Couverture du journal du 02/12/2024 Le nouveau magazine

La filière mode durable se tisse à Nantes

À l’occasion des Fashion Green Days, premier salon nantais dédié à la mode responsable, la Métropole, Nantes Saint-Nazaire Développement et la Samoa ont dévoilé plusieurs actions visant à structurer l’écosystème nantais, en manque de visibilité. Cela passera notamment par le lancement du nouveau programme d’incubation, la création d’un concours Jeunes talents et l’arrivée de nouveaux acteurs engagés dans la Cité des Ducs.

La première édition du Green Fashion Days a été l'occasion pour le territoire de faire plusieurs annonces visant à structurer la filière mode durable. ©Vincent Jacques – Samoa

Plusieurs annonces visant à structurer la filière mode durable sur le territoire ont été faites à l'occasion de la première édition des Fashion Green Days à Nantes.©Vincent Jacques – Samoa

Berceau historique de la mode à travers la chaussure, la mode enfantine et de grands noms du luxe et du prêt-à-porter (Eram, Mat de Misaine, Getex, groupe CWF…), les Pays de la Loire sont la deuxième région française de la mode derrière l’Auvergne Rhône-Alpes. La filière emploie 11 900 salariés répartis dans 350 entreprises, soit la 3e de la région en termes d’effectifs.

Si le secteur de la mode emploie 2 100 salariés en Loire-Atlantique (+ 25 % d’effectifs entre 2015 et 2021), « le gros vivier d’entreprises engagées pour une mode éthique, responsable et durable à Nantes manque encore de visibilité, a reconnu d’emblée Francky Trichet, vice-président de Nantes Métropole, lors du point presse des Fashion Green Days, organisés les 16 et 17 novembre dans les halles 1 et 2 du quartier de la Création, sur l’Île de Nantes. D’où l’intérêt d’organiser ce premier salon à Nantes, un événement fondateur et historique pour l’éclosion d’une filière mode responsable. Un moyen de valoriser ce riche écosystème nantais et de poser la singularité de la mode nantaise alliant créativité et innovation à impact sur les plans sociaux et environnementaux. »

“Mode responsable évolution” lancé en 2024

L’élu a ensuite exposé comment la métropole et la Samoa comptaient favoriser la structuration de cette filière. Plusieurs annonces ont ainsi été faites : « Dès 2024, la Samoa va lancer un dispositif spécifique d’incubation et d’accompagnement des acteurs de la mode responsable, “Mode responsable évolution“, pour aller détecter et accompagner des porteurs de projets plutôt matures. Il ciblera en priorité les entreprises qui ont déjà trois ans et nécessitent un accompagnement juridique, une montée en puissance ou du networking. » Mais également celles souhaitant faire évoluer leur modèle. Le programme, ouvert à six entreprises par promotion, s’articulera autour d’ateliers, de sessions de conseils, de coaching individuel, de visites exploratoires et de mises en réseau avec les différentes entreprises suivies par la Samoa.

L’élu Franck Trichet (au centre) a exposé la stratégie déployée par le territoire pour favoriser la structuration de la filière mode durable à Nantes © Vincent Jacques – Samoa

 

Les jeunes talents des quartiers prioritaires à l’honneur

Deuxième annonce faite par Francky Trichet : « Chtiiing !, le prochain festival nantais de la créativité sous toutes ses formes (du 18 au 20 avril 2024, NDLR), mettra à l’honneur la thématique Recréer, avec une focale très importante sur la mode responsable. »

Enfin, « pour aller dénicher, accompagner et servir de tremplin aux jeunes talents créatifs, notamment auprès des publics des quartiers prioritaires, poursuit l’élu, la Samoa va également lancer un concours Jeunes talents courant 2024, qui sera parrainé par le créateur-styliste parisien Sami Nouri ».

Autre signal prouvant que cette filière durable se structure, Nantes attire de plus en plus d’entreprises engagées. Marque de baskets et bagageries écoconçues, équitables et solidaires, N’Go Shoes a vu la jour à Nantes en 2017. La marque a la particularité de faire fabriquer ses baskets à la main au Vietnam par des artisanes locales. Autre exemple : Faguo a choisi en 2019 de déplacer son siège social de Paris à Nantes. Première marque de mode française certifiée entreprise à mission et labellisée B Corp[1], elle compte aujourd’hui 150 collaborateurs dont 60 à Nantes. Nicolas Rohr, son cofondateur, affiche désormais pour objectif « de faire de Nantes le phare de la mode durable et responsable ».

C’est également le cas de Second Sew, une marque arrivée en 2020 dans la Cité des Ducs. Elle propose une alternative aux vêtements neufs pour enfants avec des modèles confectionnés à partir d’anciens linges de maison par des personnes en réinsertion.

Les cofondateurs de La Virgule (de g. à dr.) : Nathan Douillard, Benoît Gourlet et Maxime Labat. ©La Virgule

Les cofondateurs de La Virgule (de g. à dr.) : Nathan Douillard, Benoît Gourlet et Maxime Labat © La Virgule

Des sacs faits à partir d’équipements sportifs en fin de vie

Dernière en date à avoir posé ses valises ou plutôt ses sacs et sacoches dans la métropole, une partie des équipes de La Virgule est hébergée depuis mai par IciLundi au Palace. « Cette start-up incarne parfaitement cette nouvelle génération d’entrepreneurs qui ont le réemploi chevillé au cœur », a ajouté Francky Trichet. Avant de laisser Maxime Labat, cofondateur, présenter le projet : « Nous sommes une marque de sacs à dos et sacoches de vélos upcyclés créée à Lille en 2019. Benoît Gourlet, un des associés qui était ingénieur chez Décathlon, a constaté dans l’industrie textile du sport que les matières extrêmement qualitatives utilisées n’ont aucune solution de fin de vie. Je l’ai moi-même vérifié en équipe de France de planche à voile quand je me préparais aux JO de Rio. À chaque fin de régate, je roulais ma voile. S’il y avait un trou dedans, je la mettais systématiquement à la poubelle, convaincu qu’elle serait recyclée… Ce qui n’était malheureusement pas le cas. Tous les ans, 10 millions de kilos d’équipements sportifs sont ainsi incinérés en France, ce qui fait des Français les plus gros consommateurs d’Europe. Alors étant donné qu’on a tous besoin d’un sac au quotidien, et qu’on continue à en produire des millions à l’autre bout du monde, nous avons décidé de nous attaquer au problème en utilisant la matière première disponible en bas de chez nous. »

Ce sac à dos conçu par La Virgule est fait à partir de toiles de Zodiac pour l’extérieur, de cordes d’escalade, d’anciennes ceintures de sécurité, d’ailes de kitesurf et d’élastiques de musculation © La Virgule

« Plus on grandira, plus on videra les poubelles » 

C’est ainsi que les quatre sportifs ont imaginé un sac à dos fait à partir de toile de Zodiac pour l’extérieur, de cordes d’escalade Pezzl pour les cordons et d’anciennes ceintures de sécurité pour les bretelles. À l’intérieur, les poches sont confectionnées à partir d’ailes de kitesurf et d’élastiques de musculation. Plusieurs modèles sont désormais disponibles, y compris des sacoches de vélo. « On travaille directement avec des marques de sport et d’outdoor pour récupérer les matières en fin de vie :  Patagonia, The North Face, Decathlon, Helly Hansen, F-One, Airbus… », a précisé Nathan Douillard, également cofondateur, avant de revenir sur les raisons de leur arrivée à Nantes : « C’est plus simple pour nous de collecter ici les différentes matières issues du monde nautique à partir desquelles sont fabriqués nos produits. Pour les canots de survie, la collecte se fait sur toute la façade l’Atlantique car ils ne sont pas recyclables. Et pour leur déconstruction, on travaille désormais avec l’Esat de Saint-Sébastien-sur-Loire, où des personnes en situation de handicap découpent la toile des Zodiac  en petits rectangles. Enfin, il faut bien admettre aussi qu’on a été merveilleusement accueillis par Nantes Saint-Nazaire Développement et la Samoa, avec qui on est en train d’écrire la suite de l’aventure. » Effectivement, l’agence de développement économique a aidé la start-up à trouver des bureaux, rencontrer un vaste réseau de nouveaux partenaires, et s’intégrer rapidement dans le tissu nantais.

Prochaine étape pour La Virgule ? « Structurer notre partie commerciale et marketing à Nantes pour accélérer sur le développement de la marque. Car plus on grandira, plus on videra les poubelles ! », conclut Maxime Labat.

 

[1] “B Corp” est une certification octroyée aux sociétés commerciales répondant à des exigences sociétales et environnementales, de gouvernance ainsi que de transparence envers le public.

 

La Virgule en chiffres

• 4 000 sacs vendus chaque année

• 15 tonnes de déchets collectées depuis le lancement

• La marque est référencée dans 10 magasins en France et 30 en Allemagne

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