Couverture du journal du 26/04/2024 Le nouveau magazine

Du concret pour décarboner les achats numériques

Comment décarboner les achats numériques pour qu’ils génèrent moins d’impact ? Retours d’expérience à l’appui, entreprise et collectivité ont dévoilé des actions qu’elles ont déployées dans leur organisation lors d’une table-ronde organisée, le 21 septembre dernier, dans le cadre de la Nantes Digital Week.

Marc Vorburger (à droite), responsable des achats informatiques chez Système U à Carquefou, s’est félicité que «de plus en plus de propriétaires de magasins du réseau demandent à participer à une fresque du climat ». ©IJ

Alors que le numérique représente 2,5 % des émissions carbone en France, une part qui pourrait être multipliée par trois d’ici 2050 selon l’Ademe, la décarbonation du secteur constitue un enjeu aussi bien local que national. Les organisateurs de la 10e édition de la Nantes Digital Week l’ont bien compris puisqu’une table-ronde consacrée aux achats numériques responsables était organisée le 21 septembre à la Connecting Place de la CCI Nantes St-Nazaire.

Quels leviers activer pour placer les achats au centre de la décarbonation via une stratégie numérique responsable ? C’est la question auxquelles ont tenté de répondre Safia D’Ziri, directrice des solutions numériques au Département de Loire-Atlantique, et Marc Vorburger, responsable des achats informatiques chez Système U à Carquefou. « C’est en 2018, date où le Département a commencé à élargir sa politique d’équipement pour répondre aux enjeux de la dématérialisation et de la transition digitale, rembobine Safia D’Ziri. Un bilan carbone a été effectué sur l’ensemble des activités du Département. Y compris les achats numériques. Face aux résultats, l’ambition a été dans un premier temps de stabiliser notre empreinte. »

 

« Carte blanche pour travailler le sujet »

« Il y a quatre ans, on a lancé un programme pour remettre à plat nos différents socles techniques, enchaîne Marc Vorburger, de Système U. Parmi eux, l’aspect numérique responsable a très vite émergé. Ça nous a permis de nous emparer du sujet et la direction m’a donné carte blanche. Aujourd’hui, nous nous appuyons sur un certain nombre d’outils pour toutes nos catégories d’achats. Pour les logiciels, nous avons fait le choix de ne plus les installer sur nos ordinateurs et de privilégier le cloud. Cela nous a permis de fermer des data centers. »

D’autre part, « pour estimer comment chaque fournisseur se positionne autour du numérique responsable », un questionnaire sur le matériel qu’ils utilisent est systématiquement intégré dans les appels d’offres de Système U. « On s’est également penchés sur nos plus gros fournisseurs pour voir où ils en sont en termes d’émissions carbone », poursuit Marc Vorburger.  Et pour poser un cadre à cet engagement, Système U a ajouté des clauses “achats responsables” dans ses contrats-types. « Un autre moyen d’inciter nos fournisseurs à agir », précise Marc Vorburger.

 

« Former la direction à la notion d’achats responsables »

Du côté du Département, la première action a été « de former tous les agents de la direction à la notion d’achats responsables, car elle se retrouve sur l’ensemble de la chaîne de valeurs, poursuit Safia D’Ziri. Nous avons déménagé un data center qui était énergivore et la visio nous a permis d’optimiser le parc automobile des agents. »

Ensuite, le Département a procédé à l’audit de ses fournisseurs. « On ainsi pu déterminer que la part des équipements représente 60 % de notre impact carbone, détaille la directrice des solutions numériques. La priorité est donc d’agir sur nos équipements. Le levier identifié est leur durée de vie. Même si elles étaient déjà importantes, on les a encore rallongées. »

 

La délicate évaluation des fournisseurs

La relation fournisseurs étant au cœur de toute stratégie d’achat, les animateurs ont ensuite questionné les témoins sur leur évaluation en matière d’achats responsables. « C’est un sujet dont ils veulent s’emparer mais ce sont des critères difficiles à évaluer, poursuit Marc Vorburger. On va par exemple prendre en compte la part des personnes sensibilisées à l’éco-conception au sein d’une l’entreprise… Mais il reste compliqué de voir ce que font véritablement nos fournisseurs, a reconnu le responsable des achats numériques. La réalité, c’est qu’on progresse doucement sur cette question et que nos fournisseurs avancent à peu près à la même vitesse que nous. »

Parmi les difficultés majeures rencontrées, le responsable des achats informatiques cite l’obsolescence technique : « On aimerait bien garder nos PC un peu plus longtemps, mais dès qu’un système d’exploitation est mis à jour, nos fournisseurs nous imposent de les changer car cela crée des failles de sécurité. Et là, on a beau être très volontaristes, le numérique responsable perd face à la sécurité ! »

 

« Vérifier qu’on n’est pas victimes de greenwashing »

Face à cette réalité, Système U a décidé d’agir : « Il est essentiel qu’on parle le même langage avec nos fournisseurs. C’est pourquoi on les invite début décembre à une fresque du numérique. L’idée est d’en profiter pour leur faire comprendre nos objectifs et laisser tout ça infuser. Car même si on mène des actions en interne, le véritable enjeu pour diminuer notre impact reste nos fournisseurs. Aujourd’hui, la priorité est de vérifier que ce qu’ils nous proposent est concret et qu’on n’est pas victimes de greenwashing. »

Un point de vue globalement partagé par Safia D’Ziri : « On voit bien que la question du partage du vocabulaire et des enjeux est essentielle. C’est pourquoi on est actuellement dans une démarche de sensibilisation et d’anticipation avec nos fournisseurs. »

 

Un virage bel et bien amorcé

Pour conclure, les témoins ont évoqué les bénéfices de la démarche : « On s’est rendu compte qu’on faisait déjà des achats numériques responsables sans le savoir en souscrivant des extensions de garantie pour faire durer le matériel le plus longtemps possible, termine Marc Vorburger. C’est devenu aujourd’hui un axe de nos appels d’offres pour lisser notre empreinte carbone sur le long terme. »

Passant au peigne fin ses achats, le Département a également eu la bonne surprise de constater que « sur le montant total de nos achats numériques, 54 % sont issus du reconditionné ou à base de matériels recyclés, donc largement au-dessus des exigences de la loi Agec (2021), qui impose 20 % minimum. Pour les entreprises qui nous fournissent, tous ces échanges constituent de l’information sur les nouvelles attentes client, ce qui leur sera bien utile sur de futurs marchés. »