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Industrie et transition écologique : la mise en perspective de Louis Gallois

Après une interruption forcée d’un an, la très courue soirée de rentrée de la Carene s’est déroulée au théâtre de Saint-Nazaire le 7 septembre dernier. Avec, en invité d’honneur, un grand capitaine d’industrie : Louis Gallois qui a fait part de son état des lieux et des enjeux qui attendent l’industrie face au défi de la transition écologique.

Soirée Carene 2021

Soirée Carene 2021 ©IJ

Principal bassin industriel régional, Saint- Nazaire accueille sur ses terres une concentration unique d’entreprises, géants ou petits poucets, et s’investit de plus en plus dans des projets innovants. C’est pourquoi la Carene a choisi cette année de consacrer sa traditionnelle soirée économique de rentrée au nouvel élan industriel du territoire. Un élan qui se traduit par des investissements conséquents chaque année et par un fort dynamisme de l’emploi (lire l’encadré). Selon une étude de l’Observatoire de l’emploi et de l’investissement datant de 2018, Saint-Nazaire se situe en effet dans le peloton de tête des territoires ayant le plus créé d’emplois industriels entre 2009 et 2017, après Toulouse, Bordeaux et Paris.

Dans un contexte où la réindustrialisation est devenue un sujet éminemment politique et médiatique, Saint-Nazaire souhaite se positionner sur le long terme en investissant les champs liés à la transition écologique. C’est dans ce cadre que la Carene a invité Louis Gallois, co-président du think tank La Fabrique de l’industrie 1, à apporter son éclairage. Avec une approche résumée ainsi par David Samzun : « Comment l’industrie contribue-t-elle à la transition énergétique ? » Car, pour le maire de Saint-Nazaire et président de l’agglomération, face aux défis qu’impose la transition écologique, « l’industrie n’est pas le problème, elle est la solution ».

UNE TRANSITION « BRUTALE »

À cette question, celui qui a été notamment à la tête d’EADS et de la SNCF et qui fait figure de patron social, a répondu sans état d’âme, avertissant que la transition allait sans doute être « brutale », citant au passage l’économiste Jean Pisany-Ferry. Et d’expliquer ce point de vue par un constat : « On ne va pas faire -55 % d’émission de CO2 entre 2021 et 2030 sans que ça entraîne des changements fondamentaux pour une grande partie de l’industrie. »

Des transformations radicales donc, qui vont nécessiter beaucoup de moyens, des investissements colossaux. Pour Louis Gallois, « les entreprises doivent se financer et les objectifs qu’on leur fixe être compatibles avec leur capa- cité de financement. » Et pour qu’elles puissent financer ce virage, coûteux, « il faut qu’elles puissent vendre leurs produits actuels », a souligné l’ancien dirigeant de PSA. Prenant l’exemple de l’industrie automobile, il a pointé le fait que si elle ne vend pas ses véhicules thermiques, elle aura énormément de mal à financer les énormes coûts liés à la transition vers les moteurs électriques. Pour lui, « on ne doit donc pas, du jour au lendemain, faire une croix sur les produits actuels. »

DU RÔLE DE L’ÉTAT

Quel rôle le pouvoir central doit-il jouer, selon lui, dans cette transition ? « Il faut que l’État et les entreprises mettent en place un cadre cohérent qui permettent aux entreprises de se financer ». Autrement dit, pour lui, il faut d’une part instaurer une fiscalité incitative et d’autre part accroître les fonds de re- cherche publics. « Nous sommes actuellement à 2,2 % du PIB consacré à la recherche, rappelle-t-il. L’Allemagne est à 3,1 %, les États-Unis sont à 3,5 %, la Corée du sud à 4,5 % et nous, nous avions fixé un objectif à 3 %. Passer de 2,2 à 3 % c’est mettre 20 Mds€ de plus chaque année dans la recherche et je pense que c’est un effort absolument essentiel si on veut que l’industrie française dans les 30-40 prochaines années ne soit pas dépendante de technologies étrangères », a-t-il martelé. À ses yeux, il convient aussi de nous protéger de la concurrence de pays « qui n’auraient pas les mêmes contraintes que nous » et pour cela, il estime que la mise en place de la taxe carbone dès 2022 ou 2023 est indispensable.

Par ailleurs, s’agissant des voies à emprunter pour gagner la bataille de la transition énergétique, Louis Gallois est catégorique : il estime qu’on ne pourra pas se passer du nucléaire, d’autant que « dans les prochaines années, la consommation d’électricité va croître ». « À côté des énergies renouvelables, il faut une énergie pilotable » et, pour lui, la seule répondant à ce critère est l’énergie nucléaire.

FORMATION DES SALARIÉS : UN EFFORT « COLOSSAL »

Deuxième sujet à risque selon le capitaine d’industrie : le social. Si David Samzun voit les opportunités liées à la transition écologique – « Sur notre bassin d’emploi, au sens large, l’État et l’Ademe estimaient en juin que 26 000 emplois seraient nécessaires à la transition énergétique à l’échéance 2030 », lance-t-il, – Louis Gallois, lui, a choisi de mettre l’accent sur les menaces. Menaces qu’il illustre en mettant en exergue le fait que les salariés risquent « d’être les victimes dans cette affaire ». Pour y pallier, « l’effort consacré à la formation va devoir être colossal », pense-t-il. Et là, l’État comme la Région ont leur rôle à jouer. « Mais il faut être conscient que ça ne sera pas une petite affaire », a-t-il insisté.

 

  1. laboratoire d’idées indépendant consacré aux perspectives de l’industrie en France et à l’international depuis 2011

 


Le bassin nazairien industriel en chiffres

  • 5 Mds€ par an de chiffre d’affaires cumulés
  • 200 M€ par an d’investissements industriels
  • 18 000 emplois dont 5 000 dans le secteur logistique
  • +30 % d’emplois entre 2010 et 2019

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