Qu’est-ce que la loi Pacte a changé pour les entreprises ?
D’abord, la loi a modifié le Code civil qui dit que, désormais, toute entreprise doit se préoccuper de ses impacts environnementaux et sociétaux. Cela n’est pas contrôlé pour l’instant, mais ça a le mérite d’être écrit noir sur blanc. À l’avenir, pour une action à l’encontre d’une entreprise polluante, cet article pourra être invoqué pour l’impact écologique. Il n’y a pas encore eu de recours sur cet aspect mais il s’agit d’un vrai cap. Avant, l’entreprise c’était faire du profit. Aujourd’hui, c’est faire du profit mais pas au détriment de l’environnement et de la société. Ensuite, sur une base volontaire, une entreprise peut se déclarer entreprise à mission.
Quelle est la différence entre la raison d’être et l’entreprise à mission ?
Il s’agit de deux étages différents de responsabilité. La raison d’être est assez vague et relève de la philosophie. Quand on devient entreprise à mission, on doit adjoindre des objectifs concrets avec des indicateurs, un plan d’action… Cela doit infuser tout le dispositif de l’entreprise. Ensuite, il faut mettre sur pied un comité de mission qui est une sorte de comité de suivi. Il jouera le rôle d’aiguillonneur et sera chargé de contrôler et de challenger l’accomplissement des objectifs fixés. Il existe d’ailleurs un enjeu important dans la constitution de ce comité de mission. C’est un organe de gouvernance pour lequel les entreprises à mission auraient tout intérêt à inclure des personnes extérieures et indépendantes. Les commissaires aux comptes, par exemple, pourraient tout-à-fait avoir un rôle à jouer à ce niveau-là. Une autre structure entre en compte dans le contrôle des entreprises à mission : l’organisme tiers indépendant (OTI) qui rendra un rapport après évaluation de la sincérité et de la fidélité des données analysées.
Qu’est-ce que cet organisme tiers indépendant ?
Il existe déjà pour l’évaluation des déclarations de performances extra-financières, qui est obligatoire pour certaines entreprises. Il s’agit d’un auditeur externe qui respecte les règles du Comité français d’accréditation (Cofrac). La loi Pacte a repris ce dispositif pour le volet entreprises à mission. Aujourd’hui, on attend du Cofrac la confirmation qu’un OTI au titre de la déclaration de performance extra-financière le soit de la même manière pour les entreprises à mission. Mais les grandes lignes sont déjà fixées. Dans ce cadre, les commissaires aux comptes pourront être cet OTI qui vérifiera la sincérité des déclarations et analysera l’imbrication entre les données financières et les données extra-financières.
Comment fonctionnera ce contrôle des entreprises à mission ?
Le législateur a prévu une vérification a posteriori, dix-huit mois après l’établissement du comité de mission. Ce qui peut être surprenant. C’est un peu comme si on vous autorisait à conduire avant d’obtenir votre permis. Les premières missions de contrôle devraient se tenir fin 2021. Ensuite, le contrôle se fera tous les deux ans. Le rôle de l’OTI sera de dire si les données sont honnêtes ou pas, en recourant notamment à des experts externes ou internes, mais le rapport n’aura pas de force contraignante. En revanche, la loi dispose que toute personne qui a un intérêt à l’affaire peut saisir le tribunal afin de demander le retrait de la qualification « entreprise à mission » d’une entreprise qui ne respecte pas ses engagements. Mais, au-delà de la loi, le risque aujourd’hui pour l’entreprise, au vu du niveau de réactivité des réseaux sociaux, réside surtout dans sa réputation. Car le rapport de contrôle sera rendu public.
Par où une entreprise doit-elle commencer pour collecter ces données extra-financières en matière de RSE ?
D’abord, il faut réaliser un état des lieux de ce que la structure a déjà accompli. Souvent, il y a déjà un volet RSE dans une entreprise qui adopte le statut d’entreprise à mission. Ensuite, elle doit se documenter sur les référentiels et labels existants et en choisir un adapté selon son secteur d’activité et la taille de l’entreprise. Ce n’est pas forcément évident car il en existe beaucoup mais c’est important car le label donne un cadre plus strict. Enfin, il faut que les objectifs s’infusent dans toute l’entreprise.
Combien d’entreprises ont adopté ce statut à ce jour ?
À fin 2020, il en existait une centaine sur le plan national dont une cinquantaine avec leur siège en Île-de-France. Pour le périmètre de la CRCC Ouest Atlantique (régions Bretagne, Pays de la Loire, départements des Deux-Sèvres, de la Charente-Maritime et de la Vienne), il y en avait dix dont quatre en Loire-Atlantique (Agence B Side, Connexing, Faguo et LGP Conseil). Plus le groupe Réalités qui vient de se déclarer. C’est plutôt un bon chiffre par rapport aux autres régions. Je n’en ai par exemple pas recensé dans la région grand Est. Cela a démarré doucement, entre le temps de réflexion, l’adoption de nouveaux statuts et la validation en conseil d’administration, mais cela devrait s’accélérer.
Quels sont les principaux défis pour ces entreprises ?
Être à la hauteur des engagements qu’elles prennent. Il y a un enjeu très fort de réussir à mettre en musique cette politique qui peut aller jusqu’à renoncer à certaines activités, à être moins orienté sur les marges et les résultats économiques. Avec des risques de mauvaise lecture de ce qu’est une entreprise à mission comme le montre l’annonce – décriée – d’un plan social chez Danone. Ce n’est pas parce qu’on est une entreprise à mission qu’il faut renoncer à faire du profit. L’entreprise doit continuer de croître. Il sera très intéressant d’observer l’évolution des manières de faire. Pour certains, la RSE était une déception car elle relevait surtout de la communication. Avec ce dispositif, on ne peut plus faire semblant, il faut vraiment s’engager. Reste à voir comment cette nouvelle forme d’entreprise va se diffuser, à quelle vitesse. Si des grands comme Danone font ce choix, cela va obliger les autres à se positionner. Il y aura sûrement un effet d’entraînement.
UNE ASSOCIATION DES ENTREPRISES À MISSION
La Communauté des entreprises à mission entend fédérer les entreprises qui ont adopté ce statut. C’est un espace d’échanges dans lequel elles veulent montrer leur place dans l’économie.