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Logement : « Des mesures d’urgence s’imposent »

Pour le Nantais Loïc Cantin, à la barre de la Fédération nationale de l’immobilier depuis octobre dernier, la crise qui frappe le marché du logement met en péril des entreprises et va entraîner des suppressions d’emplois.

Loïc Cantin Fnaim

Loïc Cantin, président de la Fédération nationale de l’immobilier, demande des mesures pour « changer le paradigme du logement ». © D. R.

On parle de bombe économique à propos de la crise immobilière : êtes-vous d’accord ?

Olivier Klein, ministre délégué à la ville et au logement, a qualifié la question du logement de future « bombe sociale ». Le Conseil national de la refondation (CNR) a rassemblé, dans des groupes de travail, deux cents acteurs du monde de l’immobilier qui ont planché pendant cinq mois pour remettre des propositions. Vingt d’entre elles ont été sélectionnées et devaient être remises le 9 mai et présentées comme mesures d’urgence à adopter pour répondre à la brutalité de la crise. La réunion a été annulée sans explication. Cela a provoqué une vraie colère. Nous avons été six signataires (la FFB, la Fnaim, la FPI, le Pôle habitat FFB, Procivis et l’Unis) d’un courrier adressé au président de la République le 15 mai, pour lequel nous n’avons eu aucune réponse. C’est un manque de reconnaissance des corps intermédiaires et du monde associatif qui s’est mobilisé sur le sujet. La remise des propositions du CNR est prévue le 5 juin prochain, nous verrons l’étendue des propositions, mais nous nous attendons à peu de choses autre qu’un raccommodage de dispositifs déjà existants. Les déclarations récentes de Gabriel Attal laissent présager qu’il y aura un rabotage des mesures fiscales. 

Quel est votre constat ?

Nous avons un gros souci : aujourd’hui, ni le secteur locatif ni celui de l’accession n’est soutenu. Les promoteurs vont souffrir en premier. La commercialisation et la vente de leurs produits sont à l’arrêt, notamment à cause de la hausse des taux d’intérêt. Alors que la France est en panne de construction, a besoin de logements. Il n’y a pas de rotation du parc, car les ménages ne peuvent acheter, donc ils restent locataires. Nous arrivons sur une période de mutations, avec des jeunes cadres et diplômés qui arrivent dans la vie professionnelle et nous n’avons pas de logements à leur proposer. Le parcours résidentiel est brisé et fragilisé. C’est en ce sens que c’est inquiétant. L’urgence est pour ceux qui ne peuvent accéder à la propriété. En 18 mois, nous avons perdu 25 % de nos capacités d’emprunt. C’est énorme.

Les prix baissent-ils ?

Pas dans le neuf car ils sont liés au coût de revient. Dans l’ancien, ils ont déjà commencé à baisser. Le marché de l’immobilier a une certaine inertie dans la nécessité de baisser les prix. Le temps va amener les vendeurs à entrevoir que c’est la seule solution. Nous avons annoncé 10 % de chute de transactions en 2023, soit 150 000 ventes perdues sur un total prévu de 950 000 à un million.

Quel est le moral dans les agences immobilières ?

Les bons professionnels s’en sortent. Nous avons déjà connu des crises. Nous avons des métiers complémentaires avec l’administration de biens et la gestion des copropriétés. La transaction n’est pas la seule activité mais nous commençons à voir, dans des grands réseaux de franchises, des structures fragilisées qui vont fermer la porte. Nous allons avoir de la casse et des fermetures d’agences. Nous sommes à près de 590 redressements judiciaires sur un effectif de 40 000 en une année.

Quels conseils donnez-vous aux professionnels ?

Il faut avoir un langage affirmé et convaincant, d’optimisme, nos marchés ont toujours connu des périodes de ce type. On a toujours su les surmonter, mais il faut les affronter. Je ne peux dire que cela va se rétablir dans six mois. Les taux d’intérêt augmentent, ils peuvent atteindre 6 ou 8 %, on a connu une période similaire en 1973 avec la guerre du Kippour et des tensions internationales, on a fini avec des taux à 18,5 %. Aujourd’hui, nous avons des tensions internationales, une période d’inflation et une hausse du crédit. Les mêmes faits se répètent.

Oui, mais cette crise est conjoncturelle et structurelle !

Elle est structurelle car nous n’avons pas su organiser le marché tel qu’il aurait dû l’être. Nous avons pris des mesures successives de raccommodage de notre politique logement. Nous avons donc un marché très mal organisé. Et la crise conjoncturelle vient frapper avec brutalité l’ensemble du marché. Je pense qu’elle va être plus sévère que celle de 1992.

Et le constat que les collectivités sont de plus en plus enclines à la sobriété dans la construction ?

Sobriété, oui, mais elles ont aussi énormément de difficultés pour lancer les opérations. C’est très compliqué pour un promoteur aujourd’hui. On entend des députés et des ministres dire qu’il faut lutter contre la spéculation foncière. Mais il n’y a pas de spéculation foncière parce qu’il n’y a pas de foncier disponible. Les promoteurs démolissent des pavillons pour construire des immeubles. On n’est pas sur un foncier en abondance. Il y a une politique de conservatisme autour d’un dogme écologique qui est totalement contraire à l’intérêt des ménages et à leurs déplacements. Il faut construire car nous avons une population qui augmente et un nombre de ménages en croissance. C’est une réalité économique que beaucoup de maires ne veulent pas intégrer.

On nous a refusé la mise en œuvre d’évaluation des politiques publiques : il n’y a aucun outil malheureusement. L’intérêt général est de permettre à tous et à chacun d’avoir un toit. L’exclusion concerne aujourd’hui bien plus le logement que le travail. On a une société en pleine mutation : il faut changer complètement de paradigme du logement. Penser autrement. Or, c’est très lourd et très compliqué et il y a plein d’intérêts en jeu.

Et la crise sociale engendrée par la crise de la construction de logement ?

C’est une crise annoncée. Nous avons eu plusieurs avertissements, comme en 2009 avec la crise des subprimes, et après on a vécu dans un certain confort avec des taux d’intérêts bas. Là c’est le coup de massue.

Quelle serait la priorité numéro un ?

Des mesures d’urgence s’imposent. Il faut soutenir la construction neuve, qui va être la première à souffrir. On va avoir des entreprises en danger et des suppressions d’emplois.

 

Pour les notaires, « la demande est là ! »

Le marché immobilier est très fragilisé par un nombre de transactions en nette baisse depuis un an : -34 % à Nantes, -23 % en Loire-Atlantique, -21 % dans la région, alors que l’offre ne peut répondre à la demande de logements. Pour Jean-Charles Veyrac, nouveau président de la Chambre des notaires de Loire-Atlantique, « toutes les métropoles sont concernées ».

« Nous constatons un problème bancaire, de taux d’intérêt et d’octroi de financements. Ce qui explique l’effondrement des volumes de transaction. Mais nous avons une demande toujours très forte. Cela vient impacter très fortement l’activité économique des offices qui seront dans les mois qui viennent fragilisés », note-t-il, évoquant également le manque à gagner pour les collectivités qui perçoivent une part non négligeable de ce qu’on appelle les « frais de notaires ». Les ressources du Département reposant sur ces transactions vont baisser d’autant. Parallèlement, les prix sont en baisse : en trois mois de 2 % pour les maisons et de 0,4 % pour les appartements anciens en Loire-Atlantique, de 5,9 % et 0,8 % à Nantes et de 2 ,7 % et 0,8 % dans sa première couronne.

« Nous attendons de l’État une réaction vive et rapide. Nous sommes dans une région très dynamique, avec des habitants qui continuent à arriver et une demande de logements extrêmement forte qui n’est pas pourvue. Et nous voyons les chiffres de production de logements baisser. C’est dommage, la demande est là », constate-t-il.

« Le problème n’est pas régional. Toutes les métropoles sont concernées. L’État doit trouver des effets de leviers permettant aux banques de continuer d’octroyer des prêts de manière moins rigide et aux promoteurs de construire plus facilement. C’est un enjeu national. »

Pour le notaire, la problématique fondamentale est celle de pouvoir loger les Français : « L’immense majorité des transactions concernent la résidence principale. Nous ne sommes pas dans une bulle spéculative à Nantes. Si les gens ne peuvent se loger correctement, cela va engendrer des tensions sociales. L’État doit comprendre cette question d’accès au logement. »

Jean-Charles Veyrac

Pour Jean-Charles Veyrac, nouveau président de la Chambre des notaires de Loire-Atlantique, « on est à la croisée des chemins ». © D. R.

Tension nantaise croissante

Pour lui, plusieurs facteurs contribuent à accentuer la problématique. « On n’a pas assez construit, c’est ce qui a expliqué l’augmentation des prix. Il faut donc produire plus et accorder des avantages fiscaux aux investisseurs. Il y a aussi le développement d’Airbnb qui a une vocation différente du logement, avec une forme de distorsion de concurrence. »

Sans y être opposé, Jean-Charles Veyrac estime par ailleurs que l’instauration du Zan (Zéro artificialisation nette) va être « un accélérateur de tension du marché ». Et que, comme pour Airbnb, qu’il ne faut pas interdire, « une série de réglages s’imposent ». « Nantes Métropole accueille plus d’habitants qu’elle ne produit de logements. Cela crée inévitablement des déplacements dans la couronne qui, comme un caisson de décompression, accueille les nouveaux habitants depuis dix ans. Avec le Zan, tous les nouveaux PLU vont stopper de manière nette la possibilité de faire de lotissements. On n’aura plus l’effet de zone suburbaine qui calmait la tension nantaise. Cela vaut là encore pour toutes les métropoles françaises qui ont explosé depuis 50 ans. Nous sommes face à une nouvelle France dans laquelle les grandes villes comme Nantes ont un rôle énorme dans l’équilibre du marché immobilier de tout le département. On est à la croisée des chemins. Il faut une grande politique du logement ! », conclut-il.

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