Cynthia et Mickaël covoiturent depuis un an et demi, quatre jours par semaine, jusqu’aux bureaux de Quo Vadis à Carquefou. Arrivé de Saint-Philbert-de-Grand-Lieu, le salarié retrouve sa collègue au Bignon sur une aire de covoiturage. Ils ne sont pas un cas isolé : selon les données fournies par l’Observatoire du covoiturage, la Loire-Atlantique et la Vendée recensaient respectivement, en juillet 2024, 43 778 et 31 661 covoiturages sur leurs territoires. C’est moins que la moyenne habituelle, hors vacances.
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Pionnière de ce dispositif en France grâce aux aides apportées aux covoitureurs, la Région a embarqué en 2021 un certain nombre d’entreprises. Elles sont devenues partenaires de la Région et des trois plateformes Blablacar Daily, Mobicoop et Karos.
« Nous avons dégainé très vite le sujet en 2022 lorsque le prix du carburant s’est envolé, car si c’est le pouvoir d’achat qui nous a poussés à mettre en place ce dispositif, la réflexion initiale date de 2020, époque où nous avons lancé un plan décarbonation », explique Mickaël Onillon, responsable environnement chez le menuisier K.Line (524 M€). Un poste qui ne représente pas forcément le plus gros des émissions de gaz à effet de serre des entreprises, mais qui compte dans la balance, comme le souligne à son tour Pauline Denis-Pineau, responsable RSE chez Quo Vadis (26 M€) : « 1 % du bilan carbone. Ça ne solutionne pas tout, mais c’est très symbolique. » Cette dernière voit le covoiturage en entreprise comme « un service que l’on doit aux salariés. » Parmi les deux cent quatre employés de Carquefou, ils sont vingt-huit à être inscrits sur la plateforme Karos. « Entre le 15 juin 2024, date à laquelle le partenariat débute, et le 18 juillet, nous aurions émis 208 kg de CO2 en moins, avec cent quatre-vingt-cinq trajets », détaille-t-elle en nous lisant les informations reçues de ses interlocuteurs.
Un levier pour booster son recrutement
Une expérimentation qui se traduira par une réussite à condition que les collaborateurs covoiturent toujours un an plus tard. Car c’est bien le temps d’adaptation nécessaire que demande la mise en place d’un tel dispositif au sein d’une entreprise.
Pouvoir d’achat, politique RSE ou moyen de communication interne, les sociétés ont trouvé dans le covoiturage plusieurs intérêts. Ainsi, ce mode de déplacement devient un levier de plus au moment du recrutement. Il peut répondre au problème de mobilité dans les territoires ruraux et s’avère essentiel dans les bassins d’emploi forts dans lesquels embaucher est décrit comme un parcours du combattant. Avec pour conséquence de faire venir la main-d’œuvre de loin. « Le recrutement est forcément un sujet pour nous, alors on cite le covoiturage comme une possible solution », explique Mickaël Onillon. Un argument que minimisent toutefois les entreprises, ne le désignant pas comme « le moteur premier » à sa mise en place. Et pourtant, les plateformes présentes aux événements autour de l’emploi interviennent souvent « en complément des partenaires du recrutement ».
La masse critique, clé pour mutualiser les déplacements
Alors pour rassembler tous les acteurs économiques du territoire, certaines communautés d’agglomération, en parallèle de la Région, ont déployé une offre partenaire avec les plateformes auprès des sociétés intéressées. Terres de Montaigu ou le Pays des Herbiers font ainsi profiter les entreprises d’un reste à charge qui diminue la facture de l’abonnement. Une dépense finalement peu coûteuse pour celles-ci, au vu des avantages qu’elle peut conférer. Pour s’entraider, les sociétés d’une même zone d’activité sont encouragées à s’allier entre elles.
Car de leur côté, les grosses structures, telles que Beneteau, Airbus ou Sodebo, proposent un plus grand nombre de « shift », simplifiant la mutualisation des déplacements. C’est ce que Rayan Kaoutar, au service presse de Blablacar, appelle « la masse critique » corrélée à la taille de l’entreprise et au dynamisme du territoire. C’est l’assurance pour les collaborateurs de trouver plus facilement un pilote ou un passager pour l’accompagner. « Les collectivités ne peuvent pas desservir tous les trajets des employés, notre rôle est donc de remplir les véhicules », rend compte Hugo Brahmi, responsable partenariat France pour la plateforme auprès des collectivités.
En 2025, « se poseront les questions financières »
Combien d’employeurs proposent aujourd’hui ce système à leurs salariés ? Les modes de calcul différent. Le nombre varie entre « 150 employeurs engagés sur le covoiturage » d’après la synthèse 2023 de la Cerema et « 285 entreprises » rien qu’auprès de la plateforme Blablacar Daily.
Pour Julien Bainvel, élu régional en charge des transports, cette expérimentation représente dans tous les cas « un super bilan » un peu plus d’un an avant la fin de la convention. À l’aube de l’année 2025, la Région est en « discussions ». Le sujet est maintenant de savoir si le système de subvention sera reconduit en 2026. « Se poseront les questions financières », souligne l’élu. Sans aides, l’incitation se verrait-elle diminuer ? C’est l’hypothèse que glisse Blablacar Daily, conscient de l’intérêt financier qui pousse les covoitureurs à partager un véhicule. Même retour du côté des employeurs… Alors, des études de retour d’expérience sont en cours. Le covoiturage spontané qui fonctionne sous forme de « stop organisé », grâce à l’utilisation d’une plateforme et la mise en place de « panneaux signalétiques » sur un axe passant domicile-travail ont été soulevés. Les Pays de la Loire continuent de plancher sur ce dossier en cherchant « une complémentarité des modes » qui permettrait de « se passer de la voiture individuelle ». Malgré les avantages, le trajet s’avère encore long.