Ce nouvel écrin, à deux pas de la place Graslin, révèle l’originalité de ce lieu étonnant voulu par le négociant armateur et collectionneur Thomas Dobrée. Le manoir du XVe siècle accueillera, sur 400 m2, les expositions temporaires, tandis que le palais néomédiéval du XIXe siècle présente sur quatre niveaux le parcours muséal. Un parcours parsemé de deux mille cinq cents objets, sélectionnés parmi les cent trente mille que comptent les réserves de cette institution. Le plus connu sans doute, l’écrin funéraire du cœur d’Anne de Bretagne dont le vol a défrayé la chronique en 2018. Le bâtiment des années 1970 signé par l’architecte Ferré, agrandi et rénové, est dédié à l’accueil des visiteurs et des groupes. Il intègre un café et une boutique.
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Une réussite pour l’équipe composée de L’Atelier Novembre (architecte), de l’Atelier Moabi (paysagiste) et des Ateliers Adeline Rispal (scénographe), qui a remporté le concours lancé par le Département de Loire-Atlantique en 2016. L’Atelier Novembre a notamment restructuré l’Hôtel-Dieu de Carpentras (84) pour en faire la bibliothèque-musée Inguimbertine et réalisé le musée du Gévaudan à Mende (48). Il travaille actuellement sur le musée d’Histoire de la ville de Vienne (38).

L’écrin funéraire du cœur d’Anne de Bretagne, l’un des joyaux des collections du Musée Dobrée, est de nouveau visible par le public. Photo Eric Cabanas-IJ
Cinquante-quatre entreprises locales impliquées
Près d’une centaine d’entreprises ont participé au chantier du musée Dobrée, avec pour entreprise générale Bouygues Bâtiment Grand Ouest, qui a sous-traité 75 % de l’activité à cinquante-quatre entreprises locales et régionales pour un montant de travaux de huit millions six cent mille euros. Un écologue est même intervenu sur le site, conduisant notamment à la réfection des cavités prévues par Thomas Dobrée permettant aux martinets noirs de nicher lors de leurs séjours printaniers.
La restauration des toitures du manoir a nécessité le découpage et le cloutage de 27 000 ardoises sur 640 m2 tandis que l’intégralité des 1 620 m2 de la couverture en tuiles du Palais Dobrée a été refaite. Le tout nécessitant plus de trois mois de travail aux équipes de l’entreprise Raimond, basée à Saint-Julien-de-Concelles. La cheminée dite de Rochebrune a été démontée pour être replacée d’un étage à un autre, retrouvant la place exigée par Raoul de Rochebrune, auteur d’un legs de plus de mille armes. Un travail d’orfèvre mené de main de maître par l’entreprise Bonnel Loire Océan de Loire-Atlantique. Pour ce vaste chantier, le Département a bénéficié d’une participation financière de la Région des Pays de la Loire de trois millions d’euros et de quatre millions et demi d’euros de l’Etat.
« C’est un projet pour lequel il a fallu beaucoup de persévérance. Il y a eu trois projets, deux ont été abandonnés. On peut regretter ces contretemps mais on peut se dire en même temps que l’on n’aurait pas ce beau projet qui répond aux attentes d’un musée du XXIe siècle. Ce n’est pas le musée d’une ville, il représente tout le département. Au cœur de ce projet muséal, c’est un travail au long cours qui a été mené », rappelle Michel Ménard, président du conseil départemental.
« Ce musée est un musée de collectionneurs, départemental et du XXIe siècle », souligne Julie Pellegrin, directrice de Grand Patrimoine de Loire-Atlantique et du musée Dobrée. « Thomas Dobrée achète en 1861 le terrain avec le manoir de la Touche datant du XVe siècle, rassemble des collections déjà très importantes, et veut construire un nouveau bâtiment à son image, évoquant l’architecture anglo-normande dont est originaire sa famille. Il fait acheter partout en France dans les grandes ventes publiques. Il lègue son musée en 1894 au Département. La Société archéologique de Nantes et de Loire-Atlantique va enrichir les collections de Thomas Dobrée. Différents donateurs continuent à l’enrichir aujourd’hui. 130 ans plus tard nous rouvrons son musée. » Ce musée « savant » a également été voulu « accessible à tous les publics ». « Il débute à l’apparition des hommes dans le territoire de la Loire-Atlantique puis, au fur et à mesure, part vers le rêve des collectionneurs, dans le monde entier », retrace Julie Pellegrin.

L’Atelier Novembre a employé de l’acier Corten rappelant la pierre de schiste du palais Dobrée. Photo Eric Cabanas-IJ
Des touches de Corten
« L’exposition a été voulue chrono thématique », précise de son côté l’architecte Marc Iseppi, architecte associé de l’Atelier Novembre. « À chaque étage, on peut faire une boucle et le visiter séparément. Il faut avoir du souffle et du temps pour visiter tout d’un coup. Nous n’avons pas voulu être trop ostentatoires dans notre intervention. Ce qui est visible est modeste. Mais nous avons signifié cette nouvelle intervention, notamment par l’emploi de l’acier Corten qui agit comme un fil conducteur, que l’on retrouve sur l’extension de l’accueil, dans le patio de sortie et qui fait un lien entre les bâtiments. On retrouve la colorimétrie du Corten dans la pierre de schiste du palais et dans les panneaux du bâtiment Ferré. Nous avons unifié le site, l’avons simplifié et surtout rendu accessible à tout le monde en gardant la particularité de chaque bâtiment dans une cohérence d’ensemble. »
La Ville a accompagné cette rénovation par un aménagement piéton des abords et avec l’installation d’une aire de jeux très originale pour enfants, en clin d’œil à la tour du palais Dobrée.