Méconnue du grand public, la filière électronique regroupe les industries qui concourent à la conception et à la fabrication des systèmes et produits utilisant la technologie électronique. Cela englobe les composants électroniques (semi-conducteurs, résistances…), l’électronique grand public (smartphones, caméras, appareils photo numériques, jeux vidéo, ordinateurs, téléphones fixes…), professionnelle ou industrielle (défense, spatial, aéronautique, télécoms, transports, médical…). La filière fournit aussi les systèmes indispensables aux applications numériques. Première région française de fabrication de cartes électroniques assemblées et d’appareils d’éclairage électrique, les Pays de la Loire se situent au 5e rang national en termes d’emplois dans l’électronique avec 16 500 salariés dans la région pour 171 établissements.
Selon les chiffres de l’Observatoire de l’emploi des Pays de la Loire datant de 2020, l’électronique cœur de métier, qui englobe les entreprises dont l’activité est directement liée à la production d’éléments électroniques, emploie près de 3 422 salariés répartis dans 60 établissements (PME, ETI, grands groupes…) en Loire-Atlantique, et 1 336 salariés en Vendée pour 12 d’établissements. La Sarthe emploie quant à elle 3 593 salariés et la Mayenne 1 524 salariés. Territoire historique de l’électronique, le Maine-et-Loire représente le plus grand bassin d’emploi dans la région avec 6 571 salariés pour 54 établissements, soit 40 % de l’effectif régional.
Derrière ces chiffres, une réalité : la région bénéficie de la présence historique d’acteurs de premier rang (Lacroix, Thales, Sercel…) et d’infrastructures technologiques de pointe. « Le territoire est exceptionnellement riche en matière de mise en œuvre de solutions électroniques, au sens large », confirme David Hériaud, directeur général de Selva, à Vallet.
Preuve qu’il s’agit d’une filière d’avenir, « l’électronique est de plus en plus présente dans notre quotidien (domotique, automobile, vélo…) et elle fait partie des secteurs dits stratégiques reconnus par l’État, poursuit le dirigeant de Selva. D’autre part, la filière est de plus en plus robotisée, ce qui permet aux entreprises régionales de mieux défendre leurs prix de revient par rapport aux pays low cost. L’électronique est enfin un point commun à de nombreux secteurs d’activité tournés vers l’innovation et offre donc de nombreuses perspectives de développement. »
UN ANCRAGE HISTORIQUE DE LA SOUS-TRAITANCE
« Historiquement, la région, et en particulier la Loire-Atlantique et la Vendée, s’est développée depuis les années 1970 grâce à des sociétés qui étaient de fortes consommatrices de solutions électroniques à intégrer dans leurs systèmes », raconte le patron de Selva. À l’image de Sercel à Carquefou, Thales à Cholet ou Atlantic industrie à La Roche-sur-Yon.
LE TERRITOIRE EST EXCEPTIONNELLEMENT RICHE EN MATIÈRE DE MISE EN ŒUVRE DE SOLUTIONS ÉLECTRONIQUES
« Ces acteurs incontournables du paysage historique expliquent à eux seuls le développement de la filière régionale électronique, poursuit David Hériaud. À l’époque, Sercel sait que pour continuer à développer son modèle, elle va devoir faire appel à la sous-traitance pour la robotisation et la fabrication. C’est de cette façon que vont naître Tronico à Saint-Philbert-de-Bouaine (85), Selva dix ans plus tard à Vallet (44) et Stramatel au Cellier. À l’époque, Thales cherchait également des sous-traitants autour de Cholet, ce qui va fortement contribuer au développement régional de la filière. »
DES ACTEURS DE L’INNOVATION CONCENTRÉS AUTOUR D’ANGERS
Les Pays de la Loire abritent un écosystème d’acteurs innovants, principalement concentré sur la métropole d’Angers, qui favorise fortement l’innovation et la collaboration. We Network, premier cluster français de la filière en France, accompagne plus de 200 entreprises, à tous les stades de développement de leurs projets en électronique, internet des objets (IoT) et autour de l’industrie du futur. Le Technocampus électronique d’Angers, créé en 2019 grâce à un investissement de 12 M€, est quant à lui une plateforme technique nationale d’accélération de l’industrie électronique du futur (objets connectés, capteurs intelligents, smart power…) et de ses applications.
UNE LARGE OFFRE DE FORMATIONS MAIS PEU DE CANDIDATS
Avec près de 200 formations initiales et continues allant du CAP au doctorat en passant par les écoles d’ingénieurs type Centrale, Icam ou Polytech, les Pays de la Loire disposent d’un socle de formations permettant le développement des compétences et savoir-faire nécessaires à l’évolution de la filière, en particulier à Nantes, Angers et au Mans. Malgré cela, la filière peine à recruter, ce que confirme David Hériaud, à la tête de Selva : « Le problème n’est pas lié à l’offre de formation, qui est suffisante dans la région, mais bien au manque de candidats car l’électronique souffre d’un déficit d’image. Il va donc falloir travailler sur cet axe en collaboration avec les lycées, car les profils qui nous font le plus défaut actuellement sont ceux des métiers intermédiaires : BEP et BTS électronique. »
UN MARCHÉ EN PLEIN BOOM
À l’heure où la demande mondiale en composants électroniques explose, certains secteurs d’activité, comme l’électrique, sont également en plein boom et font appel à des technologies de composants un peu différentes… « C’est le choix des fabricants de semi-conducteurs d’aller vers ces nouveaux marchés, sans doute avec des marges plus importantes que pour des fabrications plus classiques, où les tarifs ont été usés au fil des années. L’explosion de la demande dans l’électrique explique donc aujourd’hui aussi en partie le boom de consommation de matières premières. D’autre part, il y a une très forte demande actuellement sur le marché de l’électronique personnelle », affirme le dirigeant.
UNE PÉNURIE DE COMPOSANTS PESANTE
Le gros point d’interrogation actuel, c’est l’approvisionnement en composants, notamment en semi-conducteurs, auprès des fabricants. En effet, depuis un peu plus d’un an, l’activité de la filière subit une pénurie de matières premières. Une conséquence de la crise sanitaire qui a entraîné la fermeture de nombreuses usines produisant ces composants. « Cette situation s’explique par le fait qu’aujourd’hui la grande majorité des fabricants de composants sont basés en Asie. L’Europe est un faible consommateur de composants électroniques par rapport à l’Asie et aux États-Unis.
On peut donc s’interroger sur les stratégies de distribution des fabricants… Les marchés asiatiques et américains, pesant bien plus lourd sur le plan financier, sont à mon avis servis avant celui de l’Europe, qui souffre d’être en bout de chaîne », suggère le patron de Selva. « Notre grosse faiblesse sur ce point précis, c’est notre dépendance à l’Asie, confirme Patrick Collet, à la tête de Tronico. Il y a donc un enjeu d’avenir autour de l’autonomie de notre filière. » Face à cette nouvelle donne, les sous-traitants sont contraints de se réorganiser, à l’image de Selva, ou de se diversifier et se tourner vers l’innovation à l’instar de Tronico.
DES PERSPECTIVES COMPLIQUÉES
Sur les perspectives à moyen terme, beaucoup de sous-traitants sont très pessimistes car « 2022 s’annonce encore perturbée ». De quoi donner l’envie à certains fabricants, comme STMicroelectronics, cinquième producteur mondial de semi-conducteurs, de relocaliser en France et en Europe une partie de leur production. Interrogée sur les perspectives de fin de pénurie, la porte-parole du groupe explique que la situation devrait néanmoins « commencer à s’éclaircir au début de l’année 2022. Nous espérons un retour à la normale du marché au premier semestre 2023 ».
Si la relocalisation des fabricants de composants en Europe fait rêver, « elle reste comme pour la mécanique et la plasturgie difficilement envisageable à cause des difficultés d’approvisionnement des matières premières, constate David Hériaud. Bien sûr qu’il nous faudrait davantage de fondeurs en Europe, mais n’oublions pas qu’il faudra toujours que cette matière première soit transformée. Et là encore, il y a un gros chantier avant de réussir à être plus autonomes ».
L’ÉLECTRONIQUE AU CŒUR DE L’INDUSTRIE DU FUTUR
Pour faire de l’électronique une des branches de l’industrie du futur, David Hériaud en est convaincu : « Il faut continuer d’accélérer la robotisation de nos usines industrielles car cela rend l’électronique française plus compétitive. C’est en cours, cela fonctionne. Aujourd’hui, on voit bien qu’avec le plan France relance et le plan Industrie 4.0, nos usines ont été labellisées, ce qui nous offre un accompagnement financier pour moderniser nos outils de production. Ce sont des mesures fortes, qui payent immédiatement. Donc oui à l’électronique dans l’industrie du futur, mais à condition que demain nous soyons plus autonomes dans notre capacité à produire et que l’on trouve la main-d’œuvre nécessaire pour répondre à la demande », conclut le directeur général de Selva.
Qu’est-ce qu’un semi-conducteur ou puce ?
La puce est une sorte de millefeuille technologique. Elle est fabriquée à partir d’une plaquette de silicium, un carré de silicium de quelques millimètres de côté, fragile et très mince. Il est le semi-conducteur à partir duquel sont réalisés 95 % des composants électroniques. Ces puces ou circuits intégrés sont fabriqués dans une salle blanche, ultra-propre, divisée en ateliers. Pendant six à huit semaines, durée moyenne de fabrication, les lots de production vont être déplacés d’atelier en atelier pour subir entre 200 et 300 opérations. Un processus long et complexe qui explique que la production de ces puces ne s’arrête jamais : elle s’effectue 24h/24 et 7j/7.