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Le commissaire de justice, nouvelle figure de l’exécution judiciaire

Commissaires de justice, Marie Nixi et Robin Singer dévoilent les rôles, missions et défis de leur profession. Au cœur du système judiciaire, ces experts éclairent sur l'évolution du métier et son impact sur l'exécution des décisions de justice.

Marie Nixi et Robin Singer, commissaires de justice associés

Marie Nixi et Robin Singer, commissaires de justice associés. Photo Benjamin Lachenal

Quelle est l’origine de la profession de commissaire de justice ?

Le commissaire de justice est issu de la loi du 6 août 2015, portée par le jeune ministre de l’Économie de l’époque, Emmanuel Macron, avec l’idée de rapprocher deux professions du droit historiques et anciennes, les commissaires-priseurs judiciaires et les huissiers de justice. La Chambre nationale des commissaires de justice a été créée le 1er juillet 2022 et a élu un bureau national, composé de membres des deux professions.

De nombreux points communs unissent nos deux corporations : nous sommes officiers publics et ministériels nommés par le garde des Sceaux et nous partageons des règles et valeurs déontologiques similaires. Pour être précis, le commissaire de justice est un officier public et ministériel titulaire d’un office conféré par l’État, et il est nommé par arrêté du ministre de la Justice. Le commissaire de justice exerce une profession juridique réglementée, sous l’autorité du procureur général près la cour d’appel du ressort dans lequel il exerce.

Quel est le rôle du commissaire de justice ?

En tant qu’officier public et ministériel, nous bénéficions d’une prérogative concernant l’exécution des décisions de justice et des autres titres exécutoires. Le rôle premier de ce professionnel est de recouvrer les sommes dues, conformément au titre exécutoire rendu, le plus souvent une décision de justice. Pour ce faire, et en cas de refus pour le débiteur de payer, nous avons à notre disposition plusieurs procédures civiles d’exécution nous permettant de recouvrer ces sommes. À titre d’exemple, nous pouvons citer la saisie attribution (saisie sur compte bancaire), la saisie des rémunérations, la saisie vente (biens meubles), la saisie immobilière (biens immeubles), la saisie sur véhicules…

Le commissaire de justice procède également à la signification des actes judiciaires et extrajudiciaires, en contrôlant leur contenu et en garantissant leur date de remise. Concrètement, nous nous déplaçons chez le destinataire de l’acte, afin de le lui remettre. Cela nous permet de lui communiquer certaines informations, en fonction du type d’acte remis : par exemple la date d’audience, les modalités de représentation, la voie de recours, le délai pour contester une procédure, etc.

Nous effectuons aussi quotidiennement des missions concurrentielles : rédaction d’actes juridiques (tels que des assignations, des congés en matière d’habitation et en matière commerciale), des missions de conseil, du recouvrement amiable de créances, des ventes aux enchères, des ventes judiciaires ou volontaires et, bien entendu, des procès-verbaux de constat. Concernant les types de constat, la liste n’est pas limitative.

Enfin, les commissaires de justice peuvent exercer certaines activités dites « accessoires », en complément de leur activité principale. Nous devons pour cela suivre des formations spécifiques. On peut citer, à titre d’exemple, les activités d’administration d’immeuble, de syndic de copropriété, de médiateur, ou encore d’intermédiaire d’agent d’assurances
 

Quels sont les clients habituels d’un commissaire de justice et dans quel cadre territorial agit-il ?

Tous les justiciables, aussi bien les particuliers que les professionnels (sociétés), qu’ils soient créanciers ou débiteurs, les professionnels du droit (avocats, notaires, mandataires judiciaires, greffiers des tribunaux de commerce, experts-comptables…).

Les commissaires de justice doivent régulièrement intervenir dans l’urgence, ce qui rythme nos journées. Nos heures de mission sont fixées par la loi entre 6h et 21h. Nous pouvons agir en dehors de ces heures sur autorisation du juge uniquement, ou dans le cadre d’un constat sur la propriété de notre requérant.

Les commissaires de justice sont rattachés à une cour d’appel. Nous concernant, nous sommes rattachés à celle de Rennes, ce qui nous permet d’exécuter et de signifier des actes dans les départements 44, 35, 56, 22 et 29. Pour l’établissement des procès-verbaux de constat, la compétence territoriale est nationale pour les commissaires de justice.

En quoi le commissaire de justice peut-il être un allié des professionnels ?

Deux missions principales nous sont attribuées par nos clients professionnels : le recouvrement de leurs factures impayées et la rédaction d’un procès-verbal de constat pour établir la preuve de faits ou d’une situation, afin de prévenir un éventuel litige à venir.


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Nous sommes amenés à procéder au recouvrement amiable des factures impayées des sociétés, en prenant contact avec le client indélicat. Nous pouvons effectuer, dans un premier temps, des visites domiciliaires, en notifiant au débiteur un acte extrajudiciaire, comme une sommation de payer ou une sommation de faire. Cet acte est un préalable à l’engagement d’une procédure judiciaire devant les tribunaux. Le but de cette intervention est de trouver une solution de règlement amiable permettant d’éviter la procédure judiciaire. En cas d’échec de cette phase amiable, nous pouvons accompagner le créancier, afin d’obtenir un titre exécutoire, émanant le plus souvent d’un juge. La procédure généralement utilisée est la procédure d’injonction de payer.

Il convient de préciser également que, pendant la phase amiable, et donc avant l’obtention d’un titre exécutoire il est possible de mettre en œuvre (sous certaines conditions strictes) des mesures conservatoires, telles qu’une saisie sur compte bancaire, une saisie des biens meubles ou même prendre une hypothèque judiciaire. Ces mesures conservatoires permettent, dans certains dossiers, de faire réagir le débiteur, afin d’obtenir un règlement de sa part avant la phase judiciaire. Il faut savoir que les impayés peuvent avoir des conséquences très importantes sur la santé financière d’une entreprise et engendrer des situations de cessation de paiements, avec parfois des effets « boule de neige », en mettant d’autres entreprises et fournisseurs en difficulté. Environ 25 % des défaillances d’entreprises sont dues aux conséquences des factures impayées. C’est même la première cause de faillite des sociétés françaises.

Qu’en est-il des actions du commissaire de justice en matière de constat ?

Spécialistes de l’établissement de la preuve, nous intervenons également quotidiennement auprès des professionnels pour établir des procès-verbaux de constat, permettant d’établir une preuve irréfutable avec une valeur juridique, certaines faisant foi jusqu’à preuve du contraire.

Nous effectuons des constatations purement matérielles, exclusives de tout avis sur les conséquences de fait ou de droit qui peuvent en résulter, en apportant la preuve de faits à un instant T, et ce en toute impartialité, en respectant des règles précises permettant d’assurer son authenticité.

Le constat du commissaire de justice intervient régulièrement à la demande de divers professionnels, telles que des entreprises du secteur du bâtiment (avant, pendant et après travaux), pour des constats relatifs à des sinistres, des malfaçons et des abandons de chantier, des états des lieux, des dégâts des eaux, la perte de marchandises suite à un sinistre intervenu dans l’entreprise, l’affichage obligatoire du permis de construire, de démolir ou de la déclaration préalable… Ce peut être aussi pour constater une page et/ou un site Internet (pour cause de dénigrement, concurrence déloyale, diffamation, propriété intellectuelle…), mais aussi pour un mouvement de grève, le dépôt de règlements de jeu, les tirages au sort, un constat sur ordonnance en matière de concurrence déloyale, etc.

En définitive, les professionnels peuvent faire appel aux services du commissaire de justice pour dresser des constats de n’importe quelle situation de faits pouvant leur servir, à un moment donné, de preuve irréfutable, tout en respectant des règles précises, auxquelles nous sommes soumis.