Couverture du journal du 03/05/2024 Le nouveau magazine

Festival Think Forward : Comment composer avec l’incertitude ?

“Covid, Ukraine, inflation, etc. Quand le monde d’avant reviendra-t-il ?“ s’est interrogée la conférencière Emmanuelle Duez, en écho aux incertitudes liées au contexte économique et social actuel. D’où la thématique choisie pour cette troisième édition du Festival Think Forward de La Baule : “Comment entreprendre dans un monde incertain ?” Quelques pistes proposées par les intervenants devant un parterre de 600 chefs d’entreprise.

Olivier Payen Festival Think Forward

Olivier Payen. © OPA Group

Sur bien des plans, les marqueurs sont plus à l’orangé-rouge qu’au vert pimpant. L’entrepreneure Emmanuelle Duez a dressé quelques constats : un taux de mortalité entrepreneuriale en hausse, 35 % des actifs qui veulent changer d’entreprise d’ici deux ans, 24 % des Français qui considéraient en 2022 leur travail important, contre 60 % en 1990… Mais la fondatrice et dirigeante du cabinet de conseil The Boson Project demeure positive, assenant au public par visioconférence : « Oui, il faut se battre quand on est entrepreneur. Pour son équipe, pour ses clients, pour son pays, pour la société, pour être libre de ses idées et de ses risques. » Et de mettre en lumière les trois défis de notre époque permettant, selon elle, de faire face à ce contexte de permacrise[1] : « Être utile au service de la vie et entreprendre pour de l’essentiel ; être autrement, par une transformation de nous-mêmes, mais sans changer de colonne vertébrale ; réaliser que nos sociétés dirigées ou fondées sont les derniers lieux où l’on peut faire société ».

« Embarquer les équipes avec nous »

Ce qui vaut dans une PME de trente personnes comme celle que dirige Emmanuelle Duez, vaut pour un grand groupe. Olivier Payen, président de Samsic Facility (85 000 collaborateurs, 2 Mds€ de CA), confirme la donne : « Une grande mutation s’opère et le rapport au travail est complètement différent. » Face aux inquiétudes pour sourcer, recruter et fidéliser ses salariés, le dirigeant martèle l’importance de développer un « climat de confiance » dans l’entreprise face à une « société anxiogène », en « embarquant les équipes de manière positive ». Mais il n’omet pas le rôle du business model, à « revoir complètement pour coller à la réalité de nos clients qui eux aussi subissent de grandes difficultés de recrutement ». Désormais, le monde économique avance main dans la main avec la révolution digitale en cours. « On doit capter ces nouvelles technologies pour rendre le travail de nos collaborateurs plus performant et le concilier avec l’intelligence artificielle grandissante », affirme-t-il.

Nous réinventer face aux conditionnements sociaux 

De son côté Leslie Coutterand estime qu’« il est urgent de dépasser nos conditionnements sociaux pour nous réinventer ». L’éco-activiste et ancienne actrice a eu une prise de conscience après des années de vie façonnée par le rêve américain. Pour elle, « nos succès et notre bonheur sont influencés par la publicité, les médias et nous sommes soumis aux diktats des réseaux sociaux ». À l’instar d’Olivier Payen, la conférencière convoque également la « confiance » dans les esprits, et propose de « prendre le temps d’observer nos comportements pour déconstruire nos certitudes et balayer nos incertitudes ».

Un pacte intergénérationnel nécessaire

Observer, oui, mais pas chacun de son côté. En cela, Jasmine Manet a invité à la table du Festival Think Forward le sujet de la fracture générationnelle, « sujet stratégique » selon elle pour faire bloc face aux incertitudes prégnantes et durables. La directrice générale de Youth Forever, dont la mission est de faire monter en puissance les engagements des organisations à l’égard de la jeunesse, appelle les entreprises à « tisser un nouveau pacte sur le long terme », et reprend, elle aussi, la notion de « confiance ». Un nécessaire pacte intergénérationnel à faire entrer d’urgence en entreprise. En cela, Jasmine Manet entend prôner tous les modes d’action, estimant que « parler, c’est déjà agir ». Si pour la jeune femme, la « jeunesse est la clé de la résilience », Gaël Slimane, président et cofondateur de l’institut d’études Odoxa, a néanmoins tenu à rassurer les participants de l’événement : « La jeunesse est aussi dans l’énergie. On peut être quinqua et entreprendre. »

 

Les Français face aux changements et à l’incertitude

Réalisé quelques jours avant le Festival Think Forward, un baromètre réalisé par la société Odoxa évalue le rapport des Français à l’incertitude. Son président, Gaël Slimane, qualifie le ressenti sur la société de « plutôt négatif », même si les Français admettent en partie que d’une crise « peut déboucher une opportunité, notamment l’innovation ».
82 % des sondés se disent désormais « plutôt inquiets » face au changement, contre 67 % en 2022 et 43 % en 2010. Cependant, 73 % pensent que les changements et les crises peuvent « souvent, ou parfois », se transformer en opportunités. Pour rebondir dans ce contexte incertain, 45 % estiment que l’innovation permettrait aux entreprises de rebondir, suivie par trois valeurs RSE : l’égalité et l’inclusion (35 %), l’écologie (29 %) et la générosité (26 %).

Optimisme et incertitude : faut-il choisir ?

L’intervention de Philippe Gabilliet tombait à pic pour redonner le sourire aux décideurs présents. Pour ce conférencier qui se présente comme un « inspirateur d’optimisme », « mieux vaut se réconcilier avec ses faiblesses et se concentrer sur ses points forts, mettre toute notre créativité et notre potentiel sur ce qu’on peut faire bouger ». Il suggère, face à une crise, de « mettre en œuvre des solutions, même imparfaites ou partielles ». Face à l’incertitude, Philippe Gabilliet valorise lui aussi la confiance, l’échange de valeurs et d’utilité. « On a le devoir d’essayer. Et le droit à l’erreur, c’est cadeau. »

 

[1] Néologisme inventé par un journaliste britannique du Sunday Times début 2022 au moment de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, pour définir un état de crise permanente et systémique.