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Coronavirus. Nouvelle donne pour les actes notariés

Même s'ils ont fermé leurs études au public, les notaires poursuivent leur activité, en télétravail et en visioconférence. Face au blocage des transactions immobilières, un décret publié le 3 avril permet d'établir un acte notarié sur support électronique pendant l'état d'urgence sanitaire.

Damien Ruaud est président du Conseil régional des notaires. Photo CRN

La France n’est pas à l’arrêt. Tous les secteurs de la vie économique doivent poursuivre leurs activités, même en mode dégradé, dans toute la mesure du possible et dans le respect des prescriptions sanitaires » : le message adressé le 1er avril à tous les notaires de France par Jean-François Humbert, président du Conseil supérieur du notariat, vise tant que faire se peut à maintenir à flot un secteur lié à l’économie. Les activités des notaires sont directement sous le coup d’ordonnances dont la portée bouscule différents délais légaux et réglementaires. Les transactions immobilières et de nombreux contrats s’en trouvaient impactés, reportés ou suspendus. La FNAIM estime  ainsi à 100 000 le nombre de transactions bloquées depuis le début du confinement.

Le recueil du consentement

« Le Conseil supérieur du notariat a travaillé en urgence avec la Chancellerie pour mettre en place, en cette période 
de confinement, une procédure de signature des actes par comparution à distance. On a peut-être l’impression que nous n’allons pas assez vite à l’ère du numérique, mais c’est parce que nous protégeons les contrats. La validité du consentement fait la force de l’authenticité », rappelle Me Damien Ruaud président du Conseil régional des notaires. Ce travail a abouti à un décret validé par le ministère de la Justice et le Conseil d’État : « Jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire, le notaire instrumentaire peut, par dérogation au décret du 26 novembre 1971, établir un acte notarié sur support électronique lorsqu’une ou toutes les parties ou toute autre personne concourant à l’acte ne sont ni présentes ni représentées. » Ainsi, « le recueil du consentement s’effectue au moyen 
d’un système de communication et de transmission de 
l’information garantissant l’identification des parties, l’inté­grité et la confidentialité du contenu et agréé par le Conseil supérieur du notariat ». 

Problème : seuls 40% des offices notariaux sont dotés d’installations de visioconférences sécurisées dont la mise en place 
a débuté il y a seulement 18 mois. Un équipement qui nécessite un investissement d’environ 5 000 € pour chaque étude. Le président du Conseil supérieur du notariat demande donc aux notaires de faire preuve d’un maximum de confraternité, en incitant ceux qui sont équipés en visioconférence et TIC à ouvrir leurs études et à mettre leurs équipements à disposition de leurs confrères pour les actes authentiques par comparution à distance.

L’ordonnance du 25  mars instituant l’état d’urgence sanitaire a également mis en place des reports d’échéances. « Elle traite des délais légaux. Il en est ainsi de toutes les réponses attendues des institutions, comme les délais de préemption des collectivités et des Safer (Sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural). Les délais sont reportés à un mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire, soit le 25 mai, donc le 25 juin. Il en est ainsi également du délai légal de préemption du locataire, qui repartira de zéro pour deux mois à partir du 25 juin », précise Me Damien Ruaud. Les collectivités devront jouer le jeu. 

« Le cas de force majeure »

Ce contexte soulève de nombreuses interrogations. La signature définitive des transactions immobilières prévues durant cet état d’urgence sanitaire se retrouve reportée. « L’ordonnance ne traite pas des délais conventionnels établis entre les parties. Mais on est tributaire de tous les délais légaux. La signature définitive est d’office reportée puisqu’elle est dans tous les cas soumise à la résolution de la condition suspensive d’obtention des documents et des réponses des institutions », note Me Ruaud. Ce qui laisse une porte ouverte à la renonciation à signer pour certains, jouant sur le « cas de force majeure ».  Le nombre de contentieux risque de monter en flèche au tribunal s’il n’y a pas d’accord entre les parties. « C’est une époque où il faut faire attention à garder le socle de nos relations juridiques : l’équilibre du consentement, du contrat, en protégeant les parties », rappelle le président du Conseil régional des notaires.

Les dossiers du droit de la famille peuvent encore être instruits et les successions ouvertes, soumises toutefois aux réponses des établissements bancaires et des caisses de retraite.

Une évolution des comportements 

Me Damien Ruaud constate en cette période une évolution des comportements : « Cet événement, au niveau sociétal, a fait beaucoup réfléchir les gens. Il y a de la compréhension. Il y a de l’inquiétude, mais il y a moins d’agression, de stress qu’avant. Il y a un certain calme dans les attitudes. Nous sommes une profession qui prend le stress des gens car ceux-ci signent chez nous des dossiers importants pour leur vie : l’achat d’un premier logement, un déménagement car ils changent d’emploi, un emprunt pour une société, une succession 
avec transmission de patrimoine. Souvent nos collaborateurs subissent directement ce stress. Et nous notons également déjà une réflexion sur les modes et les usages. Certains réfléchissent de plus en plus au télétravail de manière plus pérenne, ce qui va engendrer des changements, notamment dans le choix géographique de la résidence. De toute façon cela va modifier quelque chose. » 

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