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« La gouvernance cognitive permet d’éclairer la prise de décision »

Mettre au service de l’entreprise en tant qu’entité morale les techniques habituellement utilisées pour la personne physique afin de prévenir et corriger les dysfonctionnements de l’entreprise, l’aider à mieux se porter, tel est l’enjeu de la gouvernance cognitive. Nathalie Chappey et François Naux, respectivement présidente et DG de Wics¹, société de conseil, formation et recherche spécialisée dans ce domaine, lèvent le voile sur les applications pour les entreprises.

Wics

François Naux et Nathalie Chappey, présidente et DG de Wics. © Wics

Sur quoi la gouvernance cognitive repose-t-elle ?

François Naux : La gouvernance cognitive est en lien avec la prise de décision. Il faut savoir se libérer des liens qui l’entravent. Il est plutôt rare que l’on se pose des questions sur notre manière de prendre des décisions sachant qu’on en prend beaucoup chaque jour. Or, il y a peut-être moins de 1 % de ces décisions qui sont réfléchies, toutes les autres se prenant de manière inconsciente, automatique. Et pour le dirigeant il ne faut pas rater ces décisions-là ! Finalement, la question qui se pose c’est : est-ce que j’utilise correctement ma machine à décider ?

Cela implique de savoir comment fonctionne le cerveau et de quelle manière on peut y faire attention, comme on le fait pour notre cœur ou notre corps. Le socle cognitif qu’on a tous est assis sur trois points importants : quelles sont les connaissances que j’ai acquises et que je peux développer qui vont concourir à améliorer ma prise de décision ? Quel est le comportement que je vais avoir dans la mission que j’exerce ? Et quelles sont les compétences que je vais devoir développer ?

Nathalie Chappey : Cognitif vient de « cognos », la connaissance. C’est tout ce qui se rapporte au fait que le cerveau traite de l’information. De quelles informations le cerveau a-t-il besoin pour prendre ses décisions ? D’informations de type connaissances, de type compétences et de l’ordre du savoir-être, c’est-à-dire comportementales.

Dans quels cadres les entreprises ont-elles intérêt à s’intéresser à la gouvernance cognitive ?

NC : On rencontre surtout des entreprises qui ont des enjeux de transformation de gouvernance importante, dans un cadre soit de transmission familiale, soit d’hyper-croissance avec des croissances externes. Dans ces situations, elles doivent réorganiser tous les cerveaux de l’entreprise pour recréer de la valeur. On ne peut pas se contenter de retravailler sa structure sans être parfaitement au clair de la production de valeur qui va être créée. Il est essentiel de ne pas avoir uniquement un regard économique et financier.

Que faut-il prendre en compte par exemple, qu’est-ce qui pose problème ?

NC : On sait qu’on a des angles morts dans la connaissance, que les décisions sont généralement prises dans l’axe de visibilité. Sauf qu’il peut y avoir un ou plusieurs éléments importants dans ce qu’on ne connaît pas. Notre travail consiste donc à aider les dirigeants à éclairer leurs décisions de la manière la plus large possible.

D’autre part, chaque cerveau a son fonctionnement préféré et cela crée des dysfonctionnements, des pertes d’efficience. On se retrouve alors avec des discussions qui durent des heures et tournent en rond, des réunions sans conclusion, parce que les gens ont du mal à mettre tous les cerveaux dans la même direction afin d’atteindre un but donné. Par exemple, on a eu le cas d’un conseil d’administration réuni pour définir la stratégie à moyen et long terme de l’entreprise. Et c’était très compliqué parce qu’ils n’arrivaient pas à se comprendre entre eux.

FN : Il y avait de l’énervement, des portes ont claqué.

NC : On se retrouvait en fait avec deux forces qui s’opposaient, entre une personne qui était plutôt dans l’analyse des risques et une autre pour laquelle à chaque risque correspondait une solution, ce qui générait des frustrations de part et d’autre. On partait dans une vrille négative.

Comment avez-vous solutionné ce conflit ?

FN : Par le double regard car nous intervenons toujours à deux pour aider nos clients à prendre conscience de ce qui se joue en eux et chez les autres. En leur apportant des clés de lecture à la fois cognitives et entrepreneuriales, on leur permet de mieux interagir.

NC : Le double regard permet de considérer l’entreprise comme une personnalité au-delà de la personne morale. C’est utile aussi dans le cadre d’une cession d’entreprise, où l’on rencontre souvent le cas d’une fusion entre le dirigeant et l’entreprise.

Vous travaillez aussi sur les biais cognitifs ?

NC : Le biais cognitif c’est le fait de prendre un point de vue en fonction de qui on est, notre culture, notre façon de voir le monde. Il en existe beaucoup. Celui que l’on maîtrise le moins par exemple, c’est le fait que le cerveau nous amène à faire des généralisations. Ce qui conduit le dirigeant à prendre des décisions qui concernent toute l’entreprise à partir d’un exemple, sachant que ces décisions peuvent être délétères…

FN : L’objectif est d’inciter le dirigeant à douter. Le doute n’est pas une perte de temps, il permet de se demander si on a la bonne source d’information, si on a bien identifié l’ensemble de la problématique.

NC : On parle beaucoup d’intuition et les chefs d’entreprise s’en servent souvent. Pour autant, elle n’est pas en soi valable. On peut avoir de très mauvaises intuitions !

FN : Notre travail consiste à augmenter la base cognitive de chaque dirigeant ou des instances, quelle que soit la situation dans laquelle ils se trouvent, afin de permettre derrière que la décision stratégique soit prise dans le bon sens.

NC : Et ce qui est génial, c’est que comme notre cerveau est le même dans la vie professionnelle et personnelle, tous les outils que l’on donne permettent d’être appliqués dans les deux !

 

1. Wics pour Work in cognitive system.

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