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L’immobilier d’entreprise au bord de la paralysie à Nantes

De l'euphorie à la déprime en trois ans. À Nantes, l'immobilier d'entreprise est passé d'un extrême à l'autre depuis le Covid-19. Désormais en crise, le marché souffre autant de la remontée des taux d’intérêt que de l’évolution des attentes des entreprises, assure le spécialiste du secteur CBRE.

CBRE Michael Barry

Michael Barry, directeur associé chez CBRE. © Pierrick Lieben - IJ

Le marché des bureaux éparpillé façon puzzle. D’après CBRE, géant mondial du conseil en immobilier d’entreprise, la demande placée de locaux s’est élevée à 113 600 m² en 2023 à Nantes, soit une chute de 26 % en un an. Et ce n’est pas fini : le volume mis en vente ou à la location au premier trimestre 2024 – autrement dit, la surface placée – est déjà deux fois moindre qu’il y a un an à la même période !

« Le recul se poursuit de par l’absence de grandes transactions », relève Ségolène Bianchi, la directrice régionale de CBRE. Cette « correction », constatée aussi à l’échelle nationale, s’explique par le retrait des plus grosses entreprises, après une phase active de réorganisation post-Covid, et la réduction de leurs surfaces, télétravail oblige. Le retour en arrière de certains employeurs sur le distanciel pourrait toutefois rouvrir des perspectives. Preuve, pour Ségolène Bianchi, de l’intérêt d’intégrer la « flexibilité » et la « divisibilité » des espaces de travail à tout projet immobilier, de manière à pouvoir les adapter au gré des besoins.

Une anticipation d’autant plus précieuse, que la place nantaise est saturée : seuls 115 400 m² sont disponibles à un an. L’offre est donc tout juste capable d’absorber la demande. Pour ne rien arranger, entre un foncier plus cher, plus rare, et des taux d’intérêt plus élevés, l’investissement s’est évaporé (-38 % en un an) et « le stock neuf à venir est en train de disparaître ».

Résultat, les entreprises temporisent, confortées dans l’attentisme par l’espoir d’un desserrement des conditions de financement à l’été. Mais elles ne décident plus seulement de leurs projets à l’aune du critère financier. L’immobilier est aussi devenu affaire de RH et de RSE, assure CBRE.

L’immobilier, un choix RH

« Aujourd’hui, un salarié vient au bureau pour vivre une expérience : l’entreprise n’est plus the-place-to-work, mais the-place-to-be, illustre Ségolène Bianchi. Pour recruter ou fidéliser, il faut donner envie à ses collaborateurs de venir travailler ! » Dans ces conditions, le centre-ville conserve son pouvoir d’attraction, quand bien même les opportunités y sont très limitées. « Certaines entreprises seraient prêtes à partir vers la périphérie, mais à la condition de pouvoir offrir plus à leur personnel, en termes de services, de transports ou de performance des bâtiments. »

Car l’immeuble participe désormais autant de la marque employeur que de son engagement écologique. Un changement de paradigme encouragé par les réglementations sur la RSE. « Ce mouvement favorise les acquisitions dans le neuf, relève Michael Barry, directeur associé chez CBRE, mais plaide aussi pour la réhabilitation de l’ancien, pratique qui émet, en moyenne, deux fois moins de CO2 par mètre carré que la construction d’un immeuble. »

La reconversion de bâtiments peine pourtant à convaincre : « Le stock de seconde main est en train de gonfler », s’inquiète Ségolène Bianchi. Un défi de plus dans une période qui n’en manque pas.