Vous préférez à l’usage du mot « tourisme », celui de « voyage ». Pourquoi ?
En dix ans, nous avons multiplié par deux la fréquentation du tourisme d’agrément. Nous sommes une destination française du tourisme culturel. Ce qui fait la force de notre proposition, c’est que l’on marche dans la ville, à travers des étonnements, des curiosités. On n’a plus envie de parler de tourisme mais plutôt de voyage, car derrière celui-ci il y a quelque chose de plus noble : la volonté d’encourager des pratiques stimulant la curiosité, la connaissance, la découverte d’une ville. Pas seulement par son patrimoine, mais aussi par la découverte d’installations de créateurs conviés à l’interpréter.
En changeant l’offre vous avez changé la donne et le profil du touriste ?
Au départ, notre mission était de faire venir à Nantes du tourisme d’agrément qui existait peu. On ne s’est alors pas posé beaucoup de questions. On voulait attirer en montrant que cette ville était créative, à défaut d’être une ville de patrimoine extraordinaire. Progressivement, un tourisme « culturel » est venu et on a réussi à donner à Nantes l’image d’une ville à découvrir. On a créé une offre qui correspondait très bien à la situation que l’on vient de vivre avec la pandémie : elle n’obligeait pas à ouvrir des musées, des salles de spectacle. L’an dernier, au mois d’août, nous avons d’ailleurs réussi à avoir autant de touristes que l’année précédente, même si ce n’était pas une clientèle internationale, grâce à cette offre dans l’espace public. Au fil des années la ligne verte s’est agrandie et la proposition nécessitait que Nantes ne soit plus seulement une « city break », mais une ville à découvrir. On s’est dirigé vers une ville à voir, vers un tourisme plus durable. Des touristes nouveaux sont venus à Nantes, il faut continuer.
Va-t-on vers un tourisme plus écoresponsable ?
Quand on propose de rester au moins une semaine à Nantes, avec un pass très avantageux qui sera présenté très bientôt – nous avons des accords avec les hôtels et les transporteurs en permettant de ne pas seulement arriver le mardi matin et repartir le jeudi –, c’est déjà un tourisme plus écoresponsable et plus qualitatif.
Nous voulons aller dans ce sens. Mais avant, nous allons, avec ce colloque en septembre, mener la réflexion que nous n’avions pas assez menée ces dix dernières années car nous étions dans l’action et dans le « toujours plus ». Le confinement et la pandémie nous ont fait revenir sur ce que nous faisions. L’idée est de travailler pendant deux jours avec de grands professionnels venus de pays différents pour faire le tour de ce qu’est le tourisme en Europe. Si on veut améliorer notre offre, il faut passer par cette réflexion.
C’est un message à tous les acteurs du tourisme dans la cité ?
Nous discutons beaucoup avec eux. Nous venons d’avoir un bureau du conseil des acteurs du tourisme : c’est clair que nous allons développer cette réflexion aussi avec eux et leur proposer d’ici le colloque une charte des acteurs du tourisme, pour avoir tous un comportement qui aille dans la même direction.
Quelle est cette direction ?
Montrer que toute une ville est à la recherche d’un tourisme plus vertueux. Quand on dit que l’on préfère le voyage au tourisme, c’est effectivement que l’on préfère des visiteurs qui s’intéressent à l’histoire de la ville, à son patrimoine et aux artistes, un tourisme curieux plutôt qu’un tourisme consommateur.
L’international a-t-il été mis au placard ?
On est loin d’avoir absorbé toutes les possibilités de tourisme dit de proximité, on a encore des façons de le capter, il faut chercher comment. On était partis sur le grand international car, bien évidemment, le tourisme chinois est énorme et peut générer des retombées économiques, mais lesquelles ? Car il est très rapide et ne fait que passer. Et il ne faut pas se concentrer sur Nantes, il y a aussi les « branches » autour, l’estuaire, la Loire en amont, le vignoble, une diversité qui amène des visiteurs très différents et un touriste qui se promène, qui prend le temps de découvrir notre région. On va l’amplifier et on a vraiment de quoi faire, sans être obligés d’aller chercher les Chinois, les Coréens ou les Américains. On l’a fait par mimétisme mais maintenant il faut réfléchir à cette question. Cela ne veut pas dire que nous allons délaisser le tourisme international, mais c’est peut-être aujourd’hui plus intelligent, plus opportun, d’aller chercher un tourisme européen qui peut se rendre à Nantes par le train.
Que voulez-vous tirer de ce colloque ?
Nous allons l’exploiter à nos fins, tirer profit de ses enseignements et proposer certaines règles aux acteurs du tourisme. Ce colloque sera dirigé par le sociologue Jean Viard, cette dimension sociologique étant très importante. J’aimerais aussi élever le débat avec un philosophe pour réfléchir à quoi sert le tourisme. Aujourd’hui, le tourisme de masse c’est bouger, point. À un moment donné cela devient absurde. On peut revenir à une réflexion sur les échanges, sur la façon de découvrir l’autre, d’autres cultures. Nous voulons avoir cette réflexion pour tenter de progresser encore.