Couverture du journal du 03/05/2024 Le nouveau magazine

Start-up : des financements concentrés sur la transition écologique ?

Depuis un an, les investisseurs dans les start-up sont beaucoup plus frileux. Celles qui interviennent dans la transition énergétique et écologique séduisent plus. Comme le prouvent les témoignages, lors de l’Université Jules Verne du 4 juillet, de Célie Couché, fondatrice et présidente de Bout’ à Bout’, start-up spécialisée dans le réemploi de bouteilles et bocaux en verre ou de Christophe Brunot, cofondateur de Largo, spécialiste du reconditionnement de smartphones et tablettes.

Célie Couché Bout’ à Bout’

Célie Couché, fondatrice et présidente de Bout’ à Bout’. © D.R.

« Pour parvenir à la transition numérique comme écologique, il faut soutenir nos start-up car elles sont sources d’innovation. C’est la raison pour laquelle de plus en plus de grands groupes investissent dans celles-ci. Elles sont sources de croissance et d’innovation. Mais, depuis l’an dernier, l’investissement dans les start-up a ralenti. Il y a beaucoup moins de liquidités. Aujourd’hui, si on ne fait pas d’IA générative, il est difficile, pour les premières levées de fonds, d’aller chercher de l’argent. En France, on s’oriente désormais davantage sur les projets à impact écologique. On est d’ailleurs en train de créer un modèle européen avec les fonds à impact. On a une carte à jouer ! », estime Milad Nouri, CEO de L2C Technologies et vice-président du Medef de Loire-Atlantique.

Économies de la transition écologique

Bout’ à Bout’ est un exemple concret du soutien actuel à la transition écologique. La start-up nantaise fondée par Célie Couché vient de lever 7,3 M€ pour passer à l’échelle industrielle via la construction d’une usine à Carquefou, dans une opération menée par le fonds VitiRev innovation de Demeter, accompagné par Verallia, l’un des leaders mondiaux du contenant en verre, via son entité française. Cette démarche s’est également faite avec la plateforme de financement participatif Lita, Mandarine Gestion, du distributeur LLVD et du spécialiste du conditionnement Jardins de l’Orbrie.

« Nous avons eu un contexte très favorable avec l’augmentation du coût de l’énergie qui a fait flamber les prix des contenant en verre. Cela a été une chance, rendant le réemploi beaucoup plus pertinent et indispensable. La loi Agec nous a également aidés en obligeant à mettre sur le marché 10 % des emballages en réemploi. Nous avons eu la chance d’avoir un marché qui s’ouvre avec de plus en plus d’intérêt des clients, rendant le projet plus attractif aux yeux de nos investisseurs », explique Célie Couché.

Les économies de la transition écologique ont besoin d’importants financements. Pour Christophe Brunot, cofondateur de Largo, si le marché, la filière, les acteurs sont fondamentaux, « l’intervention du législateur est indispensable ». « Si on ne l’a pas, cela devient très compliqué. Des initiatives législatives sont en train de naître dans notre activité avec la nécessité du passeport numérique du mobile répertoriant différentes données. Le législateur a un rôle central sur le lancement de ces nouvelles économies. Les investisseurs ont leur rôle à jouer, mais ils vont devoir prendre leur mal en patience et ne plus attendre des rentabilités à trois ou cinq ans. Les nouveaux modèles dans ces nouvelles filières de transition écologique prennent du temps. Et il y a toujours un décalage entre un marché qui émerge et l’oreille du législateur. Le cadre législatif change pour promouvoir la filière de la seconde main et du réemploi mais aussi pour offrir des produits de qualité au consommateur », prévient Christophe Brunot.

Christophe Brunot Largo

Christophe Brunot, cofondateur de Largo. © D.R.

Le plus difficile reste la phase de création, avec des étapes de levées de fonds ou tours de table dans la vie de la start-up, où l’on distingue pré-seed (amorçage), seed (développement de l’activité), séries A et B (levées de fond pour l’accélération du développement). « Il y a assez peu d’acteurs dans la phase de création », reconnaît Régis Marboeuf, responsable de la filière innovation de Nextinnov chez Banque Populaire grand Ouest. « Mieux vaut un business angel, un entrepreneur confirmé qui peut apporter plus que du cash », conseille de son côté Milad Nouri, lui-même business angel.

Un trou d’air

« Depuis un an, nous notons un problème structurel dans la période de création avec un trou d’air entre le seed et l’arrivée d’un private equity (capital risque). Là où le private equity était prêt à aller sur des tickets de valorisation à 2 M€, il ne l’est plus aujourd’hui. Il veut de la sécurité, comme les banques, ce qui n’est pourtant pas son rôle ! Ces acteurs sécurisent leurs actifs et vont vers des entreprises qui sont valorisées et qui sont déjà en développement en cherchant des tickets à 6 ou 7 M€ de valorisation. Entre les deux, il n’y a plus de candidats à l’investissement. C’est dommage, car il y a des boîtes qui en valent la peine ! On est en train de perdre ce financement intermédiaire. Il y a une cassure entre le seed et le développement de l’entreprise », constate Christophe Brunot, qui donne toutefois un conseil aux potentiels créateurs de start-up : « Oubliez la valorisation, préoccupez-vous d’abord de pérenniser votre business. C’est l’objectif primordial. Ce n’est pas la levée de fonds. D’ailleurs ce n’est pas un métier, “leveur de fonds“. La course aux fonds d’investissement n’est pas l’objectif ! »