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Passe sanitaire : Des conséquences lourdes pour les commerces ?

L’incompréhension et l’inquiétude dominent chez les professionnels de l’hôtellerie-restauration qui voient dans le passe sanitaire une initiative discriminante vis-à-vis de leurs professions.

Catherine QUÉRARD

Catherine QUÉRARD, présidente du GNI grand Ouest © Benjamin Lachenal

« Je suis désabusée ». Catherine Quérard, présidente du GNI (Groupement national des indépendants) grand Ouest, s’est mobilisée contre les conditions de mise en œuvre du passe sanitaire après la déclaration du président de la République, le 12 juillet dernier. Une lettre a été envoyée aux députés de la région, comme un cri d’alerte. « Le secteur des cafés, hôtels, restaurants, discothèques et traiteurs organisateurs de réception sort d’une période de dix mois de fermeture sur les dix-huit derniers mois. Nos entreprises ont répondu présentes à l’ensemble des sollicitations gouvernementales tendant à assurer la sécurité de nos concitoyens en mettant en place les cahiers de rappels, QR codes, affichages, jauges ou distanciation sociale permettant une ouverture coûte que coûte de nos établissements », rappelle-t-elle.

En substance, le message était: « trop, c’est trop ». « Nous n’avons pas à assumer les conséquences matérielles, légales, financières, psychologiques voire physiques je le crains, de choix opérés en absence totale de concertation, tout en laissant planer la possibilité de sanctions à l’encontre des exploitants comme des salariés(…) », pointait la lettre. L’adoption définitive du projet de loi au matin du 26 juillet, même amendé, a confirmé la plupart des craintes. « Le passe sanitaire pose deux questions principales, estime Catherine Quérard. Celle du client, car on peut avoir des doutes sur son degré d’acceptation et de compréhension, comme on avait pu le mesurer avec le masque au début. Et celle des salariés, car l’obligation de se conformer au passe sanitaire ne relève actuellement d’aucun fondement juridique.»

Si certaines demandes ont donc été entendues dans le texte définitif, comme le fait de ne pas devoir licencier un salarié récalcitrant, le sentiment général est celui d’un certain ostracisme par rapport à nombre d’autres ERP (Établissements recevant du public), et particulièrement ceux de la grande distribution.

Une crainte pour la reprise

La décision de contraindre au passe sanitaire également sur les terrasses est de celles qui passent le moins bien. «Si nous pouvons admettre que l’on puisse l’imposer dans les établissements, pourquoi le faire aussi à l’extérieur, où l’on respecte les distances ?», s’insurge ainsi Teddy Robert, président de l’association de commerçants nantais Plein Centre. La perte prévisible de clientèle au cœur de l’été inquiète d’autant plus que la santé des établissements n’est pas au beau fixe. « Nous sommes ouverts, mais la reprise ne s’est pas forcément faite, constate Frédéric de Boulois, président de l’Umih 44, syndicat des restaurateurs et hôteliers, également dirigeant de la brasserie de Stereolux. Hormis sur la côte, dans le centre-ville de Nantes par exemple, nous n’avons pas retrouvé suffisamment d’activité, surtout le midi.»

L’inquiétude se focalise tout autant sur la gestion des salariés. S’imposant, pour eux, à partir du 30 août prochain, l’obligation du passe sanitaire ne laissera pas, selon les professionnels, le temps à tous de se faire vacciner. «Nous avons demandé à l’Agence régionale de santé, avec les autres représentants de la profession, que les salariés soient considérés comme publics prioritaires, explique Teddy Robert. Avec une proposition: fournir des doses de vaccin aux pharmacies en nombre suffisant afin qu’ils puissent se faire vacciner à proximité de leur lieu de travail.» L’ordre des pharmaciens a relayé la demande, pour le moment restée lettre morte. Enfin, autre souci et non des moindres, le passe arrive dans un contexte de pénurie de main d’œuvre bien connu actuellement. «J’ai deux salariés sur sept qui ne sont pas vaccinés, un collègue en a 17 sur 19, constate Frédéric de Boulois.

Certains vont y aller, d’autres vont refuser et risquent de changer de métier…» Pour Catherine Quérard, le rôle de contrôle dévolu aux employeurs risque de laisser des traces. « À l’heure où l’on parle de plus en plus de responsabilité sociétale des entreprises, et de qualité de vie au travail, comment justifier la menace de suspendre un contrat de travail pour non respect du passe sanitaire ?»
Chargé de trancher sur cette question notamment, le Conseil constitutionnel rendra son verdict le 5 août prochain. Très attendu.

Caroline Grimault, directrice du cinéma Katorza « On s’attend à une forte baisse des entrées »

Caroline Grimault

Caroline Grimault © Thierry Butzbach

Imposée depuis le 21 juillet 2021, la mise en place du passe sanitaire dans les salles de spectacle a donné lieu à quelques cafouillages sur la question de la jauge. En l’état actuel des dispositions, il est possible pour les cinémas notamment, en accueillant 49 spectateurs maximum, de ne pas exiger le passe sanitaire à l’entrée. C’est ce que propose le cinéma Katorza à Nantes dont la directrice, Caroline Grimault, ne cache cependant pas son inquiétude pour les mois à venir. «Au 30 août, il est fort probable que la jauge ne soit plus suffisante pour justifier l’absence de passe. Le gouvernement va exclure de fait une partie de la population de l’accès à la culture, notamment les plus jeunes. Pour le moment, nous sommes dans une période calme. Mais la rentrée risque d’être très compliquée.»

Un contrôle chronophage

À l’occasion de la venue de la réalisatrice Julia Ducournau le 22 juillet dernier, dont le film, Titane, a reçu la palme d’or à Cannes, le cinéma a dû expérimenter le contrôle du passe sanitaire, la séance, prévue de longue date, ayant accueilli plus de 300 personnes. «À deux, ce contrôle a pris 40 minutes, constate Caroline Grimault. Le passe aura des incidences en termes d’organisation, mais aussi d’effectifs. Nous ne sommes pas contre la mesure en elle-même, mais les conditions imposées pour son application risquent de décourager à la fois les spectateurs et les salariés. Le personnel qui accueille le public a terminé son parcours vaccinal, mais d’autres salariés non et les centres de vaccination sont saturés. Cela signifie qu’ils devront faire un test toutes les 48 heures…»

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