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[ Dossier ] Vents favorables pour la filière nautique

Après une période d’incertitude liée à la crise sanitaire, la filière nautique ligérienne redémarre pied au plancher depuis un an. Les carnets de commandes débordent, à tel point que certaines entreprises peinent à y répondre. En cause : des problématiques de recrutement et d’approvisionnement. Pour 2022, les perspectives restent prometteuses avec un bon début d’année sur le plan commercial. Néanmoins, les acteurs restent vigilants quant à l’impact de l’inflation.

FILIERE NAUTIQUE

© Shutterstock

Forte de 500 entreprises qui emploient 8 000 salariés pour 1,1 Md€ de chiffre d’affaires, la filière nautique des Pays de la Loire est la deuxième de France après celle de la région PACA. Si les entreprises de services de la région comme Temo ne cessent d’innover et de porter haut les couleurs de la région, les industriels, dont Beneteau, sont champions de l’export. Ils représentent à eux seuls 43 % des ventes de bateaux de plaisance français à l’international. Derrière ces chiffres, une réalité : le nautisme est une filière clé de l’économie ligérienne. Mais comme la grande majorité des secteurs économiques, le nautisme n’a pas été épargné par la crise sanitaire. Les fabricants de bateaux et produits nautiques ont particulièrement souffert de l’annulation des salons, leur principal outil de vente. Néanmoins, les affaires ont repris depuis, comme s’en réjouit Arnaud Ringeard, président du Nautihub, réseau des acteurs du nautisme en Pays de la Loire : « Après une période d’inquiétude en 2020, nous avons été assez rapidement rassurés sur notre niveau d’activité de 2021. La filière est passée d’un hiver de fébrilité commerciale à un printemps de rebond record. 2021 a donc été une année charnière, synonyme de sortie progressive de crise et de retour aux activités nautiques. La très bonne nouvelle, c’est que les clients ont eu envie de se faire plaisir. Là où l’on craignait une récession, il y a eu au contraire un engouement pour toutes les activités nautiques, avec du travail à la clé pour l’ensemble des acteurs. Durant la saison, les touristes ont également montré l’envie de vivre des expériences inédites, d’où le succès de nouvelles activités comme le wingfoil (sport nautique grâce auquel on vole au-dessus de l’eau grâce à une planche munie d’un foil tractée par une aile gonflable, NDLR), ou le développement du stand up paddle qui est encore en phase d’appropriation. »

wingfoil

Les nouvelles activités nautiques sont prisées, à l’image du wing foil qui attire de plus en plus de pratiquants © Shutterstock

LES BATEAUX À MOTEUR ONT LA COTE

Parmi les autres tendances enregistrées, « les plaisanciers s’orientent vers une consommation immédiate de la pratique, poursuit le président du réseau, également à la tête de la CCI Vendée. Ils veulent naviguer rapidement et optent en grande majorité pour des bateaux à moteur. Comme la pratique de la voile mute, nous travaillons en partenariat avec la Ligue régionale pour essayer de favoriser l’arrivée de nouvelles générations pratiquant cette discipline. »

Autre constat effectué par la profession : le vieillissement des propriétaires de bateaux se poursuit, avec un âge moyen de 61 ans selon les études lancées dans la région : « Ça fait des années qu’on y assiste, avec, en parallèle, un renouvellement de génération des plaisanciers. On se penche donc sur la question pour tenter de bien cerner les attentes des jeunes utilisateurs de bateaux ou de produits nautiques. Cela passe par des partenariats avec les bateaux écoles mais également avec les gestionnaires de port pour décrypter les nouvelles tendances en amont et essayer d’y répondre. Un moyen d’offrir à nos entreprises un temps d’avance sur le marché et donc de pouvoir en saisir les opportunités. »

LES CARNETS DE COMMANDES EXPLOSENT

En parlant d’opportunités, ces nouvelles tendances couplées à un fort dynamisme commercial semblent clairement avoir été bénéfiques aux entreprises du secteur en 2021 : « Les industriels et le réseau de distribution de produits nautiques ont vu leur carnet de commandes enfler très fortement, avec une visibilité supérieure à un an pour la majorité d’entre eux et pouvant aller jusqu’à trois ans pour certains. Un phénomène qu’on n’avait pas vu depuis de très nombreuses années. » Cette forte reprise des commandes s’est bien évidemment répercutée sur les chiffres d’affaires des acteurs du secteur. Les entreprises interrogées par le Nautihub affichent en moyenne une croissance de l’ordre de 15 % de leur CA sur l’année 2021. « Une très belle performance dans un contexte à la fois porteur économiquement, mais contraint d’un point de vue approvisionnement et main-d’œuvre », précise Arnaud Ringeard.

DES APPROVISIONNEMENTS COMPLIQUÉS

Car si sur le papier tous les indicateurs semblent au vert, la filière nautique n’est pas pour autant tout à fait à l’abri…

« L’augmentation de la demande couplée à la désorganisation de la chaîne logistique liée à la crise sanitaire ont généré en 2021 des tensions sur les matières premières et les équipements, ce qui a induit une augmentation des prix et des délais de livraison, reconnaît le président du Nautihub. D’autres part, certains composants importés ont manqué à nos constructeurs. Des bateaux sont donc restés bloqués dans leur atelier, en attente de finitions. Permettre à nos entreprises de sécuriser leurs approvisionnements est une priorité car, aujourd’hui, avoir un bon de commande signé avec un prix et une livraison au-delà d’un an peut être destructeur de valeur pour l’entreprise si les coûts de production augmentent dans l’intervalle. Il faut donc accompagner nos entreprises dans le fait de se réapproprier les conséquences de l’inflation pour qu’elle soit moins pénalisantes. »

 

Sables D'Olonne

La région revendique 87 000 navires de plaisance pour 15 000 places de port. Ici, celui des Sables d’Olonne © Shutterstock

Les industriels et le réseau de distribution de produits nautiques ont vu leur carnet de commandes enfler très fortement, avec une visibilité supérieure à un an pour la majorité d’entre eux et pouvant aller jusqu’à trois ans pour certains. Arnaud Ringeard

DES RECRUTEMENTS QUI COINCENT

Avec l’accroissement des carnets de commandes, le besoin de recruter est plus que jamais d’actualité pour la filière : « Avec la pénurie de candidats que nous subissons, attirer des compétences est un enjeu primordial, sans quoi nos entreprises risquent de ne plus pouvoir décoller ou se développer, craint le président du Nautihub. C’est particulièrement vrai pour les services qui, généralement implantés sur le littoral, cumulent difficultés à loger leurs salariés sur la côte et de recrutement. Pour inverser la tendance, il faut aller chercher un maximum de candidats, y compris ceux éloignés de l’emploi. Cela implique de mettre en relation les entreprises qui ont des besoins avec toutes les structures de formation et écoles qui gravitent autour du nautisme. Mais aussi renforcer les parcours de formation et d’aller dans les établissements scolaires pour faire découvrir la richesse de nos métiers. Pour cela, il faut aussi que nos jeunes puissent multiplier les stages d’immersion en entreprises. Un moyen pour eux d’être mieux armés que nos générations précédentes au moment des choix d’orientation. »

Malgré ces difficultés, l’année 2022 a toutefois démarré sur une bonne dynamique commerciale et les perspectives semblent prometteuses pour la filière : « On s’inscrit dans la continuité de 2021, avec les mêmes enjeux et la même dynamique. La nouveauté de 2022, c’est le déclenchement de la guerre en Ukraine, qui a accentué les tensions sur les approvisionnements et généré une augmentation des prix des matières premières. Sur la partie recrutement, l’ensemble de la filière prospecte toujours beaucoup mais cela reste un sujet sur lequel les besoins restent importants. »

UNE TRANSITION ÉCOLOGIQUE PAR L’INNOVATION

Arnaud RINGEARD, Nautihub

Arnaud RINGEARD, président du Nautihub © D. R.

Au-delà des problématiques de recrutements et d’approvisionnement, la filière devra aussi pleinement s’engager dans la transition écologique. « Il est essentiel de renforcer l’accompagnement des entreprises sur ce point, poursuit Arnaud Ringeard, notamment en favorisant l’innovation, pour rendre le nautisme plus vertueux. Cela doit passer par l’utilisation de matériaux et énergies moins impactants, tout en restant dans une équation économique admissible pour l’utilisateur. Le point positif, c’est que du chemin a déjà été parcouru sur cette question : tout ce qui est utilisation de matériaux type «styrène», particulièrement polluants, a déjà beaucoup diminué ces dernières années. La filière de recyclage et de retraitement des bateaux est également en place et financée par les chantiers. Sur l’innovation, un travail de fond est réalisé avec certains partenaires comme les pôles de compétitivité ou l’association Nina. Pour illustration, Squid surfboards – qui a remporté le dernier concours innovation nautisme régional – a par exemple créé à Bretignolles-sur-Mer la première filière de recyclage des planches de surf (lire aussi page 28). Une innovation qui a vocation à faire un tabac. »

SOUTIEN À L’EXPORT ET AUTOMATISATION

Autre priorité du Nautihub : le soutien à l’export, notamment des entreprises de petite taille. « C’est un marché historiquement porteur pour le nautisme puisque les entreprises industrielles de la région y réalisent 80 à 90 % de leur chiffre d’affaires, précise Arnaud Ringeard. Des outils existent pour accompagner tous types d’entreprises : cela va de l’aide pour exposer sur un salon à l’étranger, à la mise à disposition par le réseau CCI d’experts dédiés par pays pour vérifier la viabilité d’un projet à l’international. Des volontaires en entreprise (VIE) peuvent également être financés. Il s’agit de jeunes qui, pour une première expérience, partent prospecter ou suivre une production à l’étranger. »

Enfin, le réseau des acteurs du nautisme a identifié « l’automatisation des tâches comme enjeu central pour la filière pour gagner en productivité. L’amélioration de la robotisation permet de créer des robots plus polyvalents pouvant multiplier les tâches et ainsi être rentabilisés plus rapidement dans une unité industrielle. L’autre objectif est également d’améliorer les conditions de travail, en supprimant par exemple le port de charges lourdes. » Pour favoriser l’exploration et l’assimilation des nouvelles technologies de production, plusieurs leviers sont mis à disposition des entreprises : « Cela va des mises en relation, à la découverte de nouveaux outils innovants en passant par l’apport de matière grise ou de compétences techniques, l’objectif étant que nos entreprises puissent grandir ensemble plus facilement. »

L’année dernière, il y avait de l’envie, mais des contraintes. En 2022, cette envie est toujours là, mais sans aucune contrainte en perspective. » Arnaud Ringeard

UNE SAISON 2022 QUI S’ANNONCE DYNAMIQUE

Pour ce qui est de la saison touristique 2022, « elle a très bien commencé et les entreprises s’attendent à une saison très dynamique. L’autre élément rassurant, c’est que toutes les manifestations nautiques ont repris sans contrainte : les salons spécialisés, les régates, mais également tous les clubs d’activités nautiques. L’année dernière, il y avait de l’envie, mais des contraintes. En 2022, cette envie est toujours là, mais sans aucune contrainte en perspective. Les vents sont donc clairement favorables », conclut Arnaud Ringeard.

 


PREMIER EXPORTATEUR DE BATEAUX DE PLAISANCE

Toujours selon l’étude sur les retombées économiques du nautisme dans la région, les exportations ligériennes de navires de plaisance représentent près de 43 % de l’ensemble des exportations françaises, ce qui place la région au premier rang des régions exportatrices de l’Hexagone, devant la Nouvelle-Aquitaine et Provence-Alpes-Côte d’Azur.

Pour rester leaders, les entreprises ligériennes investissent de façon significative dans la recherche et le développement : 26 % d’entre elles consacrent ainsi plus de 10 % de leur chiffre d’affaires à la R&D, contre 3 % en moyenne pour l’ensemble des entreprises françaises.

 

87 000 NAVIRES DE PLAISANCE POUR 15 000 PLACES DE PORT

Selon une étude sur les retombées économiques du nautisme en Pays de la Loire réalisée en 2017-2018, la région compte 450 km de côtes en Loire-Atlantique et Vendée pour près de 87 000 navires de plaisance recensés. Les bateaux à moteur représentent 70 % de la flotte régionale, les voiliers 25 % (les bateaux de plus de dix mètres à peine 4 %).

Côté infrastructures, la région revendique 47 ports, dont 36 ports maritimes et 11 fluviaux. Les ports maritimes réalisent un chiffre d’affaires annuel de plus de 20 M€ pour près de 15 000 emplacements, dont 75 % se situent sur des pontons.

Les activités de tourisme et loisirs nautiques, maritimes et fluviales représentent plus de 400 prestataires nautiques pour 24 M€ de chiffre d’affaires par an.

Les industries, commerces et services (400 entreprises) revendiquent quant à eux 1,1 Md€ de chiffre d’affaires.

L’essentiel de l’activité régionale est concentrée dans les deux départements littoraux : 72 % des effectifs sont situés en Vendée, en grande partie chez Beneteau (4 000 salariés), le leader mondial des fabricants de voiliers basé à Saint-Gilles-Croix-de-Vie.

La construction représente 75 % du chiffre d’affaires de la filière. Toutefois, hors Beneteau, les activités de commerce et services sont majoritaires (37 % du CA), suivies des équipementiers (31 %), de la construction (27 %) et enfin la réparation maintenance (5 %).

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