Lorsque l’on pénètre dans les ateliers des Machines de l’île à Nantes, ce qui saisit immédiatement le visiteur, c’est l’ambiance sonore qui y règne. Un bruit de chantier qui ramène au passé naval des lieux, les Nefs, auquel se mêle une musique des plus actuelles, au volume destiné à couvrir le travail des techniciens qui s’activent comme autant d’abeilles dans une ruche. Parfaitement à sa place dans cet univers qui est le sien, François Delarozière nous emmène dans son bureau, qui domine cet espace où règnent en maîtres le bois et l’acier et où naissent les créatures fantastiques de la compagnie La Machine.
De prime abord, les origines marseillaises de François Delarozière ne sautent ni aux yeux ni aux oreilles. Il n’a aucune des caractéristiques que l’on prête traditionnellement à l’homme du Sud. Il n’est pas extraverti, ne parle pas fort, n’a pas d’accent chantant. Outre le fait qu’il a quitté sa terre natale depuis plusieurs dizaines d’années, on comprend après avoir passé un peu de temps avec lui, que ce contrepied correspond bien à sa nature profonde. Car l’homme, justement, déteste les cloisons, les cases, les étiquettes. « Aujourd’hui, je ne saurais pas définir qui je suis et je m’en fiche un peu », dit-il d’ailleurs avec ce mélange de flegme et de gentillesse qui le caractérisent.
« On n’est jamais qu’une seule chose et c’est pour ça que je m’intéresse au mouvement », explique-t-il encore. De fait, au fil de la conversation, on apprend que la nature l’inspire tout autant que la ville, qu’il est autant artiste que technicien, mais aussi chef de projet, manager… Tout cela semblant cohabiter en lui dans la plus parfaite harmonie.
« On m’appelait le bulldozer »
Forcément, son enfance et son éducation ne sont pas étrangères à ce qu’il est. Il évoque ainsi une période « totalement heureuse » dans les quartiers nord de Marseille. « J’ai grandi dans les anciennes collines maraîchères, au milieu d’une nature assez sauvage », raconte-t-il. Issu d’une fratrie de quatre enfants, François Delarozière décrit des souvenirs de liberté, des odeurs de garrigue, la lumière particulière du midi, entouré de parents aimants. Un monde « où tout semblait possible » … Une période bénie qui l’a « attaché à la nature et au vivant », souligne-t-il. Et d’évoquer sa « filiation artistico-architecturale ». Son père, menuisier et constructeur, qui fabriquait des accessoires pour que ses enfants jouent aux cowboys, lui a donné « le goût de la matière et du matériau ». Sa mère, directrice de centre social, jouait aussi de sept instruments et peignait.

François Delarozière : « Pour moi, le patrimoine imaginaire est très important. Je trouve que l’on n’y met pas assez les moyens » © Benjamin Lachenal
Dans ce tableau, qui n’est pas sans évoquer l’univers cher à Marcel Pagnol, le jeune François s’épanouit. « J’avais un tempérament un peu brutal, bourru. On m’appelait le bulldozer. Mais en même temps, j’étais très docile, je ne faisais pas de vagues », se souvient celui qui passe déjà beaucoup de temps à dessiner.
À l’école, il suit la pédagogie Freinet [1] « dans des préfabriqués amiantés », relève-t-il au passage. Ce qu’il en retient ? Les cours de poterie, de sculpture… et beaucoup de sport. « Ça n’a pas fait de moi un très bon élève, mais, malgré tout, j’ai réussi à aller jusqu’à un bac agricole », résume-t-il. Deux chemins s’ouvrent alors à lui : poursuivre dans cette voie ou aller aux Beaux-Arts à Marseille. La seconde option l’emporte.
C’est pendant les Beaux-Arts qu’il rencontre une compagnie de théâtre de rue qui le fait « basculer » : Royal de Luxe. On est alors en pleine expl…