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Les défis de la filière bois pour valoriser les ressources sans épuiser la forêt

Dans une étude publiée en avril 2025, Solutions & Co analyse la filière bois ligérienne. Malgré un faible taux de boisement, la région dispose d’un écosystème dynamique et structuré. Fragilisés par le changement climatique, mais poussés par la croissance de la demande nationale en produits bois, les acteurs s’organisent tout en assurant la gestion durable de la ressource.

La forêt de Mervent (Vendée).

La forêt de Mervent (Vendée). SIMON BOURCIER

« Avec 411 000 hectares de forêts, soit 13 % du territoire, contre 32 % au niveau national, la région des Pays de la Loire ne figure pas parmi les grandes régions forestières françaises », observe Solutions & Co dans une étude publiée ce mois d’avril. L’agence de développement économique de la région précise par ailleurs qu’il existe « une forte disparité entre les départements : la Sarthe étant par exemple deux fois et demie plus boisée que la Vendée. » Et pourtant, le territoire ligérien abrite un véritable vivier d’entreprises de la filière bois : près de mille quatre cents établissements emploient environ dix-neuf mille salariés, concentrés notamment dans le sud de la Loire-Atlantique, le nord de la Vendée et l’ouest du Maine-et-Loire. Des zones paradoxalement parmi les moins boisées de la région.

Les établissements de la filière bois en Pays de la Loire (10 salariés et plus).

Les établissements de la filière bois en Pays de la Loire (10 salariés et plus). Solutions & Co

Si la forêt ligérienne s’est étendue de 25 % en trente ans, c’est en partie lié à la déprise agricole et à la colonisation de friches par la végétation, souligne Solutions & Co. Majoritairement composé de feuillus (76 %), cet espace est aussi très morcelé : plus de 90 % de la forêt des Pays de la Loire est privée, répartie entre cent vingt-six mille propriétaires dont 92 % possèdent moins de quatre hectares. Seulement 1 % des propriétaires détiennent des forêts de plus de vingt-cinq hectares. « Ce morcellement freine la mobilisation de la ressource », conclut Solutions & Co.

Une filière mobilisée mais sous pression

De la sylviculture à la construction bois, particulièrement bien représentée, en passant par le sciage, l’ameublement ou encore l’énergie, la filière bois ligérienne couvre toute la chaîne de valeur. Porté par un tissu dense d’acteurs, de pôles et de réseaux de référence (Fibois Pays de la Loire, CNPF Bretagne-Pays de la Loire, l’école d’ingénieur ESB, le centre technique FCBA ou encore le Collectif Biosourcé des Pays de la Loire), cet écosystème régional riche et structuré soutient la filière face aux enjeux de la transition écologique, de l’innovation et de la formation. Ensemble, ils s’efforcent d’anticiper ces multiples défis pour pérenniser l’activité.

Le taux de bois en Pays de la Loire et dans les départements de la région.

Le taux de bois en Pays de la Loire et dans les départements de la région. Observatoire des forêts françaises – Solutions & Co

D’un côté, la demande nationale en produits bois ne cesse de croître (+ 18 % d’ici 2050 selon le cabinet de conseil Carbone 4), portée par la transition écologique, la construction bas carbone et la montée en puissance des matériaux biosourcés. De l’autre, la ressource forestière est fragilisée par le changement climatique, les aléas météorologiques, les parasites et les pressions foncières. La forêt doit désormais à la fois capter le carbone, produire du bois d’œuvre (utilisé pour la construction) et répondre à des usages sociétaux de plus en plus variés.

Mobiliser les propriétaires, hiérarchiser les usages

Dans leur ensemble, « les acteurs interrogés déplorent une sous-exploitation de la forêt ligérienne », révèle Solutions & Co dans son enquête. L’un des principaux freins à la mobilisation du bois reste l’identification et la fédération des propriétaires privés. Beaucoup ne gèrent pas activement leurs parcelles, faute d’information, de soutien ou d’intérêt économique. Actualisée en 2023, la charte régionale « Ensemble, mobilisons la forêt pour l’avenir » cherche à construire ce dialogue autour des acteurs forestiers et afin d’y intégrer les enjeux climatiques.

L’autre défi relevé par l’agence régionale sera de veiller à la bonne connexion entre les ressources et les usages pour assurer une utilisation raisonnée et efficace de cette ressource. Cela implique de respecter une bonne hiérarchisation des flux : bois d’œuvre d’abord, pour ses qualités de stockage carbone à long terme ; bois d’industrie ensuite ; et pour terminer, bois énergie, à l’occasion d’éclaircies, de coupes ou de valorisation des rebuts. Cette conduite répond aux orientations de la stratégie nationale bas carbone, dont le scénario de référence a pour objectif de tripler le volume de produits bois à longue durée de vie d’ici à 2050. Cette priorisation du bois est également recommandée par l’Ademe, dans une optique de transition écologique.

Une industrie entre innovation et pénuries

Sur le terrain, des entreprises innovent pour répondre à ces défis. En Vendée, Charpentes Fournier investit 40 millions d’euros dans une usine ultramoderne. Et de son côté, Piveteau Bois (85) a équipé sa scierie d’un scanner à rayon X pour optimiser le sciage. À Nantes, Ardemo valorise des bois de réemploi grâce à un partenariat avec Articonnex.

Malgré ce dynamisme, la filière ligérienne peine à recruter. L’image parfois « rustique » des métiers du bois, la pénibilité du travail en forêt et la concurrence d’autres secteurs davantage rémunérateurs compliquent son attractivité. Malgré une offre de formation de qualité, ce manque de main-d’œuvre qualifiée touche toute la chaîne de production, du bûcheron au cadre en bureau d’études.

Si la filière ligérienne se distingue par une bonne cohésion, les acteurs interrogés soulignent la nécessité d’élargir cette dynamique au-delà de la région et suggèrent notamment une coopération à l’échelle du Grand Ouest (Pays de la Loire, Bretagne, Normandie) pour atteindre son pari.

Face aux incertitudes climatiques, géopolitiques et économiques, les professionnels demandent également une vision stratégique nationale de long terme. Mécanisation adaptée aux forêts locales, transition numérique, meilleur accompagnement des petites structures sur les nouvelles normes européennes sont autant de leviers pour rester compétitif sans sacrifier la durabilité de la ressource. Mobiliser celle-ci par territoire et valoriser le bois sans épuiser la forêt, voilà le cap clair que doit prendre la filière bois ligérienne pour durer et rester attractive.


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