Le grand projet de l’année, c’est le premier parc éolien en mer de France, au large du Pouliguen. Décidé en 2012, avec des discussions engagées dès 2009, il aura fallu dix ans pour le voir démarrer. 80 éoliennes pour une production de 480 MW par an à 12 km de la côte. Les commandes auprès de General Electric, opérateur chargé de construire les turbines, mats et palles des éoliennes, ont été passées à l’été 2019. Les premiers assemblages ont commencé à Saint-Nazaire en avril, pendant le confinement. Et la première nacelle est sortie en septembre. « L’objectif est de terminer la production d’ici à fin 2021, explique Stéven Curet directeur du site de General Electric à Nantes et chargé du plaidoyer pour le financement de l’éolien en mer. On est dans les temps. » La mise en service est prévue pour fin 2022 pour un contrat d’exploitation avec EDF de vingt-cinq ans. « Toute la valeur ajoutée de ces éoliennes réside au niveau du générateur. C’est ce qui est construit à Montoir », expose Stéven Curet. Le reste est construit en Espagne. Parmi les innovations de ces turbines : la digitalisation du contrôle à distance avec les ingénieurs de la société basés à Nantes. « À la différence de l’éolien terrestre, l’éolien en mer comporte des coûts importants pour effectuer la maintenance. Plus le système est numérique est moins cela coûte. Cela permettra de prévoir les pannes bien plus en amont. » Une base de maintenance sera installée à La Turballe avec une trentaine de postes. 20 à 25 embauches sont prévues. Deux CTV (vaisseaux de transport d’équipes) de 26 mètres vont être fabriqués par l’entreprise vendéenne Ocea.
DE L’EMPLOI POUR AU MOINS VINGT-CINQ ANS
Pour ce projet d’ampleur, 380 salariés travaillent sur le site de Montoir-de-Bretagne. 250 personnes ont été embauchées cette année. Une douzaine d’employés ont été détachés par des entreprises de l’aéronautique en difficultés telles Airbus ou Famat pour travailler sur ces éoliennes.
Stéven Curet pointe les difficultés occasionnées par le report du projet. « Heureusement, nous avions des projets à l’export en Allemagne, aux États-Unis et en Chine ainsi qu’un prototype pour du 13 MW. Mais nous nous sommes accrochés car nous voulions être les premiers sur ce projet innovant. Au final, c’est bénéfique car nous allons pérenniser les emplois créés pour les projets à l’export, donc garder nos compétences. » Depuis, GE a signé plusieurs contrats avec le Royaume-Uni et les États-Unis pour 400 éoliennes supplémentaires et plusieurs milliards d’euros pour les quatre à cinq prochaines années, qui seront construites à Montoir et Cherbourg.
Et la suite ? Il n’y a pas eu de nouveaux appels à projet pour l’instant pour ce type de parc. EDF a accepté l’année dernière un projet de 500 MW à Dunkerque. GE compte bien candidater lorsque la sélection du turbinier sera lancée, normalement en 2023. « Nous avons développé de telles technologies, avec un prix de vente du MW sur le marché en baisse, à 44€, ce serait dommage de s’en priver. » La société ne lorgne pas encore sur l’éolien flottant. « C’est un relai de croissance mais pour l’instant on se concentre sur le posé. On verra quand le marché sera plus mature et moins cher. »
25 000 MW D’ICI À 2028
Ce programme en mer a été soutenu par la Région. Les Pays de la Loire s’inscrivent en effet dans le programme pluriannuel de l’État avec une feuille de route pour la transition énergétique décidée en 2016.
La Région vise une production électrique éolienne de 25 000 MW d’ici à 2028. Mi 2020, 1026 MW étaient produites selon France Énergie Éolienne. « Il y a des retards, comme pour tout projet majeur aujourd’hui sur le territoire avec de nombreux recours pour qu’ils n’aboutissent pas », déplore Claire Hugues, vice-présidente du Conseil régional en charge des dossiers maritimes. C’est le cas par exemple du deuxième parc éolien en mer prévu au large des îles d’Yeu et de Noirmoutier. Un recours a été déposé auprès du Conseil d’État et devrait durer jusqu’à fin 2021. « Il y a une volonté de fonds d’avancer sur les transitions mais il existe des conflits d’usage. Les individus ont du mal à admettre que ces nouveaux projets vont impacter leur vie, même s’ils sont convaincus de leur bien-fondé en théorie. Par exemple, les pêcheurs sont sûrs de l’importance d’apporter des solutions sur l’éolien mais ils sont inquiets des conséquences économiques pour eux car, lors de la construction d’éoliennes, ils ont des difficultés d’accès aux zones de pêche. Ils craignent aussi que la faune ne revienne pas une fois construites. Et, c’est vrai, les poissons ne reviennent pas tout de suite, il y a un impact réel », détaille Claire Hugues.
Autre projet contesté, le parc flottant dit « Bretagne Sud » (26 éoliennes dans un périmètre situé entre l’île de Groix et Belle-Ile-en-Mer) sur lequel la Région entend se positionner. Une enquête publique est en cours.
La vice-présidente s’inquiète aussi des recours contre le projet du site du Carnet, « une base complémentaire pour le développement de l’éolien flottant avec de belles opportunités pour le grand Ouest. Mais il y a un lobbying très fort. Certaines associations brandissent la peur arguant que le projet va dénaturer le site alors que nous avons engagé des démarches pour en réduire et compenser les impacts. »
Comme le montre le parc éolien au large du Pouliguen, le potentiel économique est grand. « Il y a une centaine de PME qui travaillent en rang 2 sur ces énergies marines et qui pourront profiter de ce développement », expose encore Claire Hugues.
TOTAL QUADRAN SE DÉVELOPPE DANS LA RÉGION

Le parc éolien de Conquereuil © S. Compoint / Capa Pictures
Parmi les nombreux acteurs travaillant sur l’éolien terrestre en Pays-de-la-Loire, il y a Total Quadran. Basée à Béziers et producteur d’énergie renouvelable (éolienne, solaire et hydraulique), Quadran a été achetée par le Groupe Total en septembre 2018.
Dans le cadre de l’objectif du groupe d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050, Total-Quadran participe à travers ses diverses agences, dont Nantes, à développer des projets éoliens et solaires. Ouverte en 2017, l’agence compte 11 salariés et couvre les Pays de la Loire et la Bretagne. À ce jour, Total Quadran a mis en service quatre parcs éoliens dans la région (98 MW de puissance installée) dont deux en Loire-Atlantique (Conquereuil et Loireauxence). « Cela peut sembler peu mais il faut compter six à huit ans en France pour développer un projet de parc éolien terrestre », explique Baptiste Simon, responsable de l’agence nantaise. Et les embûches sont nombreuses, en particulier sur la question du bruit. « Nous réalisons une étude acoustique pour mesurer le bruit ambiant avant les études d’impact, et la mise en place éventuelle d’un plan de bridage pour que les éoliennes tournent moins vite ou s’arrêtent quand cela est nécessaire. Sauf que, parfois, entretemps, le paysage a évolué, des maisons ont été construites et cela change les données initiales du projet. Il faut donc faire évoluer les études réalisées… »
L’électricité produite par ces éoliennes est envoyée sur le réseau électrique géré par EDF, et l’énergie est consommée localement, « mais il n’y a pas de dissociation entre l’énergie verte et l’énergie grise au niveau de ce que les gens consomment ». Les contrats d’exploitation des parcs durent quinze ans, ensuite le parc peut être totalement démantelé ou sa durée de vie prolongée. Plusieurs parcs sont à l’étude actuellement par Total Quadran dans la région.