Couverture du journal du 28/05/2025 Le nouveau magazine

Entretien avec Mathieu Pérou, Chef du Manoir de la Régate : « Ceux qui vous ont formés font partie de vous »

Mathieu Pérou, chef de 28 ans du Manoir de la Régate, situé sur les rives de l’Erdre à Nantes, s’est vu décerner une première étoile du prestigieux Guide Michelin en janvier dernier. Il nous conte, avec une pincée d’humour, ses apprentissages culinaires et ses souvenirs d’enfant terrible…

Mathieu Pérou

Mathieu Pérou © Benjamin Lachenal

Le Manoir de la Régate fait partie d’une longue tradition familiale…

Il y a toujours eu des cuisiniers dans la famille. Mon arrière-grand-mère déjà avait acheté un petit café dont elle a fait une brasserie. Mon père et son frère, mon parrain, ont toujours été dans les bonnes odeurs de fourneaux… Ils ont eu un parcours de cuisinier dans les grandes maisons, à Paris notamment, et ils se sont associés pour acheter le fonds de commerce du Manoir de la Régate en 1995. Au dernier moment, le propriétaire leur a dit que, finalement, il vendait aussi les murs ou rien… Ils ont été voir toute la famille, ont fait un tour de table et c’est la famille qui a cru en ces petits jeunes et a aidé à acheter l’ensemble. Notre aventure du Manoir de la Régate a commencé, j’avais trois ans.

 

À quel moment avez-vous décidé vous aussi de vous engager en cuisine ?

J’avais des gros problèmes de comportement à l’école, je n’étais pas méchant mais plein d’énergie. Mes parents avaient pris des risques financiers et travaillaient beaucoup, c’était sans doute ma manière à moi de dire : j’existe ! Les seules fois ou je ne faisais pas de « c… », c’était quand ils me mettaient en cuisine. Je n’étais pas un prodige, j’avais la taille du plan de travail, ils me donnaient à éplucher les pommes de terre… Il y avait alors sept personnes, avec mon père et mon parrain qui étaient chefs. C’était l’ambiance des vieilles brigades, un peu dure, les « oui chef », les toques, cette ambiance me fascinait, j’avais une grande goule et ça me calmait… Quand j’ai terminé le collège, j’ai choisi la cuisine moi aussi. Je n’avais, c’est sûr, pas le comportement adapté à l’école mais une enseignante a convoqué mes parents pour leur dire que c’était dommage de choisir l’enseignement technologique alors que j’avais de bons résultats… C’est bizarre quand même aujourd’hui on a des personnes qui ont un bac+5 et qui veulent se reconvertir en cuisine, on a du mal à recruter… Il faut laisser les jeunes partir dans les filières qui les intéressent. Je suis parti au lycée des métiers de l’hôtellerie Nicolas Appert à Orvault. Au bout de deux semaines j’ai failli me faire virer. J’avais déjà des bases en cuisine et j’étais avec des élèves qui devaient tout apprendre, je m’ennuyais et j’em… les autres. Heureusement un prof, qui est aujourd’hui chef des travaux, m’a donné ma chance : il m’a proposé de faire des concours et m’a accompagné. C’est un père spirituel pour moi.

Le Manoir de la Régate à Nantes

Le Manoir de la Régate à Nantes © Manoir de la Régate

 

Et vous avez commencé à jouer le jeu ?

J’ai participé au Trophée Jean Rougié à Sarlat (Dordogne), sur le thème de la truffe et du foie gras. J’étais le plus jeune, j’avais 17 ou 18 ans, le jury était composé de gagnants du Bocuse d’or, il y avait seize chefs étoilés… Je suis arrivé troisième. Avec les concours, j’ai appris l’exigence, le dépassement de soi, je me suis be…