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5G à Nantes : le débat public est lancé

Le débat sur la 5G, prévu en deux temps, a terminé sa première phase préparatoire. Nantes métropole a lancé sa phase publique. Le but n’est pas d’empêcher son déploiement, impossible, mais de « créer une stratégie du numérique responsable ». Quelle place pour les entreprises ?

5G Nantes

© iStock

Le réseau 5G est prêt à être allumé à Nantes. Trois antennes 4G+ sont déjà utilisées pour des mesures. Au total, une cinquantaine doivent servir au nouveau haut débit. Les opérateurs ont défini un calendrier de déploiement avec l’État sur l’ensemble du territoire national. Et plusieurs villes telles que Angers, Bordeaux ou Marseille l’utilisent déjà, parfois contre l’avis de la municipalité.

À Nantes, le choix a été fait d’un moratoire, le temps pour la population de s’approprier les enjeux et, à terme, de mieux réguler les questions numériques. Les opérateurs jouent le jeu.

« DIALOGUER AVEC LES OPÉRATEURS »

Nantes métropole, tout comme d’autres villes réfractaires, n’avait pas apprécié d’être mise devant le fait accompli, sans concertation nationale préalable. « Les collectivités ont été ignorées, déplore Francky Trichet, vice-président de la Métropole en charge de l’Innovation et du numérique. Nous voulons choisir plutôt que subir et nous sommes arrivés à un consensus d’organiser ce débat pour aller au-delà du pour et du contre, sur un principe de neutralité. »

Autre objectif pour la municipalité : mieux réguler à l’avenir le déploiement des antennes. Certes, une Charte de la téléphonie mobile avait déjà été adoptée par la Ville en 2013, mais la mairie entend aller plus loin. « Cette Charte a une vision mono-opérateur, expose Francky Trichet. Nous voulons aller vers une mutualisation des opérateurs afin de ne pas multiplier les antennes sur les édifices, réduire les nuisances visuelles ou encore économiser sur les installations et l’entretien… » Paris, de son côté, vient de trouver un accord pour « une meilleure transparence » sur l’installation des pylônes et la garantie « d’optimiser le recyclage des équipements de téléphonie ».

« J’ai les quatre opérateurs régulièrement au téléphone, individuellement mais aussi en réunion à quatre. Je crois aux vertus du dialogue et aujourd’hui, nous avons aussi créé un espace d’échanges avec eux, sujet par sujet, pour qu’ils se sentent écoutés. C’est sans doute ce qui a permis qu’ils ne passent pas en force comme dans d’autres villes. » Francky Trichet co-préside par ailleurs la Commission numérique commune aux associations de maires France urbaine, l’Assemblée des Communautés de France et les Interconnectés : « Nous entendons porter ce principe de mutualisation au niveau national. » Des travaux sont déjà engagés avec Rennes, Toulouse, Strasbourg ou encore Paris. « C’est important de se saisir de ces questions car on évoque déjà des études sur la 6G au niveau de l’UE. »

La philosophie de Nantes métropole ? L’élaboration d’une stratégie numérique responsable qui prenne en compte « le volet écologique, la question de la sobriété énergétique et des usages ou encore la lutte contre les inégalités femmes/hommes dans ce secteur ». Nantes métropole a ainsi déjà établi une Charte de la donnée métropolitaine en 2019. « Le numérique a pris une assise politique. Il ne s’agit plus uniquement d’une question technique. Chacun peut constater à quel point il impacte tous les pans de notre vie. Du coup, personne ne dit qu’il n’y a pas besoin d’en débattre, c’est une évidence. »

« UNE HYGIÈNE DE LA CONNAISSANCE » POUR LES ENTREPRISES

Lionel FOURNIER, président de DRO

Lionel FOURNIER, Président de DRO © Benjamin Lachenal

La phase préparatoire, pilotée, comme le reste de l’opération, par le think tank Fing, s’est donc tenue en janvier. Lionel Fournier, en tant que président de l’association Dirigeants Responsables de l’Ouest y a pris part : « Ce fut un travail intéressant, bien que réalisé à distance malheureusement. Cela a permis de percevoir la complexité du sujet, avec des points de vue très éloignés les uns des autres. J’ai été surpris de voir le nombre de personnes intéressées par cette question, ainsi que le niveau pointu des connaissances en la matière sur notre territoire. » Lionel Fournier reconnaît avoir eu plusieurs questionnements en amont : « On parle beaucoup de ce que la 5G pourra apporter en termes d’usage, notamment sur la chirurgie à distance. Mais je n’ai toujours pas compris pourquoi ce réseau était nécessaire. Surtout, c’est un argument qui était déjà utilisé auparavant pour développer les autres débits, la 3G puis la 4G. Cette utilisation des mêmes arguments interroge », déclare celui qui se dit sceptique quant à cette idée de chirurgie à distance qui « dévalorise les compétences locales ». De même pour les objets connectés : « On a du mal à savoir ce que cela va apporter pour nos entreprises. Je le comprends bien pour les géants du numérique, ceux qui sont dans les jeux vidéo ou les réseaux sociaux, mais pour l’industrie par exemple c’est plus flou. Peut-être que les industriels savent mais ça n’est pas si évident. En tout cas personne n’en parle à DRO. Et j’ai bien aimé avoir à me poser la question. »

« Je ne sais pas du tout si cela va réagir », admet-il. Et d’ajouter : « Moi je suis plutôt comme tout le monde, quand on a des évolutions technologiques qui se développent, je suis preneur. Mais, aujourd’hui, si on n’a pas compris que cela impacte la santé et l’environnement, c’est compliqué… C’est important de se poser les bonnes questions, de l’utilité réelle de ce qui semble indispensable. Ça ne veut pas dire qu’il ne faut pas le faire, mais il ne faut pas le faire comme avant, en se ruant sur la dernière innovation. Il faut aussi analyser ce qu’il y a derrière. Certes, il y a des impacts positifs, mais à quels coûts ? » Et d’ajouter à destination des entreprises : « Si certains dirigeants ont envie de s’exprimer, cela vaut le coup de participer car ça se passe maintenant. La démarche est moderne, d’avancer en toute connaissance de cause, en comprenant les enjeux systémiques. Je parlerais presque d’hygiène de la connaissance, pour dépasser la simple opinion. L’entreprise doit faire un choix éclairé avant de développer de nouvelles activités. Plus on se pose ce type de questions, mieux c’est, dans une démarche d’entreprise responsable. Mais je sais aussi qu’aujourd’hui tout le monde est surchargé et que se concentrer sur de nouvelles visio en soirée n’est pas toujours tentant, on sélectionne… ». La CCI Nantes-St Nazaire a également participé à la phase préparatoire et « remettra une contribution au débat public ». À l’instar de DRO, elle incite les entreprises à y participer sans toutefois prévoir d’organiser d’ateliers sur le sujet.

La conférence inaugurale a eu lieu en visio le 9 mars, 300 personnes l’ont suivie. D’autres débats seront organisés tout au long du mois. Il est possible d’apporter sa contribution par écrit, jusqu’au 27 mars, sur la plateforme en ligne du dialogue citoyen.

LES MODALITÉS DU DÉBAT

Plusieurs cahiers, par thème, sont disponibles en ligne. Il s’agit d’un travail éditorialisé qui rassemble des articles d’experts, des prises de position sur différents volets du débat. La plateforme est ouverte jusqu’au 27 mars. Le 1er avril, les élus prévoient d’en présenter une synthèse. Puis les propositions seront analysées pour une réponse de la collectivité à l’été 2021. Lien vers la plateforme.

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