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Nantes La Cité – « L’Émotion à grand spectacle »

Ouverture 2019-2020 à L’Orchestre National des Pays de Loire

Le songe du berger
11 septembre

Antoine Chéreau, président de l’orchestre ONPL, également premier vice-président du Conseil régional, nous rappelle dans l’édito du programme de la saison que notre phalange et leur chef Pascal Rophé ont visité d’autres salles en Europe et en France cette année. Prendre le large le temps de concerts ou d’accompagnements de productions lyriques, en d’autres pays et pour des publics différents apporte un dépaysement et un enrichissement. Jouer Berlioz, Debussy, Ravel hors les murs déclenche une réflexion légitime certes, mais donner Schubert à Vienne et Beethoven dans toute ville de langue allemande vous rend conscient de votre talent. Talent individuel et talent collectif.
C’est avec un immense plaisir que nous entrons dans cette saison que l’orchestre et son chef nous proposent sous le titre L’émotion à grand spectacle.

Le songe du berger

Le 11 septembre, un seul concert, avec une œuvre du compositeur Michael Jarrell : Le ciel tout à l’heure encore si limpide… soudain se trouble horriblement.

Né en 1958 à Genève, Michael Jarrell est un ancien pensionnaire de la Villa Medici à Rome, ancien résident au festival de Lucerne, à l’Orchestre National de Lyon et au festival de Besançon, actuellement professeur à Hochschule für Musik (composition) de Vienne (Autriche) et en résidence à Nantes.

Le ciel tout à l’heure encore si limpide… Cette composition de 2009 rappelle la légère brise se levant pour acquérir force et exaltation et venir planer sur nous en large nuages obscurs. On remarque que presque tous les opus de Michael Jarrell sont titrés de phrases qui semblent débuter d’imaginaires poèmes jamais achevés, dont la suite des mots se décline par des notes et des mouvements instrumentaux, dont l’auditeur est invité à s’approprier le sens achevé.

Deuxième œuvre au programme : Le concerto pour violoncelle de Robert Schumann. Il sera interprété par Jean Guihen Queyras né à Montréal (Canada) en 1967, ayant débuté en participant à l’Ensemble Inter contemporain. On ne compte pas ses récompenses et l’on apprécie sa virtuosité et sa manière très personnelle de sauter les barrières entre les styles. Il saura faire vibrer et filer cet enchaînement à peine ponctué de trois mouvements « à la file » Allegro, écrit selon la forme sonate avec la mention « pas trop rapide »2 , l’adagio aussi méditatif et chantant qu’un Lied3 avant la reprise du thème principal pour le Vivace, cette fois très enlevé4. Le violoncelle, très détaché par endroit, rejoint l’orchestre en dialogues et jeux fondus qui emportent l’enthousiasme pour cet instrument somptueux et profondément humain. Une pièce de concours, très populaire.

Le concert en seconde partie est consacré à Daphnis et Chloé de Maurice Ravel dont le talent d’orfèvre et la science instrumentale de coloriste pour l’orchestration sont suprêmes et incomparables, juste avec Berlioz.

Daphnis et Chloé, Symphonie Chorégraphique5 commandée par Serge de Diaghilev alors directeur des Ballets Russes vit une carrière symphonique très largement supérieure à celle de Ballet proprement dit. Elle dure environ 55 minutes et s’apparente parfaitement –
en intensité­ et en appel à l’imaginaire – aux fresques post-romantiques du siècle précédent, tout en étant de pure essence française par la variété de ses couleurs, la fluidité de sa texture et l’ampleur de son geste musical.

Le Livret est de Michael Fokine. Il narre une histoire pastorale venue de la Grèce antique telle que l’ont peinte les artistes de la fin du siècle précédent et que Maurice Ravel tient pour rêve et réalité.

Le sujet emprunté vient du roman de Longus6. Fokine présenta ce sujet tout d’abord au théâtre de Saint-Petersbourg, puis s’établissant à Paris, à Sergei Diaghilev

Ravel commence la composition en 19097. La fresque semble immense. Elle est surtout dense et intense sur le plan de la partition et difficile pour l’exécution dansée.

À la fin des répétitions, pour la Danse Générale, les danseurs se dirent rebutés et ne purent exécuter la mesure à 5/4 qu’en scandant Ser/Gei/Dia/Ghi/Lev. L’éditeur Durand dut intervenir auprès de ce dernier pour qu’il n’annule pas la production ! Gabriel Pierné en donna l’interprétation de fragments le 2 avril 1911 aux Concerts Colonne. L’œuvre fut accueillie avec un mélange « de respect et d’hostilité ». 

Enfin, Pierre Monteux monta au pupitre du Châtelet le 8 juin 1912 et le Ballet vit le jour avec Nijinski en Daphnis et Karsavina en Chloé. Les décors étaient de Léon Bakst.

Pascal Rophé nous promet une saison de haut niveau et d’une variété d’inspiration très attractive. La musique contemporaine de qualité aura sa place parmi des œuvres clés du répertoire et des pièces d’autrefois à découvrir. Les solistes sont de tout premier ordre et souvent très jeunes. 

Une dame venue de Pologne, Marzena Diakun, sera la prochaine à monter sur les podiums de l’ONPL les 28 septembre et 1er octobre, ce qui sera le sujet de notre prochaine invitation.

Bonne rentrée avec votre orchestre et ses invités.

Amalthée

1. Titre général de la saison 2019/2020 de l’ONPL.
2. Nicht zu schnell.
3. Mélodie.
4. Sehr lebhaft.
5. Titre donné par Ravel.  Essai biographie dictée à Roland Manuel.
6. IIe siècle après J.C.
7. Ravel à un moment donné se trompa en le faisant remonter à 1907.