Les commissaires aux comptes sont des observateurs privilégiés de la vie économique. Quel est votre constat sur la conjoncture ?
La situation économique se tend progressivement. Les tribunaux de commerce constatent une hausse des procédures de sauvegarde, et nous-mêmes commençons à déclencher des procédures d’alerte, une pratique que nous avions peu utilisée ces dernières années. Les prochains mois seront cruciaux, notamment pour garantir la continuité d’exploitation des entreprises. Ce sera un enjeu majeur pour la prochaine clôture comptable.
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Missions de durabilité, révision des seuils : est-ce une période particulièrement complexe pour présider la Compagnie ?
Pas nécessairement. Nous avons traversé d’autres périodes de transformation. En 2019, la loi Pacte a significativement modifié les seuils (seuils d’obligation pour les entreprises de nomination des commissaires aux comptes, NDLR), les relevant de 3 à 8 M€. Plus récemment, ils ont à nouveau été ajustés pour tenir compte de l’inflation. Si le risque d’un rehaussement à 15 M€ existe, il me semble faible. Le tissu économique français, le soutien reçu de la part des chefs d’entreprise et le rôle clé des commissaires aux comptes, garants de la confiance dans l’économie, militent contre une telle évolution. Ce débat est, j’ose l’espérer, derrière nous. Le grand défi de 2025 sera l’audit de durabilité.
Justement, où en est la mise en œuvre de la norme CSRD, relative à la publication d’informations en matière de durabilité de la part des entreprises ?
On entend des réticences du côté des dirigeants. Nous comprenons les préoccupations des acteurs économiques. Pour répondre à ces réticences, des ajustements sont en discussion autour de trois axes : réduire le nombre de points de reporting, limiter les secteurs d’activité concernés et instaurer une période transitoire d’un à deux ans, permettant aux entreprises de mieux se préparer.
Par période transitoire, entendez-vous une certaine tolérance dans l’application de la norme ?
Une tolérance, oui, dans le sens où tout ou partie des exigences finales pourraient être assouplies ou reportées. Cela pourrait inclure des allègements ou un calendrier adapté, mais il ne devrait pas y avoir de suppression de la norme ou de rehaussement des seuils. Notre rôle sera d’accompagner les entreprises pour trouver le bon équilibre. Une norme uniforme pour toutes les tailles d’entreprises peut effectivement être perçue comme trop contraignante. Une approche différenciée, une norme « mid-caps », adaptée aux entreprises de taille intermédiaire, est en cours de réflexion.
Quels sont les autres enjeux de votre mandat ?
La directive européenne sur l’audit et les normes ISA (International Standards on Auditing) pourraient remettre en cause les NEP (Normes d’Exercice Professionnel) spécifiques à la réglementation française, car la France est le dernier pays à ne pas appliquer ces normes internationales. À ce stade, nous souhaitons défendre les NEP en les faisant évoluer vers les normes ISA.
Concrètement, quels seraient les impacts pour vos clients ?
Pour les dirigeants et leurs entreprises, cela ne changerait rien directement. En revanche, la méthodologie d’audit serait impactée, avec des ajustements dans nos pratiques, et un risque de remise en cause de la pratique du co-commissariat aux comptes, une singularité française que nous souhaitons conserver.
Fin décembre, quatorze nouveaux commissaires aux comptes ont prêté serment à Angers, tandis qu’en 2024, quarante-deux ont été inscrits à Rennes et huit à Poitiers. Quel est l’état de l’attractivité de votre profession ?
Nous observons une certaine stabilisation, avec un turnover moins marqué dans les équipes. Les profils évoluent également : nous recrutons moins de diplômés d’écoles de commerce et davantage de candidats issus de parcours universitaires. Nous accompagnons vingt-deux stagiaires préparant le certificat d’aptitude aux fonctions de CAC, contre quatre en 2021, preuve que la profession attire toujours. Cela dit, nous devons encore travailler pour améliorer l’image de notre métier, notamment auprès des étudiants et des écoles. Nous organisons plusieurs forums de l’Audit, en partenariat avec les IAE des Rennes, Angers ou encore Poitiers, qui rencontrent un réel succès auprès des jeunes.
Bio express
Âgé de cinquante-deux ans et originaire de Vannes, Guillaume Ronco est commissaire aux comptes (CAC) associé chez EY, où il dirige les activités Audit pour l’Ouest. Après avoir commencé sa carrière en région parisienne, il rejoint EY Nantes en 2000. Engagé dans la CRCC depuis 2016, il en a été vice-président depuis 2022.
Les élus
Élus aux côtés de Guillaume Ronco pour un mandat de quatre ans : Estelle Belloir, Karine Bernard (trésorière) ; Éric Boussion (vice-président) ; Samuel Bricaud ; Sébastien Caillaud ; Benoît du Plessis d’Argentré ; Bruno Freulon ; Laurent Godret ; Estelle Le Bihan ; Michel Le Boucher d’Herouville ; Thomas Le Pors ; Samuel Le Quéré ; Delphine Lefranc ; Rodolphe Masson ; Stéphane Melin (vice-président) ; Audrey Monpas ; Jean-Yves Peron ; Vincent Pierre (secrétaire) ; Gaëlle Piriou ; Philippe Pujo ; Emmanuelle Schier (vice-président).