui ont atteint un niveau de maturité suffisant pour générer du chiffre d’affaires. Elles sont capables de s’autofinancer depuis plusieurs années et affichent de très belles croissances et vont naturellement vers le statut d’ETI.

De l’autre côté, il y a les sociétés qui sont encore dans leur phase de recherche. Pour les mener à bien, ces dernières doivent régulièrement aller chercher des financements auprès de capitaux risqueurs. Mais la période est tout sauf idéale pour le refinancement…

Quels sont les points faibles de la filière à l’heure actuelle ?

Le pôle souffre de n’avoir qu’un seul investisseur spécialisé dans le domaine des sciences de la vie sur son territoire, Go capital. Le grand Ouest manque d’investisseurs dans la santé. Vu le nombre de sociétés et de projets sur le territoire, il nous en faudrait plutôt deux ou trois, comme c’est le cas dans la région Rhône-Alpes. C’est la raison pour laquelle je pense que les quatre réseaux bancaires du territoire (Crédit Agricole, Société Générale, Crédit Mutuel et BNP, NDLR) devraient réfléchir à travailler ensemble pour monter un fonds de 200 M€, qui permettrait d’investir 5 à 10 M€ dans une vingtaine de sociétés. Ce serait un moyen de diversifier les risques et d’accompagner les sociétés dans leur phase de scale-up pour les aider à devenir des ETI.

Attendez-vous également le soutien des collectivités locales ?

Oui, clairement. Nous avons eu un soutien suivi des collectivités régionales et locales depuis 20 ans, mais nous avons été récemment déçus sur un point car nous avions beaucoup travaillé pour faire venir le fonds d’investissement UI, qui a 700 M€ sous gestion dans le domaine de la santé. La Région avait initialement émis des avis favorables pour soutenir son arrivée dans le grand Ouest, mais a finalement choisi à la dernière minute de ne pas y aller. C’est vraiment dommage parce que ce fonds est en train de valider son deuxième tour de table, qui va lui amener autour de 100 M€. Ce sera donc sans nous car les collectivités régionales et locales ne se sont pas positionnées en support de ce fonds d’investissement. C’est une véritable occasion manquée pour nos entreprises.

Quels sont les autres enjeux des entreprises biotech du territoire ?

Il y a évidemment le recrutement. On a un taux de chômage qui ne cesse de baisser dans la région. Il y a donc de plus en plus de concurrence entre les différents secteurs au niveau des emplois. Il faut par conséquent encourager au maximum les reconversions vers notre filière. Cela implique de faire venir des talents d’autres régions en France, voire de l’étranger, pour renforcer nos équipes. Et nécessite de créer sur le territoire les infrastructures nécessaires pour attirer des talents et les accueillir dans les meilleures conditions.

Le deuxième enjeu est de réussir à construire une masse critique. Il y a actuellement sur Nantes Métropole environ 5 000 personnes qui travaillent autour des sciences de la vie. Il faut qu’on passe à 10 000. Et pour ça, le projet de Station S (futur lieu totem de la filière santé situé à côté du futur CHU, NDLR) et le projet de parc industriel, à côté du CHU Laennec, sont des outils clés.

Derniers enjeux : faire en sorte de créer le plus d’interactions possible entre la recherche publique et privée. Et consolider notre réseau pour susciter des rencontres et le partage de connaissances entre acteurs de la santé.

Autour de quels thèmes le pôle de compétitivité doit-il bâtir la médecine de demain ?

Nous avons trois thèmes de prédilection sur lesquels nous mobilisons nos efforts. D’abord tout ce qui est biothérapie (traitement par des organismes vivants ou par des substances provenant d’organismes vivants, NDLR), que ce soit en oncologie, cardiologie ou dans le domaine des maladies infectieuses. Le deuxième thème, ce sont les medtechs, c’est-à-dire tous les dispositifs créés par des entreprises de technologies médicales. Sur ce point, Atlanpole Biotherapies compte de nombreux atouts avec des sociétés comme Newclip, une PME de Basse-Goulaine qui excelle dans le domaine des prothèses.
Il y a enfin tout ce qui concerne la santé digitale, où Nantes est à la pointe avec la présence de nombreux acteurs. À l’image de Doctolib qui pourrait un jour employer 1 000 personnes dans la métropole, ou Octopize, qui a développé une technique d’anonymisation des données.

En quoi peut-on dire que la réindustrialisation du grand Ouest est une réalité dans le domaine de la santé ?

Il y a aujourd’hui dans le domaine industriel des projets d’envergure qui se montent sur le territoire comme celui de Clean Cells, qui a construit à Boufféré un des plus gros centres d’analyse qualité des matériels biologiques pour la pharmacologie. Il y a par ailleurs 12 autres projets financés qui vont se mettre en place petit à petit dans le grand Ouest, avec des sociétés comme Affilogic, une start-up nantaise spécialisée dans les biotechnologies qui relocalise sa production à Carquefou. C’est une indication qu’on passe maintenant à une autre étape, celle de l’industrialisation après la recherche, ce qui est forcément intéressant pour l’avenir de notre filière.

 

Les chiffres 2022 du pôle de compétitivité

  • 198 membres
  • 65 000 emplois dont 6 500 dans le secteur de la R&D
  • 908 projets labellisés depuis l’origine pour un montant d’1,8 Md€
  • 36 événements organisés ou co-organisés dans l’année.

 

[1] Valneva est une société basée à Saint-Herblain spécialisée dans le développement, la production et la commercialisation de vaccins contre des maladies infectieuses.