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Grégory Flipo, dirigeant de TMC Innovation : « L’entreprise comme levier »

À 58 ans, Grégory Flipo, dirigeant de TMC Innovation, a fait de la petite structure employant six chaudronniers, reprise en 2006, un spécialiste français des mâts d’éclairage décoratifs. Réussissant dans un marché de niche, il a aussi à cœur de transmettre sa foi inébranlable dans l’entrepreneuriat, notamment au sein de l’association Entreprendre Pour Apprendre.

Grégory Flipo est convaincu de la nécessité de transmettre et redonner autant qu'il a reçu. Photo Benjamin Lachenal-IJ

D’où venez-vous ?

Je suis originaire du Nord où j’ai grandi ; une région toujours très chère à mon cœur. Mon papa était de Tourcoing, ma mère de Roubaix, des familles d’entrepreneurs industriels du textile. J’y ai fait ma scolarité puis je suis parti à Grenoble pour des études de commerce à l’École de Management. J’ai adoré cette région Rhône-Alpes. Beaucoup de mes amis partaient en coopération à l’époque mais j’ai saisi l’opportunité de vraiment faire autre chose. Le service militaire m’a attiré, je l’ai fait bien et à fond, comme officier. Je me suis ensuite rengagé pour douze mois. J’y ai appris les premières règles de management et j’ai apprécié la rencontre de tous les milieux. Je suis parti en Afrique, dans l’artillerie au sein de la Force d’Action Rapide. Il s’agissait d’expliquer et de convaincre plus que de faire « péter » les galons comme on disait. Le manager doit s’adapter aux individus auxquels il a affaire. Il y a bien sûr un cadre et des règles que chacun doit connaître, mais manager, c’est avant tout comprendre la spécificité, la particularité d’un individu pour faire en sorte qu’il ait le meilleur environnement pour exprimer ses talents tout en respectant le collectif. Le manager est là pour faire respecter une équité, non une égalité. Je pense que l’humanité est faite de différences, de fragilité, d’excellence. Le manageur doit jouer avec tout cela et être le plus équitable possible. J’ai appris cela à l’armée, y compris en prenant des coups. Si on met les gens en situation d’être responsables et autonomes, du moment que l’on a une vision globale et que l’on s’assure qu’ils atteignent leurs objectifs, on n’est pas obligé de savoir faire à leur place.

Comment êtes-vous devenu entrepreneur ?

C’est l’histoire de TMC Innovation : donner un environnement qui permette aux hommes et femmes qui y travaillent de s’épanouir. J’aime cette phrase : « L’art le plus difficile n’est pas de choisir les hommes mais de donner aux hommes que l’on a choisis toute la valeur qu’ils peuvent avoir. » Cela résume mes convictions de manager. Faire avec un collectif et incarner sa vision et sa dynamique mais en étant toujours au milieu de celui-ci pour qu’il soit le meilleur possible.

Après l’armée, j’ai intégré un grand groupe de distribution de matériel électrique, leader mondial, Sonepar, où j’ai franchi progressivement tous les échelons. Je suis plutôt un diesel, je ne suis pas explosif. Pour me mettre en confiance, il faut que je fasse et refasse les choses. Et je suis prudent. Une fois que je suis en confiance, je peux gravir un échelon supplémentaire. À 40 ans, directeur général d’une des filiales du groupe (Socolec au Mans) depuis cinq ans, j’ai eu envie d’autre chose. J’ai ressenti le besoin d’être patron de ma propre boîte pour être à l’origine de la création de valeur.

Je me suis alors dit que c’était le bon moment. C’était un objectif que j’avais fondamentalement. Je suis descendant de patrons chrétiens. Dans la Bible, il y a la parabole des Talents : quand on a reçu de la confiance et des moyens, il faut s’en servir ! Cela n’a pas été facile au début. Matériellement, je peux encore me poser la question de savoir si cela a été un bon choix car j’ai mis beaucoup de temps à retrouver l’équivalent du salaire que j’avais comme dirigeant salarié. Pendant six mois, mon ami Dominique Goubault m’a prêté un bureau dans son imprimerie pour me mettre à la recherche d’une entreprise à reprendre. Je n’étais pas un créateur. Je n’avais pas d’idées préconçues. J’ai étudié plusieurs dossiers dans des domaines très différents. Pour moi, l’entreprise est un moyen et non une fin : un moyen de s’épanouir et d’épanouir les autres et de créer de la valeur. J’avais envie d’être dans la fabrication plutôt que dans le service.

Je pense que le gars qui se met à son compte n’est pas complètement lucide et rationnel sur la situation. Il a tellement envie qu’il y a des trucs qu’il ne voit pas »

Vous reprenez un fonds de commerce qui devait fermer !

En 2006, on est en pleine croissance, les entreprises étaient très chères. Je n’avais pas les moyens et une trop grosse dette senior à mettre en place. Je n’avais pas envie d’être motivé par le remboursement. J’ai choisi d’acheter quelque chose qui ne valait rien et de tout refaire. J’ai repris un fonds de commerce ayant très peu de valeur car il devait fermer. Le propriétaire voulait…