Couverture du journal du 19/04/2024 Le nouveau magazine

Changer pour le climat : l’indispensable coopération privé/public

Au-delà des obligations légales imposées par la loi Climat et résilience, les entreprises et les collectivités n’ont pas attendu pour explorer ensemble de nouvelles solutions. En Vendée, des expérimentations volontaires émergent, faisant du territoire un précurseur en matière de transition écologique. Focus sur des mutualisations privé/public réussies.

La Fabrik' à Légumes

© DR

Ouvert en 2019 à Dompierre-sur-Yon (au nord de la Roche-sur-Yon), le Jardin d’affaires est le premier parc d’activités agro-écologique de France. Il accueille une ferme permacole maraîchère (La Fabrik’ à Légumes) produisant des fruits et des légumes bio en circuit court, vendus aux salariés des dix entreprises installées sur la zone. Un projet imaginé par Oryon, l’agence de développement économique de la Roche-sur-Yon et incarné sur le terrain par les entreprises qui s’engagent à maintenir une approche écologique dans leur implantation.

Quand la contrainte devient opportunité

« La loi Zéro artificialisation nette impose aux collectivités de réduire de 50 % leur consommation d’espace d’ici 2030, que ce soit pour l’habitat ou l’activité économique. L’objectif est d’arriver à zéro consommation d’espace supplémentaire à horizon 2050, rappelle Françoise Raynaud, la présidente d’Oryon. Une sobriété foncière qui oblige à repenser notre métier d’aménageur. Le Jardin d’affaires restera notre dernière opération de cette envergure », précise-t-elle. À l’origine, il s’agissait d’une zone agricole non bâtie d’une surface de 57 hectares, dont 11 hectares de zone humide protégée. « Comme il était impossible d’y toucher, nous avons cherché le moyen d’explorer son potentiel productif. L’État nous a autorisé, à titre exceptionnel et expérimental, à déployer le concept de la Fabrik’ à Légumes sur un peu plus d’un hectare ». Elle ajoute : « Trouver le porteur de projet n’a pas été simple. D’abord, parce que la parcelle est relativement petite et surtout, il fallait adhérer à l’esprit « permaculture » : pas de matériel à moteur thermique, pas de produits phytosanitaires, récupération de tous les déchets pour en faire du compost, etc. En parallèle, nous avons rédigé un cahier des charges imposant aux entreprises candidates à l’installation un certain nombre de contraintes. Selon la taille de leur parcelle, elles s’engageaient notamment à créer une oasis naturelle (jardin d’agrément) ou un Jardin d’Eden (renforcé par un jardin potager). Ces dernières pouvant solliciter la Fabrik’ à Légumes pour en assurer la gestion. »

« Le projet nous a plu immédiatement, raconte Christophe Texier, directeur des agences Vendée du groupe Le Roy Logistique, une société de transport logistique implantée localement aux Herbiers et au Jardin d’affaires. Au départ, ce projet d’installation était directement lié à un gros client industriel basé à la Roche-sur-Yon. Notre métier, c’est de stocker et de transporter, par conséquent on consomme du foncier. Mais si on le fait de manière stratégique, en étant proches de la production ou du consommateur, alors on peut devenir vertueux, assure-t-il. Déplacer la plateforme à Dompierre nous a permis d’économiser une fois le tour de la planète en camion par an. Participer, en plus, à une expérience environnementale inédite profitant à tous, c’était doublement gagnant ! » L’entreprise s’est engagée sur la création et l’entretien d’un verger et envisage le développement d’un jardin potager avec l’aide de la Fabrik’ à Légumes. En attendant, une vingtaine de salariés (20 % des effectifs) passent commande par internet auprès du maraîcher pour être livrés chaque jeudi sur site. « On profite des navettes internes entre nos deux plateformes pour organiser des transferts de cagettes aux collaborateurs des Herbiers », ajoute le dirigeant. Le Roy Logistique (42 M€ de CA 2022 en Vendée) étudie un projet d’agrandissement 100 % photovoltaïque avec Oryon, qui pourrait inclure la récupération de l’eau de pluie pour alimenter les réserves du maraîcher. « Il faut savoir que chaque projet est étudié par un bureau d’étude mandaté avant même le dépôt de permis de construire, précise Françoise Raynaud. Par conséquent, les entreprises du Jardin d’affaires doivent obtenir un visa agro-écologique pour s’implanter. La preuve qu’on peut associer écologie et développement économique : l’adhésion a été telle qu’aujourd’hui, la quasi-totalité de la zone a été commercialisée (environ 70 %).»

Un groupe de travail autour de la consigne du verre

Si les citoyens et les entreprises peuvent amorcer des actions pour protéger la planète, lorsque les résultats sont là, les pouvoirs publics doivent les faire changer d’échelle. C’est ainsi que Trivalis, le syndicat départemental chargé du traitement des déchets en Vendée s’est rapproché de « Bout’ à Bout’ », un pionnier du réemploi des emballages alimentaires en verre. Créée à Nantes sous forme associative, Bout’ à Bout’ est devenue en 2021 une SAS qui structure et développe une filière de consignes (collecte, tri, lavage des contenants en verre) en Pays de la Loire.

Trivalis Bout' a bout' consigne verre

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« L’environnement est dans toutes les bouches, dans les médias, analyse Marie-Thérèse Terré, directrice de la communication chez Trivalis. Quand un projet comme celui-ci arrive à nos oreilles, on a envie de rencontrer le porteur (en l’occurrence il s’agit d’une porteuse de projet) et d’imaginer ensemble des synergies pour le département. Nous sommes bien plus qu’une collectivité territoriale en charge du traitement des déchets, ajoute-t-elle. Le syndicat mène des actions de prévention et de communication pour encourager les Vendéens à adopter des comportements plus responsables ». À la suite d’un appel d’offre, Bout’ à Bout’ s’est vu confier, pour trois ans, le déploiement de la bouteille en verre consignée sur le territoire. « Le calcul a été fait par l’Ademe : le réemploi des bouteilles en verre est plus écologique que le recyclage du verre, rapporte Le directrice. À nous de sensibiliser les producteurs et distributeurs vendéens pour qu’ils s’engagent dans cette démarche vertueuse ». Avant même le contrat public, Trivalis a financé 500 premiers casiers pour récupérer les bouteilles. À terme, elle s’engage à participer à l’achat de 3 550 casiers pour des bouteilles de 33 cl et 5 320 casiers pour des 75 cl. Un engagement à la hauteur des ambitions fixées par la collectivité. « Nous visons le déploiement de la consigne dans 500 cafés hôtels restaurants de Vendée, 130 grandes surfaces et 44 drives d’ici la fin 2024. »

Lancée en 2022, la bouteille en verre consignée s’est installée pour l’instant chez une dizaine de producteurs locaux (brasseries, fermes) et plus de 30 distributeurs (Biocoop, bars, épiceries…). « Les grandes surfaces sont bien sûr intéressées pour accélérer l’usage de la bouteille en verre consignée, mais seulement sur les produits qui se vendent en quantité, regrette-t-elle. Une logique de masse compréhensible qui induit un niveau supérieur de négociation. Il est clair que nous n’allons pas discuter avec les fabricants, mais ce genre d’initiative a un effet boule de neige qui favorise les prises de conscience ». Et de conclure : « Pour envisager une rentabilité, un projet comme Bout’ à Bout’ doit nécessairement entrer dans une démarche industrielle. Qui sait ? La collectivité aura peut-être participé à la relance de la filière industrielle de la consigne ? »

Plan climat : La Roche-sur-Yon passe à l’action !

Adopté en septembre 2022, le Plan climat air énergie territorial (PCAET) de l’agglomération de la Roche-sur-Yon s’articule autour de 55 actions réparties en 15 axes d’interventions transversaux. Il s’est fixé trois ambitions principales à horizon 2030 : porter à 28 % la part de production d’énergies renouvelables sur l’ensemble du territoire, réduire les gaz à effet de serre de 22,7 % et réduire la consommation énergétique de 18,6 %. « Ce plan climat est un outil de management de la transition écologique pour la collectivité, explique Anne Aubin-Sicard, première adjointe en charge du développement durable. Un outil partagé et évolutif qui s’inscrit dans une dynamique collective publique/privée. Il a bien sûr nécessité plusieurs phases amont de diagnostics et de concertations, mais qui n’ont pas empêché la proactivité ! »

En effet, certaines actions très concrètes ont été menées avant l’adoption définitive du plan, comme la création d’une recyclerie en 2021 ou l’installation d’une centrale photovoltaïque sur l’ancien site d’enfouissement de Sainte-Anne. « Mise en service en juillet 2022, elle se compose de 11 000 panneaux photovoltaïques, répartis sur 3 ha de terrain, précise l’élue. La production attendue est de 4 700 MWh/an, soit l’équivalent de 950 foyers ou 2 100 habitants ».

Mais l’action la plus engageante reste la station « multi-énergies », permettant de s’approvisionner en gaz naturel, en électricité et en hydrogène vert local, produit par l’entreprise Lhyfe, à Bouin. « La start-up nous a permis d’être un laboratoire in situ de la transition énergétique avec l’introduction dès 2021 d’un bus à hydrogène vert dans notre circuit de transport urbain, déclare-t-elle. 100 % propre, il ne rejette que de l’eau ! » Une initiative prometteuse, récompensée au niveau national et qui porte ses fruits puisqu’un deuxième bus vient d’être mis en circulation au mois de janvier.

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