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De l’importance de renforcer ses fonds propres

Avec le PGE, des entreprises ont accru leur taux d’endettement. Le rendez-vous mensuel d’Atlanpole était consacré, en mars, à la question du renforcement des fonds propres.

© iStock

Toutes les entreprises n’ont pas souffert de la même manière de la pandémie. Mais les ratios comptables ont bougé et l’heure est à la structuration. C’est pourquoi Atlanpole consacrait, le 30 mars en visio, son rendez-vous mensuel au renforcement des fonds propres. Car, en contractant un PGE, les entreprises ont accru leur taux d’endettement. Pour un financeur, « le PGE reste une dette », insiste Arnaud Jehenne, président du réseau de business angels Abab. Et dégrade donc la capacité de financement d’une entreprise.

Yoann Jutel, expert-comptable associé chez In Extenso Ouest Atlantique, rappelle ce qu’est une entreprise en difficulté au sens du droit européen : il s’agit d’une société qui enregistre plus de trois ans d’existence et dont les capitaux propres sont inférieurs à la moitié du capital social. « Une situation qui coupe l’accès aux financements publics », souligne l’expert-comptable. Inscrits au passif de l’entreprise, les fonds propres sont constitués du capital social, des primes d’émission, des bénéfices non reversés aux actionnaires, du report à nouveau, du résultat de l’année en cours, des subventions d’investissement et des provisions réglementées. Si les avantages fiscaux liés au statut de Jeune entreprise innovante, notamment le crédit impôt recherche, ne sont pas considérés comme des fonds propres, ils ont un impact indirect sur ces fonds car ils permettent d’améliorer le résultat de l’année. « Ces fonds propres, non seulement financent l’entreprise mais ils sont importants et rassurants pour les banques », insiste Yoann Jutel. L’expert-comptable évoque aussi le compte courant d’associé, considéré comme quasi fonds-propres : « Les associés peuvent prêter de l’argent à l’entreprise. C’est un dispositif simple mais très liquide, il est remboursable à tout moment, sauf si une convention de blocage est établie, par exemple pour couvrir la durée de financement d’un projet. »

RÉÉVALUER SES ACTIFS

Yoann Jutel décrit quelques astuces pour présenter ses fonds propres. « Dans le respect de certains critères, on peut mettre les dépenses de développement en immobilisation et les enlever des charges. Mais attention à ne pas créer d’actifs fictifs. Il faut être capable de le justifier avec un projet très individualisé, une évaluation fiable, une faisabilité technique, une distinction avec les frais liés à la R&D et l’intention réelle d’achever le projet. Sinon cet actif n’aura plus de valeur. » Une solution à manier avec prudence donc.

Autre possibilité : le cas d’un associé qui abandonne pour un temps les fonds du compte courant au profit de l’entreprise avec une clause de retour à meilleure fortune. « Dès qu’on annule une dette, on augmente un produit, donc le résultat de l’entreprise qui impacte le niveau des fonds propres. C’est une démarche bien vue par les financeurs car elle montre l’engagement des associés pour le projet. » Dans certains cas de figure, il est aussi possible « d’y intégrer les ‘‘mesures Covid’’ avec la réévaluation de ses actifs corporels et financiers, par exemple un immeuble revalorisé au montant du marché avec neutralisation fiscale des conséquences de la réévaluation (une possibilité donnée par la loi de finances 2021, NDLR) ». Mais Yoann Jutel alerte : « Il ne s’agit pas d’optimiser pour optimiser et se mettre en danger. Il convient d’être dans les clous des règles légales et fiscales. »

« ON FINANCE UNE PERSONNALITÉ »

Parmi les leviers pour renforcer ses fonds propres, il y a aussi le recours au financement privé. Arnaud Jehenne analyse la situation : « Certes, il y a la pandémie et une certaine frilosité, mais on observe une appétence forte pour l’entrepreneuriat qui a une meilleure image. Des gens qui ne peuvent pas se lancer eux-mêmes veulent accompagner des projets. » Si des secteurs comme la restauration sont compliqués à financer, Arnaud Jehenne estime que ça n’est pas impossible, prenant pour preuve le choix d’Abab, en janvier, de financer un projet du secteur culturel. « Il y a eu un coup de frein dans les financements au second semestre 2020, mais 2021 a débuté sur une bonne pente », indique-t-il. Une différence toutefois : aujourd’hui, les business angels demandent à ce que le bouclage d’un financement soit terminé et signé le même jour avec les différentes parties prenantes. Le réseau n’accorde plus de fonds avant que le tour de table ne soit complété.

Il met aussi en garde sur la notion de deeptech : « C’est une appellation à employer avec prudence auprès des business angels. Mieux vaut ne pas l’utiliser en amont car une deeptech demande une dizaine d’années de recherche et ça n’est pas vraiment dans notre philosophie. Nous œuvrons pour créer plusieurs entreprises, pas une seule. »

Enfin, Arnaud Jehenne évoque leur manière d’évaluer une proposition : « Nous finançons d’abord des projets qui ont du sens, bien sûr, puis on regarde la personnalité du porteur de projet, sa capacité individuelle à le défendre. Il nous est difficile de nous projeter sur une performance économique, pas sur le potentiel d’une personne à rebondir, à bosser énormément… »

 

LE TÉMOIGNAGE DE SMART MACADAM

Le serial entrepreneur Laurent Maury – créateur des cartons 01.net et de Télécharger.com notamment – a un nouveau projet à Nantes depuis 2017 : une interface numérique afin d’aider les personnes en perte d’autonomie. Avec l’ambition de devenir leader européen sur ce segment. Après quatre années de recherche, Smart Macadam est en négociation, notamment avec Apple, pour une mise sur le marché. Il a témoigné lors du webinaire des différentes étapes pour renforcer ses fonds propres. D’abord, un investissement des entrepreneurs pour la création (10 000 €), puis une première augmentation du capital social de 140 000 € d’investissement des entrepreneurs à nouveau. Puis une deuxième augmentation de capital via une collecte de Love Money et la création d’une holding dédiée (165 000 € sur l’objectif de 300 000 €, le montant restant ayant été abondé par les entrepreneurs). Smart Macadam obtient ensuite le statut de Jeune entreprise innovante grâce à un rescrit fiscal et décroche différentes bourses de Bpifrance. « La première était de 7 000 €. Cela n’a l’air de rien mais c’est une aide incroyable, d’autant que Bpifrance instruit très vite, paye très vite… » Avec une bourse de 250 000 €, Smart Macadam commence à pouvoir demander un crédit bancaire et répartit les fonds entre trois banques. Prochaine étape : lever des fonds auprès de business angels notamment et accéder à d’autres fonds de Bpifrance. « On sait que plus les montants grandissent, plus la sélection est forte. C’est normal. En tout cas, on a démontré nos compétences à chaque étape et cela a un effet d’entraînement. » Aux entrepreneurs, Laurent Maury conseille « d’écouter les avis des ‘‘sachants’’ du financement, expert-comptable, Bpifrance… Ça n’est pas toujours agréable à entendre mais il faut avoir de l’humilité. Nous on fait appel à des experts, c’est important.

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