Quel a été votre parcours ?
Arnaud Poitou : J’ai commencé ma carrière dans l’industrie, j’ai travaillé chez Rhône Poulenc puis chez Renault, comme ingénieur de recherche en matériaux et procédés, notamment sur un véhicule «tout plastique», ce qu’on appelle aujourd’hui composite. À 30 ans, dans les années 1990, je suis entré à l’école normale supérieure de Cachan et, en parallèle, j’étais chargé de cours à l’école polytechnique à Palaiseau, j’avais monté une équipe de recherche sur les matériaux et procédés, catalyseurs, polymères… J’étais un spécialiste de la mécanique de la matière molle, de la physique et la mécanique de ce qu’on peut toucher, déformer, comme de la pâte à pain. Je suis resté attiré par les innovations qu’on peut voir, qui se construisent, ce que certains appellent la vieille économie mais… pas moi. Au début des années 2000, je souhaitais vivre une nouvelle expérience.
Et vous avez choisi Nantes ?
Arnaud Poitou : Avec mon épouse, nous avions une résidence secondaire à Carnac. Un jour où nous passions par Nantes pour rejoindre Paris, nous sommes restés plusieurs heures dans les embouteillages. Je me suis dit que si on habitait Nantes ce serait quand même plus simple! J’ai vu, peu de temps après, une annonce pour un poste d’enseignant-chercheur à l’école Centrale de Nantes, je suis arrivé comme enseignant-chercheur et là j’ai vraiment découvert la ville et ses particularités. C’est-à-dire, une capacité à créer de la valeur que je n’ai vue nulle part ailleurs. En région parisienne, je faisais mes recherches dans mon coin et personne ne venait me voir. En arrivant à Centrale, le patron de l’école me dit voilà, Airbus développe un tronçon central d’avion en composite, il faut que tu te rapproches d’eux.
J’ai répondu : on pourrait mais il me faudrait 200000 € pour acheter une machine pour fabriquer des pièces, et je ne les ai pas. Il m’a répondu très naturellement : sur des questions comme çà on en parle aux collectivités locales, c’est un projet qui concerne le territoire. Trois jours après, nous avions rendez-vous avec le responsable de la recherche à la Région, qui nous a dit «si vous trouvez 100000 €, on pourra mettre au bout». Je n’avais jamais vu ça. On a été chercher des entreprises pour les 100000 € supplémentaires. À partir de là, on a créé une relation très forte avec Airbus, qui constatait qu’il y avait des recherches importantes dans la région et a délocalisé son centre de recherche à Nantes, et l’équipe composite et robotique s’est installée dans nos locaux. Nous les avons partagés pendant cinq ans. C’est parce que notre collaboration a bien marché que le technocampus est né. On est passé de 300 m2 à 20000 m2. J’ai été l’un des acteurs importants de la création, puis ça a fait boule de neige, et l’IRT (Institut de recherche technologique) Jules Verne est né. Je crois bien que j’ai eu l’idée du nom… Bon, c’était un peu évident.
Quel directeur avez-vous été ?
Arnaud Poitou : En 2012 Patrick Chedmaille, le directeur de Centrale, m’a dit : «je libère le poste de directeur», et m’a demandé si cela m’intéressait. Sincèrement, je n’y avais pas pensé, mais quand il m’en a parlé, je me suis dit pourquoi pas parce que j’aime bien les défis, je ne suis pas un gestionnaire dans l’âme, mais j’aime créer. Tout petit, (rire) enfin à 30 ans, quand j’étais à l’ENS Cachan j’ai déjà créé mon propre labo de recherche. Il y a plusieurs profils d’ingénieurs. Certains aiment bien gérer…