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Matthieu Guesné, fondateur et président de Lhyfe : On est les premiers à faire de l’hydrogène propre

Qu’est-ce qui fait le succès d’une entreprise ? Une innovation de rupture ? Son adéquation au marché ? L’audace de son dirigeant ? Les compétences de son équipe ? Créée en 2017, sans salariés il y a encore un an, Lhyfe a connu ces derniers mois une nette accélération… avant un décollage annoncé pour 2021. Rencontre avec son fondateur, Matthieu Guesné, qui garde la tête froide malgré des enjeux colossaux…

Matthieu GUESNÉ FONDATEUR ET PRÉSIDENT DE LHYFE

Matthieu Guesné, Fondateur et Président de Lhyfe © Benjamin Lachenal

Quel a été votre parcours avant Lhyfe ?

Matthieu Guesné : Je suis un ancien du CEA, le Commissariat à l’énergie atomique, où j’étais directeur d’un département. Je dirigeais trois centres de recherche, dont l’un, à Nantes, était dédié aux énergies renouvelables et qui faisait, notamment, des recherches sur les énergies intermittentes. On a fait beaucoup de recherches sur l’hydrogène, en constatant qu’il y avait énormément d’industriels qui investissaient dans les piles à hydrogène, du vélo jusqu’au bateau. Mais quand nous, nous avons essayé d’en acheter quelques centaines de kilos, on s’est rendu compte que c’était extrêmement difficile. L’hydrogène, même gris1, n’est pas disponible dans les territoires car, aujourd’hui, il est essentiellement produit pour les raffineries comme Donges et tous ceux qui ont besoin d’hydrogène sont situés à proximité. Étant très léger, il se transporte mal. Du coup, quand on n’est pas près de ces centres de production, ça devient cher.

 

Quels sont les avantages de l’hydrogène ?

Pour une voiture à hydrogène, par exemple, avec les prix qu’on sortira à l’été prochain, ça représente à peu près le même coût qu’un plein d’essence. Vous avez la même autonomie d’environ 700 km, vous faites le plein à la station-service, donc ça ne change pas les usages, c’est silencieux et ça ne rejette que de l’eau. Et c’est plus confortable à conduire qu’une voiture thermique car c’est beaucoup plus coupleux 2 : vous avez le couple d’une Porsche Carrera ! Pour l’instant, les véhicules sont un peu plus chers, mais avec les baisses de coûts qu’on a connus sur les batteries et les panneaux solaires, on sait calquer cette décroissance de prix sur les piles à combustibles. Le potentiel est gigantesque : on peut baisser son coût de 80% ! Du coup, on peut vraiment amorcer la transition énergétique et c’est génial. Mais pour que ça le soit vraiment, il faut absolument produire l’hydrogène
de façon propre.

 

C’est la problématique principale aujourd’hui : rendre l’hydrogène propre ?

Oui, car il faut de l’énergie pour produire l’hydrogène. Aujourd’hui, quand vous en achetez, vous n’avez pas le choix, elle est produite à partir d’énergies fossiles, fortement émissives de CO2 : la plupart du temps il s’agit de gaz fossile, parfois de pétrole ou de charbon. Or ça n’a pas de sens de prendre du gaz pour faire de l’hydrogène afin de le mettre dans un bus, par exemple, avec une perte de rendement à chaque fois, c’est du gâchis d’énergie. Ça veut dire que, si aujourd’hui on roule avec de l’hydrogène, on fait une bêtise qui est plus polluante que de rouler avec un moteur à essence. Donc, il faut absolument que l’hydrogène soit vert, c’est-à-dire produit à partir d’énergies renouvelables. Et on est les premiers en Europe à faire de l’hydrogène propre.

 

Quel est votre procédé pour produire de l’hydrogène vert ?

On fonctionne par électrolyse : en cassant une molécule d’eau, on obtient deux gaz et on sépare alors l’hydrogène de l’oxygène. Le problème pour les quelques-uns qui font de l’électrolyse de l’eau, c’est qu’ils connectent leur électrolyseur au réseau électrique. Or, c’est comme pour les batteries électriques…